Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le jour et l’heure » de René Clément.
« Tu vas t’occuper d’eux, moi je suis grillé. Tu es leur seule chance. Et je ne crois pas que tu sois devenue une salope »
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un pilote américain perd le contrôle de son avion et tombe en France. Il est recueilli par une femme dont le mari est prisonnier en Allemagne. Celle-ci va l'aider à se déplacer à travers le pays sans se faire repérer par la Gestapo. A travers cette course, ils vont commencer à développer des sentiments amoureux l'un envers l'autre...
« Ils me prennent pour une autre. Je parlerai peut-être, après tout je ne suis pas un héros »
Ancien complice de Jacques Tati, auprès duquel il s’est formé au début des années 30, René Clément s’épanouira d’abord dans l’univers du documentaire avant de passer au cinéma de fiction dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avec à son crédit une vingtaine de films et de nombreuses récompenses internationales (entre autres un Lion d’or pour « Jeux interdits » en 1952 et deux Oscars du meilleur film en langue étrangère pour « Au-delà des grilles » en 1951 et « Jeux interdits », encore lui, en 1953), il s’imposera rapidement comme l’un des grands noms du cinéma français de son époque. S’il reste encore aujourd’hui associé à une certaine idée du thriller à la française (« Plein soleil », « Les félins », « Le passager de la pluie », « La maison sous les arbres »), sa filmographie reste largement marquée par la Seconde Guerre mondiale, sujet qui l’aura fortement inspiré (« La bataille du rail », « Jeux interdits », « Paris brûle-t-il ? ») et auquel il convient donc de rattacher « Le jour et l’heure », tourné en 1963.
« Si je suis celle que vous croyez, vous pouvez aussi me libérer. La libération est proche et la résistance saura s’en souvenir. »
Il y a, parfois, des rencontres impromptues à même de bouleverser toute une vie. Et quand en plus celles-ci ont lieu en temps de guerre, avec ce que cela comporte de dangers et d’incertitudes, les sentiments n’en sont que davantage exacerbés. Avec « Le jour et l’heure », René Clément imagine ainsi la rencontre improbable entre une bourgeoise parisienne au tempérament rebelle et un pilote américain en cavale après que son avion ait été abattu dans le ciel de France. Une situation incongrue qui poussera l’héroïne à prendre malgré elle la voie de la résistance pour tenter de faire passer son protégé en Espagne. Plus encore que cette romance, plutôt transgressive pour l’époque (l’héroïne est une femme mariée et une respectable mère de famille dont le mari est prisonnier de guerre), « Le jour et l’heure » vaut surtout pour le portrait réaliste et particulièrement sombre qu’il dresse de la France sous l’Occupation, dont il montre sans fard tous les rouages. Peuplée de miliciens violents (terrible scène d’ouverture), de militaires inquiétants, de gestapistes infiltrés qui espionnent sans répit la population, le cinéaste construit, entre deux rafles et une séance de torture, le portrait d’un monde parfaitement anxiogène où le danger semble être partout et dans lequel on ne peut se fier à personne. En creux, il dessine également un formidable portrait de femme à la fois forte et libre, en rébellion tant contre les conventions de sa condition sociale (par opposition à la mentalité rétrograde et matérialiste de sa belle-sœur) que contre la situation politique de son pays (elle n’hésite pas à tenir tête dès le départ à un milicien dont elle déclenche la colère). Dans le rôle principal, Simone Signoret crève l’écran, laissant assez peu de place à son partenaire américain Stuart Whitman, un brin falot. Le reste du casting (Michel Piccoli, Henri Virlogeux, Pierre Dux, Geneviève Page) étant au diapason. René Clément signe là un film étonnant et souvent inconfortable qui annonce à sa manière le terrible « L’armée des ombres » tourné par Jean-Pierre Melville cinq ans plus tard.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « La Dernière résistante » (30 min.), documentaire inédit avec les interventions de Denitza Bantcheva, spécialiste de René Clément et Chantal Pelletier, auteure de « Simone Signoret ou la traversée des apparences ».
Édité par Gaumont, « Le jour et l’heure » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 22 septembre 2021.
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