(Critique - avec spoilers - de la saison 3)
Il y a quelque chose d'involontairement méta à la vision de l'excellente série made in Netflix After Life, tant l'incertitude et les craintes face à la vie que peuvent ressentir le personnage principal - Tony - incarné par Ricky Gervais, sont instinctivement les mêmes que celle du Ricky Gervais showrunner, qui n'avait jamais vraiment été assuré qu'une seconde saison verrait le jour, et encore moins une troisième et dernière - selon ses dires.
Une inquiétude qui semblait s'être dissipée dans les premiers instants de cette ultime salve d'épisodes, tant l'on retrouve un Tony non plus totalement emprisonné dans son cycle de deuil perpétuel, mais prêt à arpenter le dur chemin de la rédemption et à essayer d'être un tant soit peu heureux... tout dû moins en apparence, tant la question a toujours été de savoir au fond combien de temps Tony sera capable de retenir ses démons, avant de se laisser happer une nouvelle fois par les ténèbres (le final sombre et ambiguë, même si teinté un brin d'espoir, de la seconde saison le démontrait parfaitement).
Copyright Natalie Seery/Netflix
Est-ce que la douleur du deuil et les tourments de la dépression agissent toujours comme une ombre menaçante sur la narration ? Complètement.
Est-ce que Tony a rayé sa regretté femme de sa vie ? Pas même un peu.
Est-ce que cette (ultime) saison l'amène in fine vers un avenir si ce n'est heureux, au moins un chouïa moins pessimiste ? Répondre à cette question gacherait le plaisir qu'offre cette troisième cuvée, ou l'importance n'est pas tant d'aller émotionnellement d'un point A à un point B mais bien de vivre ces épisodes comme de vraies expériences de vie, d'être avec ces personnages alors qu'ils vivent des hauts et des bas, des petites victoires comme des défaites frustrantes.
Et c'est là toute la force de cette comédie noire aussi cynique qu'elle est bouleversante, sa propension à aborder la vie et la mort de la manière la plus significative, honnête et banale qui soit, rendant d'autant plus palpable les odyssées intérieurs de chacun des protagonistes pour explorer leurs propres fêlures.
Surtout que pour ne rien gâcher, Gervais n'hésite pas à doubler la dose avec son humour volontairement maladroit et indélicat - pour ne pas dire franchement vulgaire -, tant il sait pertinemment que c'est dans la colère et la dépression qui rongent Tony qu'ironiquement, son écriture comique tire toute sa force, cette juxtaposition magique entre la douceur désemparée de ceux qui émaillent son quotidien (de Matt son patron/beau-frère, au loser perpétuel Brian, en passant par le wannabe comédien James, l'attachante Kath ou la jeune Colleen et son désespoir terre-à-terre dans lequel Tony se reconnaît) et son désir torturé de s'en prendre au monde.
Copyright Natalie Seery/Netflix
Si le pathétique et le cynisme se mêlent toujours autant à la mélancolie, la solitude et le désespoir, il y a tout de même un message d'optimisme sous-jacent qui se dégage de ce - potentiel - final, cette idée qu'il faut savoir vivre dans l'instant, de profiter de la beauté et des opportunités de la vie même quand elle nous éprouve par sa dureté.
Et peut-être plus encore que sur les deux précédentes saisons, Gervais pointe l'importance de la bienveillance et de l'entraide pour mieux tirer le meilleur parti de la brièveté de nos existences, dans une étreinte à la fois douce-amère et magnifiquement humaine.
Définitivement, l'une des plus belles réussites du giron séries de Netflix.
Jonathan Chevrier