Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’œuf du serpent » de Ingmar Bergman.
« Il y a comme du poison dans l’air »
1923. Berlin connait une période sans précédent de chômage, de misère, de désarroi et d’atrocités. Abel Rosenberg trouve le cadavre de son frère, qui vient de mettre fin à ses jours. Mais pour l’inspecteur Bauer, les choses ne sont pas aussi simples : depuis un mois, sept morts mystérieuses ont eu lieu dans le quartier, et celle-ci semble liée aux précédentes. Abel trouve refuge chez Manuela, l’ex-femme du défunt.
« Rien ne marche comme il faut si ce n’est la peur »
Réalisateur venu du théâtre, le suédois Ingmar Bergman s’impose dès les années 50 comme l’un des grands maitres du cinéma européen (« Les fraises sauvages » décroche l’Ours d’or à Berlin tandis que « Le septième sceau » reçois le Prix du jury à Cannes). Mais en dépit de la reconnaissance internationale dont il jouit, il demeure très attaché à sa Suède natale et se refuse à accepter les offres lucratives qui lui sont faites pour réaliser des films dans des productions étrangères de premier plan (principalement américaines et anglaises) par peur notamment de perdre sa liberté artistique. Mais au cours des années 70, Bergman a de graves problèmes avec le FISC suédois qui lui réclame d’importantes sommes d’argent et choisit donc de s’exiler à Munich pour éviter l’emprisonnement. Quelque peu désabusé, il accepte finalement l’offre du célèbre producteur italien Dino De Laurentis de tourner un film en langue anglaise. Ce sera « L’œuf du serpent », qui sortira sur les écrans en 1977.
« Nous devançons notre époque. C’est pourquoi nous serons sacrifiés. »
Cinéaste de l’introspection et des questionnements métaphysiques, Ingmar Bergman se devait de se confronter tôt ou tard à la problématique du nazisme, qui fut sans doute le plus grand fléau du vingtième siècle. Une question néanmoins difficile à traiter pour le cinéaste qui, dans sa jeunesse et jusqu’à la révélation des images des camps de la mort, eu une approche plutôt complaisante vis-à-vis du nazisme. Comme son titre (limite religieux) le sous-entend, « L’œuf du serpent » est donc une plongée aux sources du mal. Soit à Berlin, au début des années 20, où un artiste juif américain deviendra le témoin de la montée en puissance de la peste brune qui va progressivement contaminer toute la société allemande. Sur la base d’une intrigue extraordinairement kafkaïenne, le héros se retrouve ainsi pris malgré lui dans l’engrenage infernal d’une série d’évènements tragiques (meurtres, disparitions…) qui lui feront éprouver directement et jusque dans sa chair les premières manifestations de la terreur nazie (antisémitisme décomplexé, répression violente des récalcitrants, expérimentations soi-disant médicales…). Avec, en filigrane, cette question permanente de savoir comment un peuple tout entier a pu se laisser gagner et se soumettre à une idéologie aussi malfaisante. Parfait contrepoint au film « Cabaret » de Bob Fosse dont la vision était empreinte d’une fasse insouciance, « L’œuf du serpent » est une œuvre terriblement sombre (jusque dans ses moindres décors) et oppressante et, surtout, d’une incroyable acuité.
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Le DVD : Le film est présenté dans un Master restauré en Haute-Définition, et proposé en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Interview de Bernard Eisenschitz, historien du cinéma. Spécialiste de Bergman (40 min.), d’une Interview de Nicolas Beaupré, professeur en histoire contemporaine. Spécialiste de la Première Guerre Mondiale, professeur à l’Enssib (34 min.) ainsi que d’une Bande-annonce.
Édité par Rimini Editions, « L’œuf du serpent » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 5 octobre 2021.
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