Un grand merci à BQHL Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Les tueurs de la lune de miel » de Leonard Kastle.
« A mes risques et périls ! »
Martha Beck n’est qu’une inoffensive infirmière aux formes généreuses. Du moins jusqu’au jour où elle répond à l’annonce matrimoniale des « Cœurs solitaires » de Raymond Fernandez, gigolo et arnaqueur au mariage. Désormais inséparables, liés par la même passion subversive, ils écument les Etats-Unis, piègent veuves et femmes seules pour les voler d’abord. Les assassiner sauvagement ensuite.
« J’aimerais mieux te savoir en prison qu’à faire l’amour avec une autre femme »
Musicien de formation, compositeur de plusieurs opéras, rien ne prédestinait l’américain Leonard Kastle à envisager un jour une carrière dans l’industrie du cinéma. C’est donc par le plus grand des hasards qu’il deviendra le réalisateur d’un seul et unique film. Mais pas des moindres, tant « Les tueurs de la lune de miel » a gagné au fil des années l’aura d’un film culte. Une aventure qui commence à la fin des années 60, lorsque son ami Warren Streibel, producteur pour la télévision, se lance dans le développement d’un projet personnel un peu fou. A savoir de faire un film sur la sanglante épopée de Raymond Fernandez et Martha Beck, qui avait marquée la chronique judiciaire de l’Amérique de la fin des années 40. Ils laisseront derrière eux pas moins d’une vingtaine de victimes avant de finir sur la chaise électrique. Le succès du « Bonnie & Clyde » réalisé deux ans plus tôt par Arthur Penn permet ainsi à Steibel de trouver de quoi financer (chichement) son projet. Venu pour aider à écrire le scénario, Kastel se retrouvera finalement propulsé derrière la caméra après que le jeune Martin Scorsese, réalisateur encore débutant, ne soit congédié au bout de quelques jours de tournage seulement. Mais en dépit de son joli succès critique (Truffaut et Antonioni le tiendront en haute estime), le film sera un échec commercial total qui mettra directement un terme à l’aventure cinématographique de son réalisateur.
« La tendresse et l’affection d’un jeune époux ça se paye »
Pour le meilleur et pour le pire. Telle est la formule consacrée. L’amour pousse en effet parfois à faire des choses folles. Voire même totalement insensées. C’est ainsi par amour que Martha Beck, modeste infirmière sentimentalement frustrée, se laissera entrainer par son machiavélique amant dans une folle cavalcade meurtrière. Mais contrairement à « Bonnie & Clyde » version Arthur Penn, il n’y a chez Martha Beck et Raymond Fernandez de romantisme ni de glamour. Au contre, ce couple de criminels à la petite semaine versa plutôt dans le crime crapuleux, dans tout ce qu’il a de plus odieux. Avec toujours un même modus operandi : séduire par le biais des courriers du cœur des veuves isolées et déplorées pour ensuite mieux les assassiner et les délester de leurs économies. Ils laisseront ainsi derrière eux pas moins d’une vingtaine de victimes avant de finir sur la chaise électrique. Le film de Kastel se démarque ainsi des productions cinématographique d’alors par son soucis constant de naturalisme et d’authenticité. Les deux « héros » y sont ainsi filmé de façon très directe, très sèche, et sans véritable distance, presque de façon documentaire. Le cinéaste se refusant d’ailleurs à porter un réel jugement sur ses personnages, se contentant de les montrer dans leur vérité la plus effrayante. Tout juste se contentera-t-il de laisser hors champs leurs actes les plus dérangeants (la disparition de la petite fille dans la cave, dont on n’entendra que les cris, glaçants). Un souci d’authenticité qui permet au réalisateur de faire ressortir le caractère terriblement ordinaire (et donc terrifiant) de ses personnages, en jouant notamment sur leur physique inhabituellement disgracieux (les postiches de Raymond et les rondeurs de Martha) et leurs nombreuses maladresses. Il parvient même, parfois, à laisser entrevoir leurs failles (la jalousie maladive de Martha, la dernière lettre de Raymond), leur redonnant ainsi un soupçon d’humanité masquée par leur perversité. C’est sans doute là, dans cette ambigüité, et dans son approche réaliste, que « Les tueurs de la lune de miel » trouve toute sa puissance. Une très bonne surprise.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par le réalisateur Philippe Le Guay (42 min.) ainsi que du module « Martha Beck et Raymond Fernandez » pas Stéphane Bourgoin (21 min.). Un livret de 20 pages signé Marc Toullec vient compléter avantageusement cette édition.
Édité par BQHL Editions, « Les tueurs de la lune de miel » est disponible en blu-ray ainsi qu’en DVD depuis le 25 novembre 2022.
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