[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #163. Weird Science

Par Fuckcinephiles

Copyright Universal Pictures


Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !


#163. Une Créature de Rêve de John Hughes (1986)
Au sein de la foisonnante filmographie de John Hughes, le cultissime Weird Science à toujours eu un statut à part (pas forcément une anomalie, mais pas si loin finalement), que ce soit par le fait qu'il soit - littéralement - pris en sandwich entre les deux chef-d'oeuvres de son auteur (The Breakfast Club et Ferris Bueller Day's Off), où parce qu'il épouse les contours de la SF de la plus régressive et déchaînée des manières qui soit, quelques temps après le maître étalon du teen movie SF - Back To The Future.
Sans doute aussi, peut-être, parce qu'il est l'un des efforts les moins raffinés et poussés du bonhomme, même s'il est porté par un high concept aussi inventif - une subversion délirante du mythe de Frankenstein mêlée au genie d'Aladdin - qu'il est d'une folie furieuse joliment communicative, au-delà même de ses penchants problématiques qui, soyons honnêtes, ne deviennent lisibles que pour un auditoire ayant totalement quitté les carcans de l'adolescence.
Car s'il est facile de comprendre pourquoi ce film est devenu culte auprès des aficionados - mais pas que - du genre, il est également indéniable aujourd'hui d'admettre qu'il incarne tout autant une relique perdue des 80s et un symbole flagrant des moeurs légères de cet époque, et ce jusque dans ses penchants férocement douteux qui vont parfois plus loin que le simple " weird " de son titre.

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Le film suit les aléas de deux amis, Gary et Wyatt, des losers/geeks au banc de la jungle lycéenne, que ce soit par la faute d'une impopularité croissante auprès des filles, leur statut de souffre-douleur des mecs les plus populaires du bahut, mais aussi et surtout de part leur attitude constamment maladroite au quotidien.
Fatigués d'être classés comme des ringards et tout autant las 
de ne pas avoir de copines, ils décident de mettre des soutiens-gorge (oui) sur leur tête et de créer rien de moins que la femme parfaite, en utilisant leur... Commodore.Et c'est ainsi que Lisa fût, une femme parfaite (Kelly LeBrock, ex-madame Seagal mais surtout THE sex-symbol pour tous les ados biberonés au cinéma des 80s) possédant un arsenal apparemment infini mais surtout inexplicable de capacités magiques (dont on ne saura jamais la provenance, c'est comme ça et c'est tout), qui va chercher à rendre les garçons populaires mais surtout à les aider à sortir de leur coquille et être tout ce qu'ils ont toujours voulu être...
Weird Science fonctionne comme un pur fantasme de réalisation de rêves d'ados prépubères aux hormones férocement actives, furieusement régressif et plaisant tant il convoque un vrai sentiment d'abandon de son auditoire, pour mieux épouser la folie douce d'un chaos sans bornes et excessif culminant à la plus apocalyptique des soirées étudiantes (oubliez Projet X, ils n'avaient pas Michael Berryman et Vernon " Fucking " Wells en invités surprises !); un sentiment lui-même ressenti par un Hughes que l'on sent se défouler comme jamais, totalement désintéressé qu'il est par l'idée de creuser la profondeur et l'identité même de ses personnages (on est clairement pas devant The Breakfast Club, et c'est un doux euphémisme), résumés aux simples clichés qu'ils véhiculent tout du long - et ce même si les deux héros " changent " à la fin.
Le cinéaste se tape un vrai délire, et il veut qu'on le suive sans réserve.

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Mais si l'on a aucun mal à reconnaître son statut de film culte gagné aux forceps des ponçages excessifs de VHS et des squattages intenses de vidéoclubs (il a été culte, et l'est toujours un peu pour nous encore aujourd'hui), difficile en revanche désormais de ne pas déceler les étrangetés de son humour annoncé dès son titre - bizarre en V.O -, des exemples criant d'une oeuvre pleinement de son temps mais qui, à l'heure actuelle, ne pourrait simplement pas exister.
Car au milieu des numéros brillants d'Anthony Michael Hall - habitué de Hughes -, Ilan Mitchell-Smith, Kelly LeBrock (aussi ironique qu'elle est sublime) ou même un feu Bill Paxton absolument hilarant en grand frère intentionnellement odieux et vulgaire de Wyatt, Chet (qui se transformera dans ce qui ressemble à un étron croisé avec un crapaud qui parle, l'un des morceaux les plus hilarants de la péloche), il y a quelque chose qui cloche avec ce Hughes - tout comme pour Sixteen Candles.
Dans une époque plus consciente socialement qu'est la nôtre, il y a énormément de détails au coeur du film qui nous font nous demander si de tels comportements seraient acceptables aujourd'hui, en admettant qu'ils l'étaient déjà dans les 80s.
Entre les scènes inconfortables prônant un racisme décontracté (la séquence gênante du Kit Kat Club), des relations douteuses entre une adulte et des ados (même si la majorité sexuelle outre-Atlantique est plus floue que par chez nous), une touche de conscience de classe un poil cul mais surtout une politique d'objectisation sexuelle de la femme profondément abjecte; le scénario gagne presque (parce que Sixteen Candles existe) haut la main le bingo du pire.
Lisa est avant tout créée pour assouvir les fantasmes de deux jeunes mâles blancs plutôt privilégiés, ou comme un outil pour leur servir à draguer leur deux " crushs ", tandis que les dites adolescentes ne sont vus uniquement que comme des objets sexuels interchangeables, des " possessions " que l'on peut échanger où que l'on peut facilement appâter - surtout avec le luxe.

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On pourrait argumenter, fébrilement, que les deux garçons parviennent tout de même à être plus sensibles dans leur respect de la femme au final (où être en couple est une récompense amenée de manière elle aussi maladroite, par une responsabilisation forcée face à une menace qui n'en est pas réellement une, orchestrée par Lisa elle-même), mais cette évolution est tellement engluée dans un océan de bouffonneries sauvages - mais jouissives -, qu'il est impossible de ne pas ressentir l'artificialité qui s'en dégage, aussi sympathique que peuvent être les personnages.
D'autant que Hughes avait toujours su jusque-là à capturer l'air du temps adolescent et à retranscrire les angoisses (même machistes) d'une adolescence américaine maladroite mais touchante dans sa quête d'identité.
Titillant plus que de raison notre fibre nostalgique, vraie curiosité originale d'une époque qui les dénombrait à la pelle, Weird Science est une relique à la fois réconfortante et douteuse des 80s, un plaisir coupable qui n'a pas particulièrement bien vieilli mais qui réserve toujours autant son lot de séquences fun, qui donnent une banane d'enfer au moins autant que les géniales sonorités du titre phare d'Oingo Boingo.
Jonathan Chevrier