[CRITIQUE] : Luzzu

[CRITIQUE] : Luzzu
Réalisateur : Alex Camilleri
Avec : Jesmark Scicluna, Michela Farrugia, David Scicluna,…
Budget : -
Distributeur : Epicentre Films
Nationalité : Maltais.
Genre : Drame.
Durée : 1h34min.
Synopsis :
De générations en générations la famille de Jesmark pêche à bord du Luzzu, bateau en bois traditionnel maltais. Mais Jesmark voit son avenir menacé par la raréfaction des récoltes et l’ascension d’une pêche industrielle impitoyable. Pour subvenir aux besoins de sa femme et de son fils, le jeune homme va peu à peu se compromettre dans le marché noir de la pêche.

Critique :

D'un naturalisme galvanisant, proche du néoréalisme italien dans sa quête de vérité à la lisière du documentaire,#Luzzu incarne le portrait captivant d'un pays en pleine transition et d'une communauté maltaise confrontée aux affres de la mondialisation et du changement climatique pic.twitter.com/TDzbsuBX6W

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 5, 2022

Luzzu, le premier long métrage du wannabe cinéaste Alex Camilleri, tire son nom d'un bateau de pêche traditionnel utilisé dans les îles maltaises, et c'est celui de Jesmark sur lequel il pose sa caméra, un jeune pêcheur qui a hérité de son bateau d'une longue lignée des hommes de sa famille.
Celui-ci tente tant bien que mal de gagner sa vie, au coeur d'un monde bousculé et en constant changement, ou la pêche n'est pas tant un métier pour survivre qu'une malédiction que l'on se transmet de génération en génération.
Mais ses impératifs sont impérieux, il vient de se marier et de devenir père (son bébé ayant des difficultés de santé, nécessitant un régime particulièrement coûteux), et la fuite inquiétante qui commence à fracturer son outil de travail essentiel, se fait alors la résonance métaphorique douloureuse d'un homme confronté à la dure réalité d'une mondialisation qui n'a aucune place pour lui, pas même pour sa propre nation, ainsi que d'un changement climatique qui rabat continuellement les cartes.

[CRITIQUE] : Luzzu

Copyright Epicentre Films


Formidable drame aussi délicat et empathique dans son regard sur ses personnages, que profondément captivant incisif dans son engagement et le message qu'il évoque avec une force désarmante, Luzzu est une véritable plongée alarmante au plus près de ses travailleurs de pays dits mineurs (engoncés entre traditions et modernité), au quotidien ravagé par une pauvreté corrosive et asphyxiante, dont la colère et la désespérance ne fait que grandir à mesure que le fossé qui les sépare avec les plus riches, ne cesse de consciemment grandir.
D'un naturalisme galvanisant (les comédiens ne sont pas des acteurs professionnels), très proche du néoréalisme italien dans sa quête de vérité à la lisière du documentaire, Luzzu incarne le portrait rude et saisissant d'un pays en pleine transition et d'une communauté maltaise dont la flamme s'éteint peu à peu face à la corruption, les quotas gouvernementaux et les politiques aveugles de l'Union européenne.
Avec son premier effort fort et mélancolique aux thématiques très actuelles (les notions de masculinité, de bataille sans relâche contre l'isolement, les affres du changement climatique, la tentative désespérée de laisser une marque dans le monde,...), Alex Camilleri place au premier plan une communauté rarement mise en avant, leur offrant une reconnaissance et une humanité salutaires; un magnifique drame sociale dont la charmante petitesse de l'objectif dément une conscience du monde plus vaste, sans préciosité et surtout intimement inquiétante.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Luzzu