(Critique - avec spoilers - de la saison 1)
Au cours de ses deux premières - et exceptionnelles - saisons acclamées, le spectaculaire hit sud-coréen made in Netflix Kingdom a su démontrer avec talent qu'il incarnait, haut la main, le meilleur show télévisé de zombies (et encore plus à une heure ou The Walking Dead s'éteint dans un anonymat plus qu'inquiétant) en grande partie grâce à son mélange aussi foisonnant qu'immersif, d'intrigues politiques d'époque, d'une action spectaculaire - capturée dans des décors grandiose - et d'une horreur viscérale; le tout emballé dans une mise en scène furieusement appliquée et cinématographique, qui trahit constamment ses origines (elle est assurément la moins Netflix des créations Netflix).
Mieux, elle arrivait même à incarner le plus bel hommage récent au cinéma vénéré de feu George A. Romero, avec sa narration allégorique, usant du mythe des morts vivants métaphores de la cupidité insatiable de l'humanité et des divisions de classe de l'ère Joseon.
Copyright Yang Hae-sung/Netflix
Aussi bien héritière Netlixienne de cette pépite télévisée autant que d'une flopée de productions d'exceptions made in Corée du Sud, THE place to be pour croquer des oeuvres zombiesques divertissantes et convaincantes (#Alive, Dernier Train pour Bisan, Sweet Home, Zombie Détective,...), All of us are dead créée par Chun Sung-il, adaptation du webtoon Now at Our School de Joo Dong-geun, puise son souci d'originalité dans sa volonté de déchaîner son fléau de morts-vivants dans un cadre furieusement rafraîchissant et cinématographique : un lycée - le Hyosan High School -, cristallisant autant d'humanité que de craintes et de cruauté au-delà même de toute apocalypse zombiesque.
Mais là où ce k-drama se démarque réellement, c'est dans la conscience immédiate de ses personnages, pleinement conscient qu'ils font face à des morts-vivants et ce, sans l'usage putassier d'un méta-élément irritant qui brise le quatrième mur : juste une intime conscience de soi et de la situation effrayante et tragique, qui insuffle de la vie à cette menace mortelle, et crédibilise encore plus leurs actes pour survivre.
D'autant que le cadre scolaire ici n'est pas tant usé pour apporter un vrai sentiment d'empathie envers son public cible (ou lui rappeler au bon souvenir d'un tout aussi sanglant Battle Royale), que pour établir des parallèles directs entre la quête de survie palpable des adolescents survivants, et celle qu'ils vivent au quotidien au coeur de la cruelle jungle lycéenne.
Et plus directement le système éducatif et sportif coréens oppressant (ou il faut exceller coûte que coûte pour exister), que ce soit pour les élèves comme pour les enseignants.
Copyright Yang Hae-sung/Netflix
La substance même de cette invasion est inextricablement liée à l'intimidation (vraiment dérangeante parce que réaliste) et à la violence scolaire, motivée par le désir de préserver un être cher qui ne peut pas se protéger lui-même; celui d'un père, professeur de sciences et génie réputé, pour aider son fils torturé à faire équitablement face à ses bourreaux.
Dénué de toute complexité narrative (tout le background est majoritairement engoncé dans les vlogs du professeur Lee) et totalement enraciné dans la quête de survie de ses protagonistes (dont le physique et les compétences particulières sont intelligemment déployées au fil des épisodes), la série visse toute son attention sur ses personnages finement croqués et étonnamment empathique (comme tout bon teen drama qui se respecte), qui se débattent et sont déjà acculés bien avant que les zombies n'apparaissent (le lycée est comme une cocotte-minute terrifiante et déshumanisante, qui ne demandait qu'à exploser).
Prenant son temps pour les humaniser et faire en sorte que le spectateur se soucie de leur - funeste ou non - sort, quitte à parfois franchement tirer en longueur (12 épisodes là où le show aurait tout aussi bien tenu la route avec au moins de deux moins), l'écriture en fait des lycéens comme les autres, qui s'aiment, se déchirent ou se trahissent, payant tous le tribu d'une société à l'agonie, ou l'apocalypse zombiesque n'est que le résultat de maux purulents et d'injustices systémiques qui se sont infiltrés à tous les strates d'une hiérarchisation sociale catastrophique, dont les inégalités perdurent même au beau milieu d'un effondrement sociétal complet.
Copyright Yang Hae-sung/Netflix
Profondément pessimiste, boostée par une mise en scène inventive et énergique, dont les angles de vues améliorent plus qu'ils ne détournent la frénésie horrifique qui éclabousse l'écran, All of us are dead se fait autant un exaltant et addictif divertissement horrifique (qu'il est difficile de ne pas binge-watcher d'un trait), qu'une thèse sombre sur la société coréenne (mondiale ?) contemporaine, même si au coeur d'un carnage macabre, entre mort et misère, le show défend avec sincérité et compassion l'humanité.
Le monde est pourri c'est vrai, mais pas totalement...
Jonathan Chevrier