Batman est de retour, dans son film le plus sombre, pour mener l’enquête sur son passé, sur Gotham, dans un film enquête réalisé par Matt Reeves en pleine possession de ses moyens. Un voyage au cœur des ténèbres attendu pour Robert Pattinson qui pourrait tout de même trébucher.
Cela faisait 10 ans que nous n’avions pas vu un Batman seul sur grand écran. Il y a eu certes la pantalonnade Lego Batman qui nous a bien fait rire en voyant assez juste la relation de dépendance entre Batman et le Joker, et il a également été obligé de partager l’affiche avec Superman et les autres membres de la Justice League. Mais depuis the Dark Knight Rises, aucun film n’était entièrement dédié au justicier de Gotham.
Et cette fois, c’est Matt Reeves qui s’en charge et ce ne pouvait être qu’un bon signe puisque le réalisateur a prouver avec ses deux volets de la Planète de Singes qu’il pouvait bien conjuguer les exigences techniques d’un blockbuster à l’introspection et l’humanité en danger de ses personnages sans craindre une certaine noirceur ni une vision plus large du récit. Un artisan doué, avec une vraie patte qui sonnait comme une évidence.
Avec the Batman, l’intention est donnée dès le titre. Reeves s’intéresse à ce qui amène un jeune Batman à parcourir les rues de Gotham en costume mais également comment Gotham réagit face à cela. Point d’intérêt profond pour Bruce Wayne du coup, mais une interrogation sur le but même du justicier. Lorgnant maintenant vers le film noir avec tout ce qu’il faut de désespoir, de vengeance et de manipulation, le film va mettre notre chauve-souris préférée sur la piste du Riddler qui a bien l’intention d’étaler au grand jour les secrets de Gotham.
S’étalant sur près de trois heures, l’intrigue se déroule à un bon rythme, qui fait que l’on ne voit que peu le temps passer. Entre énigmes, révélations, bagarres et poursuites régulières, mais aussi introspection pour laisser les personnages s’exprimer, le film est complet et donne bien à manger sur toute sa durée, en prenant bien le temps de nous embarquer dans son atmosphère oppressante.
A ce titre, l’introduction du film avec voix off introspective du personnage et qui rend compte de la pourriture de Gotham, et surtout sa mise en place du Riddler en serial killer façon Zodiac, installe dès le départ les enjeux du film. Bien plus sombre et désespérée que les précédentes incarnations de Batman, il se fait écho aux temps troublés que nous traversons. Il est pourtant dommage que cela ne soit pas assumé pleinement jusqu’au bout. Car l’intrigue mafieuse est assez redondante avec les opus de Nolan et les 30 dernières minutes donnent un peu l’impressions que les auteurs ne savaient pas trop comment finir le film.
Cette retombée finale du film dans une certaine facilité est bien dommage car le reste était pourtant formidablement bien mis en place. Enfin nous pouvons voir Batman mener véritablement une enquête, enfin un héros motivé par une vengeance brutale et une peur qui s’installait dans Gotham, enfin nous avons des motivations de personnages explorées et un univers grunge cohérent qui se mettait en place et enfin nous avons vraiment des références directement reprises d’arcs cultes du comics et bien intégrées (Year One, un Long Halloween, Amère Victoire entre autres). Avec l’appui de Greg Fraser à la photo (un travail sur les ombres avec naturel qui rend le film superbe) et de Michael Giacchino à la musique (fantastique composition inspirée), Matt Reeves nous offre un vrai blockbuster adulte et ample qui s’apprécie pleinement au cinéma.
Côté casting, Robert Pattinson est un Batman impeccable, torturé à souhait par son souhait de vengeance et ses deux première année de service. Comme un Kurt Cobain en costume, il montre une rage intérieure inédite dans les interprétations du personnage qu’il y avait jusqu’ici. Face à lui Zoë Kravitz donne assez de profondeur à sa Catwoman pour en faire une partenaire qui dépasse le faire-valoir romantique, Paul Dano ressort sa partition de Prisoners pour donner encore plus de malaise à son Riddler et même Colin Farrell étonne derrière le maquillage d’un Pingouin mafieux soumis. A côté de ces têtes d’affiche, le reste du casting fait également bonne figure et donne toujours plus d’ampleur et de contenance au récit (comme le Gordon de Jeffrey Wright ou le Falcone de John Turturro), même si certains sont trop peu présents comme l’Alfred d’Andy Serkis.
L’odyssée dans les entrailles de Gotham est donc une formidable promesse, un film noir super héroïque passionnant et parfois même angoissant, qui épouse complètement l’identité du comics et de son héros torturé. Il est donc dommage qu’il se prenne les pieds dans le tapis dans ses derniers instants pour qu’on puisse pleinement l’apprécier jusqu’au bout. Mais toutes les pièces de l’univers posées par Matt Reeves sont suffisamment intéressantes et consistantes pour qu’on ai envie d’y replonger pour un nouvel opus.