Le dernier métro

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Carlotta Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le dernier métro » de François Truffaut.

« Il faut savoir laisser les meilleures places à ses ennemis »

Paris, septembre 1942. Lucas Steiner, le directeur du théâtre Montmartre a dû fuir parce qu’il est juif. Sa femme Marion Steiner dirige le théâtre et engage Bernard Granger, transfuge du Grand Guignol, pour jouer à ses côtés dans « la Disparue », que met en scène Jean-Louis Cottins. Jusqu’au soir de la générale, la troupe subit les menaces du virulent critique de « Je suis partout », Daxiat, dont l’ambition est de diriger la Comédie-Française. Et si, par amour pour sa femme, Lucas Steiner avait fait semblant de fuir la France et était resté caché dans la cave de son théâtre pendant toute la guerre...

« Avec les gens comme vous on ne sait jamais s’il s’agit d’une invitation ou d’une convocation »

Ancien critique issu de la rédaction des « Cahiers du cinéma », François Truffaut s’impose dès le début des années 60 comme l’un des grands noms de la « Nouvelle vague », ce courant cinématographique qui prône un cinéma différent, en rupture avec le conformisme du cinéma populaire d’alors. Si le succès critique et public de ses films (« Les quatre cent coups », « Jules et Jim », « La nuit américaine »,…) lui ont conféré une véritable reconnaissance internationale, il connait néanmoins un petit passage à vide à la fin des années 70, marquée notamment par les échecs commerciaux successifs de « La chambre verte » (1978, qui sera le plus gros revers de sa carrière) et de « L’amour en fuite » (1979, dernier volet des aventures d’Antoine Doinel). C’est dans ce contexte tourmenté qu’il revient sur les écrans en 1980 avec « Le dernier métro », qui sera à la fois son film le plus coûteux mais aussi – peut-être – son plus grand succès à la fois commercial (3,4 millions de spectateurs) et critique (10 Césars remportés dont les 5 majeurs, performance inégalée à ce jour).

« Il y a deux femmes en vous : une femme mariée qui n’aime plus son mari et... »

Avec « La nuit américaine » (1973, Oscar du meilleur film étranger), François Truffaut déclarait sa flamme au monde du spectacle et des acteurs en s’intéressant aux coulisses du tournage d’un film. Huit ans plus tard, il récidive avec « Le dernier métro », en reprenant la même idée scénaristique cette fois transposée dans l’univers du théâtre. Avec, en sus, l’ajout d’un élément de contexte historique, à savoir la Seconde Guerre Mondiale et l’occupation de Paris par les allemands. Le microcosme de la troupe de théâtre apparaissant alors comme une sorte de condensé de la population française, divisée entre collabos (la jeune actrice qui ne voit aucun mal à travailler pour l’occupant si cela peut booster sa carrière), résistants (le jeune premier de la troupe), persécutés (le metteur en scène juif qui se cache dans la cave du théâtre) et la masse silencieuse tentant de passer inaperçue aux yeux de l’occupant. Chacun devant cohabiter avec l’autre malgré tout. Surtout, Truffaut restitue l’ambiance délétère qui règne alors entre mensonges, méfiances, trafics et compromissions (notamment pour ne pas se mettre à dos l’administration allemande ni l’autorité vichyste, symbolisée ici par la présence menaçante du tout puissant critique du journal collaborationniste « Je suis partout ») en s’inspirant librement de faits réels (la gifle de Jean Marais au critique collaborationniste Alain Laubreaux). Mais au-delà même de cette double histoire d’amour magnifique, « Le dernier métro » est avant tout une ode aux acteurs, dernier phare de culture et de liberté dans un monde d’obscurité. Un beau et grand film, assurément. Même s’il y a quelque chose d’ironique à se dire que le chef d’œuvre de Truffaut est sans doute aussi son film le plus académique.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans une nouvelle restauration 2K effectuée par MK2 et la Cinémathèque française avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain, et proposé en version originale française (1.0). Aucun sous-titrage n’est en revanche proposé.

Côté bonus, le film est accompagné d’un commentaire audio de Jean-Pierre Azéma avec Serge Toubiana et Gérard Depardieu, d’une Présentation du film par Serge Toubiana, de Scène coupée (5 min.), d’une Bande-annonce originale, de « Le Plaisir du partage : souvenirs personnels du Dernier métro » : documentaire de Robert Fischer, avec Paulette Dubost, Andréa Ferréol, Sabine Haudepin, Alain Tasma, Florent Bazin et Tessa Racine (67 min.) ainsi que de deux extraits d’Émissions TV : « Les Nouveaux Rendez-vous » avec François Truffaut, Gérard Depardieu et Catherine Deneuve (INA, 1980, 11 min.) et « Ciné-regards : le film de la semaine » avec Néstor Almendros, directeur de la photographie (INA, 1980, 2 min.).

Édité par Carlotta Films, « Le dernier métro » est disponible en DVD, blu-ray ainsi qu’en édition coffret ultra collector (numérotée et limitée à 3000 exemplaires, dont il constitue le dix-neuvième opus, incluant notamment le livre inédit « Dans les coulisses du Dernier métro » dirigé par Jérôme Wybon avec textes inédits et archives exclusives) depuis le 2 juin 2021.

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