De Stéphane Brizé
Avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon
Chronique : Stéphane Brizé et Vincent Lindon poursuivent leur exploration du monde du travail avec Un autre monde. Contrairement à La loi du Marché et En Guerre, l’acteur n’incarne ni un syndicaliste, ni un travailleur précaire, mais passe de l’autre côté en endossant le costume cravate d’un cadre dirigeant obligé d’appliquer le nouveau plan social d’une direction qu’il ne comprend plus.
Et c’est tout aussi puissant.
De son cinéma social-réaliste quasi documentaire, Brizé décortique les mécanismes avilissants d’un capitalisme inhumain, où les salariés ne sont que des unités de coûts, tout en s’aventurant sur le terrain du drame familial en mesurant l’impact de l’engagement professionnel sur la vie personnelle.
Le réalisateur place sa caméra au milieu d’échanges sidérants, de regards qui vous secouent profondément. Partagé entre la loyauté pour son entreprise à qui il sacrifie tout depuis 10 ans et le reniement de valeurs morales avec lesquelles il pouvait composer jusque-là, Philippe se retrouve pris au piège. Il devient à son tour la victime du cynisme sans visage de grands groupes à la coupe d’actionnaires avides et sans scrupule.
Cela pourrait paraître caricatural, c’est terrifiant de justesse. Jusqu’au discours louvoyant du grand patron américain qui prêche le faux pour savoir le vrai et trancher dans le vif. Glaçant.
Vincent Lindon est le visage tourmenté et inquiet d’Un autre monde. Il est comme toujours formidable, évidement. Ses confrontations avec Marie Drucker, aussi épatante qu’effrayante en PDG française, froide exécutante, sont captivants.
Si Un autre monde appuie un peu trop sur les dommages familiaux collatéraux, Brizé signe un nouveau grand film social et politique. Qui remue et questionne. Et met en colère.
Synopsis : Un cadre d’entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l’un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie.