Panique

PaniqueHorreur Malheur

Julien Duvivier, grand réalisateur de l’entre-deux guerres, à qui on doit des chefs d’œuvre comme « La belle équipe » ou « Pépé le moko » fait partie de ces réalisateurs sous-estimés car trop académique que le temps finira par réhabiliter. Après s’être exilé aux EU durant la guerre et n’avoir pas connu le succès, il est de retour en France avec ce film pessimiste et noir que le public et la critique rejeta d’un bloc. Trop proche de l’après-guerre, il en remet une bonne couche sur le manque d’humanité et sur les effets dévastateurs des effets de masse ; puisque la foule deviendra un personnage à part entière dans son final. Il lui sera fait aussi le reproche de son académisme et puis avec l’arrivée de la Nouvelle Vague de son réalisme poétique désuet pour l’époque. Cependant rendons hommage à ce grand film qui lorgne du côté de « M le maudit » de Fritz Lang. Il est la quintessence des obsessions de Duvivier pour qui les différentes couches de la société sont pourries jusqu’à l’os (clergé, bourgeois, masse populaire). Rendons hommage aussi à ses qualités de metteur en scène avec ses plans serrés sur Michel Simon qui laisse transpirer toute la complexité du personnage et son ambiguïté. Lui non plus, même s’il est une victime de la foule, n’est pas clair ; grâce aux plans suggestifs de Duvivier sur la femme que convoite Hire (une cuisse par ci, un décolleté par là), on comprend que M. Hire (M. Simon) est plus attiré qu’amoureux de cette femme. Le jeu des ombres aussi des incroyables ; elles effacent parfois un personnage complétement.

"Disons-le sans détour, à la manière de Julien Duvivier lui-même, qui aimait filmer la vérité à l'état brut : Panique est un pur chef-d’œuvre, aussi riche par son fond, noir comme l'encre de la délation et le Rimmel des garces, que dans ses trouvailles visuelles, d'une modernité qui laisse encore pantois aujourd'hui. C'est en plans serrés que Duvivier nous montre la médiocrité et la veulerie qui suintent sur le visage des hommes. Les femmes ne valent pas mieux, capables du pire par amour, ou par bêtise, ce qui revient souvent au même chez ce cinéaste sans illusions. Et quel sens de l'espace chez ce technicien pointilleux : après que la spirale infernale a été enclenchée, que la foule a révélé sa face hideuse, pour parfaire encore l'ambiance de cauchemar éveillé, il laisse M. Hire (grandiose Michel Simon) seul sur la place. Pantin pathétique pris de vertige au centre d'un cercle de haine. Puni d'avoir cru, un moment, à la bonté du monde. Victime expiatoire d'une foire populaire qui peut passer de la liesse au lynchage. Jean Renoir voyait en Duvivier un poète. Panique est bien un poème cru(el) et désespéré. Sa grande œuvre au noir. " Guillemette Odicino, Télérama

Un classique qui malgré ses presque 80 ans est toujours plaisant à regarder ; comme bon nombre de films de Duvivier qui ne doit pas tomber dans l’oubli malgré les poids lourds de l’époque qu’étaient Carné et Renoir qui ont tendance à le pousser vers l’oubli.

Sorti en 1946

Ma note: 19/20