[CRITIQUE] : Enquête sur un scandale d'État

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Thierry de Peretti
Acteurs : Roschdy Zem, Pio Marmaï, Vincent Lindon,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 2h03min.
Synopsis :
Octobre 2015. Les douanes françaises saisissent sept tonnes de cannabis en plein cœur de la capitale. Le jour même, un ancien infiltré des stups, Hubert Antoine, contacte Stéphane Vilner, jeune journaliste à Libération. Il prétend pouvoir démontrer l’existence d’un trafic d’État dirigé par Jacques Billard, un haut gradé de la police française. D’abord méfiant, Stéphane finit par plonger dans une enquête qui le mènera jusqu'aux recoins les plus sombres de la République.


Critique :

#EnquêtesurunscandaledÉtat ou une séance dense et exigeante, un thriller d'investigation minutieux et captivant sur le dynamitage en règle d'une mécanique institutionnelle infernale, dénué de tout manichéisme dans sa façon de scruter la complexité du réel pour mieux la dépouiller pic.twitter.com/87wI3yc9lW

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 7, 2022

Il y a quelque chose d'assez ironique à voir Bac Nord revenir au coeur de l'actualité (à la fois pour ses nombreuses nominations aux César, mais aussi pour sa - prévisible - réappropriation politique), alors même que le troisième long-métrage de Thierry de Peretti, Enquête sur un scandale d'État, déboule dans les salles obscures, tant les deux - sur le papier - sont censés pointer les dérives institutionnelles de la lutte anti-stupefiants, tout en s'inspirant de faits bien réels.
Sauf que si le film de Cédric Jimenez dédramatise voire même justifie avec lourdeur l'aspect corrompu de ses sujets (de simples victimes de leur hiérarchie arriviste et, plus directement, de la vie), celui de Peretti lui, ne prend jamais parti et ne s'en tient qu'aux faits - qu'il retranscrit cliniquement - et aux personnes qui s'échinent de manière quasi-obsessionnelle à rendre public, au sein d'une narration dense et exigeante épousant langoureusement les contours du polar âpre que ceux du thriller politico-journalistique volubile et immersif.

Copyright Les Films Velvet


Adaptation plus ou moins libre du roman L’Infiltré : De la traque du Chapo Guzman au scandale français des stups d'Emmanuel Fansten et Hubert Avoine - renommés ici, fiction oblige - , le film suit comment cet improbable tandem (le premier est un journaliste à Libération, le second un ancien infiltré de l’Office Central de Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants - OCRTIS), dont la collaboration est motivée aussi bien par la détermination à dévoiler la vérité que par des intérêts plus ou moins convergents, a catapulté sur la place publique les ramifications douteuses et criminelles de l'OCRTIS, dans sa quête - de façade - pour faire tomber les imposants réseaux de trafic de stupéfiants.
Plongée au coeur des eaux troubles d'un État dont il est difficile d'ausculter les zones d'ombres, De Peretti et sa co-scénariste Jeanne Aptekman distillent le doute aussi bien qu'ils dénouent la complexité de l'affaire François Thierry, en plaçant son auditoire à la place même du journaliste Fansten.
Ils l'intiment à décoder/soupeser les informations qu'on lui donne tout en démêlant habilement le vrai du faux d'une toile d'araignée tortueuse ou l'on questionne autant les fissures dangereuses dans les différentes strates hiérarchiques de l'État (et les limites de leur propension à fermer les yeux face aux actions poreuses d'une politique désespérée d'égrainer des résultats), que les notions de vérités ambivalentes du cercle médiatique et d'un système supposé fiable et irréprochable, mais dont les casseroles ne cessent d'atterrir au coeur de l'actualité.

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Thriller d'investigation minutieux et passionnant sur le dynamitage en règle d'une mécanique institutionnelle infernale - d'ailleurs l'enquête est toujours en cours -, dont il prend suffisamment de distance pour laisser son spectateur tirer ses propres conclusions, Enquête sur un scandale d'État, dominé par un solide tandem Pio Marmaï/Roschdy Zem et une mise en scène cadrée à la serpe (un hypnotique format 1.33 couplé à une superbe photographie féroce de Claire Mathon), dénué de tout manichéisme dans sa manière de scruter la complexité du réel pour mieux la dépouiller, se fait une séance dense et intransigeante qui donne plus qu'elle ne le laisse présager de prime abord.
Une excellente surprise.
Jonathan Chevrier