[CRITIQUE] : Un monde

[CRITIQUE] : Un mondeRéalisatrice : Laura WandelAvec : Maya Vanderbeque, Günter Duret, Karim Leklou, Laura Verdelin,…
Budget : -
Distributeur : TANDEM
Genre : Drame
Nationalité : Belge
Durée : 1h15min
Synopsis :
Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école.
Critique :

#UnMonde montre l’école comme un lieu de répétition. Un geste ou un mot appris en classe peuvent servir comme une arme ou un motif d’exclusion du groupe. Il dépeint le point de vue d’une petite fille qui expérimente la société et la violence pour la première fois (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/8rSxmjfQ2G

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 27, 2022

Pour son premier long métrage, la réalisatrice et scénariste belge Laura Wandel, plonge à l’intérieur du monde de la récréation. Un monde encapsule un univers inconnu des adultes, bien prompts à oublier la violence de l’enfance pour un regard plus doux et nostalgique. Mais il arrive parfois que l’école et les camarades soient une source de souffrance. Selon les études du gouvernement, 5 à 6 % d’élèves seraient victimes de harcèlement scolaire, un chiffre qui tourne plutôt autour de 10 % selon les associations liées à combattre cette violence. Bien que l’image collective se tourne vers les collèges et lycées pour montrer l’engrenage, l’école primaire est également un lieu de harcèlement. C’est dans ce lieu que Laura Wandel nous emmène et montre, avec le point de vue de la petite Nora (Maya Vanderbeque), une réalité effrayante.

[CRITIQUE] : Un monde

© TANDEM


L’école, lieu d’apprentissage, est surtout un lieu de déchirement pour Nora. Elle doit se séparer de son père et de son grand-frère (Günter Duret) pour faire son entrée en classe. Un nouveau monde s'ouvre à elle. Un monde où la liberté a pris fin. On n’a de cesse de la bousculer, de lui poser des questions, de la contraindre à rester à sa place à la cantine — alors qu’elle souhaite rejoindre son grand-frère Abel — ou d’effectuer des tâches qui lui font peur (la gymnastique ou lacer ses chaussures correctement). Outre le fait d’apprendre la conjugaison et la grammaire, elle apprend aussi à vivre en société. Cette société comporte des règles qu'elle se doit de suivre. Il y a l’obligation de se faire des ami⋅es, pour appartenir à un groupe et surtout, le plus important, entrer dans la norme. Le problème étant que, malgré elle, Nora rate le coche de cette performativité de la norme. Son père ne travaille pas et s’occupe d’elle et de Abel, changeant de ce fait l’image de la mère à la sortie de l’école. Un monde ne nous dit pas si ce père est célibataire ou si une maman est dans les parages. Qu’importe la raison, ce père est donc un chômeur, un « fainéant » pour les nouvelles amies de Nora, mimant sans le savoir les dires et les jugements de leurs parents. En plus de cela, son grand-frère Abel sort également de l’image forte du frère protecteur. Il est victime de harcèlement de la part de ses camarades, qui n’hésitent pas à le taper, à le noyer dans la cuvette des toilettes ou à l’enfermer dans une poubelle. Nora n’était pas préparée à vivre et à comprendre cette violence. Elle se retrouve vite désemparée, sans repère et sans savoir vers qui se tourner.

[CRITIQUE] : Un monde

© TANDEM


Laura Wandel choisit la radicalité pour dépeindre l’expérience du harcèlement. Un monde est délimité par un lieu et par un point de vue, celui de Nora. Rien n’existe en dehors de l’école et en dehors de sa perception. Le cadre est bas, à hauteur d’enfant, ce qui oblige les personnages adultes à se baisser pour apparaître dans le cadre. Le hors-champ est alors immense, laissant le cadre emprisonner les enfants dans le récit. L’immersion oblige le public à accompagner Nora dans ses choix, qu’ils soient judicieux ou non. L’histoire se nuance d’elle-même et montre toutes les failles du système éducatif. Trop d’enfants et pas assez de surveillants ? Ou choix conscient de regarder ailleurs par facilité ? Nous ne savons pas réellement ce qui permet à ces actes de violence de perdurer. Ce n’est pas ce qui intéresse la cinéaste, elle ne montre pas le noyau du système mais plutôt ses conséquences. Il n’y a que les victimes qui accaparent son attention ; des victimes capables de se transformer en bourreaux pour survivre dans le microcosme de la récréation.

Un monde montre l’école comme un lieu de répétition. Un geste ou un mot appris en classe peuvent servir presque d’une arme ou d’un motif d’exclusion du groupe. La métaphore du lacet, que Nora apprend à effectuer avec ses camarades, enferme le récit voué à se répéter et à emprisonner les élèves dans un cycle de violence infini. Immersion dans l’école primaire, le film dépeint le point de vue d’une petite fille qui expérimente la société et la violence pour la première fois.
Laura Enjolvy

[CRITIQUE] : Un monde