Réalisateur : Marco Ferreri
Acteurs : Ugo Tognazzi, Annie Girardot, Achille Majeroni,...
Distributeur : Tamasa Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français, Italien.
Durée : 1h30min
Date de sortie : 24 juin 1964
Date de reprise : 19 janvier 2022
Synopsis :
Antonio Focaccia découvre une jeune femme dont le visage est couvert de poils. Il decide alors de l'exhiber dans une baraque foraine.
Critique :
Avec sa perception détachée de la femme comme d'un aimant de chair et d'os fait pour attirer le regard,#LeMaridelaFemmeàBarbe incarne une dissection décadente d'une société malade, victime d'obsessions grotesques qui ne font que trahir le vide moral et l'antipathie qui l'habitent pic.twitter.com/Zor0lsVfCY
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 19, 2022
Marco Ferreri était l'un des artisans les sous-estimés de l'époque faste du cinéma italien, un artisan du grotesque et de la poésie lucide de la vie, alliant la satire sans filtres à des images provocantes et même organiques pour mieux dévoiler du bout de son incisive caméra, la cruauté de l'âme humaine.
Un auteur dont la grande partie de sa carrière fut consacrée de manière presque obsessionnelle, à l'illustration d'une société bourgeoise et gâtée italienne, première victime du capitalisme vulgaire et ne brille sous aucune de ses multiples facettes dans ses efforts.
En ce sens, même si ce n'est pas forcément son meilleur film, Le mari de la femme à barbe, inspiré de la vie du phénomène de foire Julia Pastrana (une femme mexicaine atteinte d'hypertrichose), est sans doute l'une de ses oeuvres les plus mûres et fascinantes.
Porté par Ugo Tognazzi, l'acteur fétiche du cinéaste (avec Michel Piccoli et Marcello Mastroianni), suit Antonio Focaccia, un entrepreneur créatif très habile dans l'art de gagner sa vie en trompant les autres.
Copyright Tamasa Distribution
Un jour, il rencontre Maria, une femme à la pilosité franchement excessive, qu'il voit immédiatement comme une source potentielle de revenus.
Il la convainc d'emménager dans sa maison, promettant de subvenir à ses besoins en échange d'une exploitation pure et simple de son corps, lui faisant endosser le rôle d'une créature très rare qu'il prétend avoir capturée au cœur de l'Afrique, après avoir vécu bon nombre d'aventures dangereuses - naturellement inventées.
Un petit théâtre grotesque, monté avec beaucoup de soin par Antonio, commencera bientôt à fatiguer Maria, qui revendique de l'affection mais aussi surtout son identité de femme humaine, même si elle se heurte à la volonté obstinée de celui qui deviendra son époux...
Loin d'arborer des intentions moralisatrices, Ferreri dépeint avec un détachement certain la conception de la femme comme d'un objet, certes plus consciente que l'homme, mais usée comme élément de divertissement, un aimant de chair et d'os fait pour attirer le regard des gens et l'argent qui va avec.
Une perception détachée et organique à la fois, tant le cinéaste arbore parfois une approche sensorielle de ce phénomène anormal, une attention obsessionnelle - presque fétichiste - au différent et au bizarre comme une nouveauté qu'il faut consommer, en passant lentement mais sûrement du regard au toucher.
En exploitant la femme et, plus directement l'individu, pour en faire un phénomène de foire, Ferrari opère une destruction en ordre de la société de l'époque mais aussi contemporaine, tragiquement vissée sur la notion de paraître.
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Une dissection décadente de l'anatomie d'une humanité malade (ou quand une " bête " ne fait que dévoiler la bestialité des âmes supposés normales de la société), victime d'obsessions grotesques qui ne font que trahir le vide moral et le manque d'empathie qui nous habite tous.
En pointant sa caméra vers le défaut et le vice, Le mari de la femme à barbe se transforme en miroir déformant, ou l'image déformée qui nous est renvoyée est aussi grotesque que lucidement et douloureusement actuelle.
Jonathan Chevrier