“Alerte Rouge” de Domee Shi

Alerte rougeChalut les gens,

Si je prends la plume… Pardon, l’expression est désuète à l’ère de l’informatique, même si nous les félins adorons les plumes…
Si je prends clavier et souris (nous aimons aussi…), donc, c’est pour m’élever contre un humanoïde de la pire espèce, un ami du rédacteur en chef de ce site, répondant au prénom de Benoît. Vous voyez le panda, cet animal totem de la WWF, ce symbole de la protection des espèces? Tout le monde l’adore, de Pékin à Quimper. Les enfants craquent complètement pour cette grosse peluche. Les grands fondent aussi devant lui (moins que devant une portée de chatons, mais quand même…). Eh bien Benoît, lui, le déteste. Il passe son temps à le dénigrer et porte des T-shirt imprimés « sauvez des bambous, mangez des pandas« . Ah, le vil individu! Je ne sais pas ce qui me retient de lui envoyer la SPA, Brigitte Bardot et Hélène Thouy…
En plus de détester les pandas, ce triste sire nourrit deux autres phobies : celle des personnes de petite taille (Est-ce son enfance près de Fort Boyard ou un trauma face à Blanche Neige et les sept nains ? Qui sait?) et celle des rouquins (des rouquins, hein, pas des requins…). Autant dire qu’il déteste les pandas roux…

Quel crétin… Il devrait regarder Alerte Rouge, le nouveau Pixar. Il changerait probablement d’avis et réaliserait que les pandas roux, c’est cool.
Certes, pour sa jeune héroïne, Meilin, une adolescente de 13 ans, ce panda roux est tout d’abord plutôt perçu comme une calamité. Déjà parce qu’il est l’emblème du temple chinois que tiennent ses parents à Toronto. Chaque soir, en sortant de l’école, elle doit les rejoindre pour les aider à entretenir le bâtiment, nettoyer la cour et honorer ses ancêtres. Toutes ces corvées l’ennuient à mourir, mais elle les assume sans râler, en bonne petite fille-modèle, obéissante et respectueuse de ses parents. Elle préférerait quand même traîner avec ses copines, danser sur les tubes de son boys band préféré, 4 town et fantasmer sur les garçons. Des trucs de son âge, quoi, même si sa mère, un brin envahissante, refuse de la voir grandir.
Pourtant, Mei est officiellement “adulte”, du moins sur la carte du bus scolaires. Et surtout, elle vient d’avoir ses premières « fleurs », signe qu’elle est en train de devenir femme. Mais alors que chez la plupart des adolescentes, la période de “l’alerte rouge” se caractérise par des sautes d’humeur et des poussées hormonales, chez Meilin, cela se manifeste de façon plus spectaculaire, puisque la moindre émotion forte la métamorphose illico en, devinez… Eh oui, en panda roux! La malédiction familiale, héritée d’une ancêtre chinoise sans doute un peu trop fan d’Axelle Red, veut que toute jeune fille devenue femme se transforme en un panda roux de deux mètres de haut. Au moins, ce n’est pas un pas un panda nain. Ca aurait fait beaucoup pour Benoît… Et ça fait déjà trop pour la pauvre Meilin, qui a du mal à accepter sa nouvelle condition. Quand vous êtes déjà perçue par certains camarades de classe comme “méga-cheloue”, ce genre de métamorphose kafkaïenne ne risque pas d’arranger vos affaires…  Sa seule issue est de subir une sorte de rituel d’exorcisme pour détacher sa part animale et l’enfermer dans un objet, mais pour cela il lui faut attendre plus d’un mois et l’apparition de la nouvelle lune. Aïe… D’autant plus que sa famille, déjà trop présente d’ordinaire, se montre plus étouffante que jamais…

Mais heureusement, la situation n’a pas que des inconvénients. Déjà, les copines de Mei trouvent fur-midable qu’elle se transforme ainsi en énorme peluche moelleuse et velue, d’autant que cette métamorphose ne la prive ni de sa personnalité attachante, ni de son énergie et encore moins de son sens du rythme. L’adolescente réalise par ailleurs que cette panda-mania a gagné tous les autres gamins du quartier, même ceux qui la tenaient à l’écart d’ordinaire. En clair, les pandas roux, c’est hyper tendance, n’en déplaise à Monsieur Benoît. Et c’est très cool, puisqu’en cohabitant avec l’animal, Meilin réalise qu’il l’aide à s’affirmer et à s’émanciper. Et qu’il est peut-être la clé pour pouvoir assister au concert de 4 town, son rêve le plus cher (oui, quand on est ado, on a des rêves bizarres, c’est l’âge… ).

Notre ami Benoît devrait aussi découvrir le film de Domee Shi parce qu’il s’agit d’un film très sympathique, joliment réalisé et mené tambour battant. La cinéaste fait preuve de beaucoup d’inventivité dans sa mise en scène et son montage, en plus de proposer un univers visuellement attrayant, qui bénéficie de l’expertise des studios Pixar,  et de personnages attachants, capables de toucher différentes générations. Les plus jeunes aimeront les gags visuels et la présence rassurante de ce panda pelucheux à souhait, à faire pâlir un chat angora. Les ados seront touchées par cette histoire d’émancipation du giron familial, de passage à l’âge adulte et des petits désagréments pour les jeunes femmes. Enfin, les adultes apprécieront de rajeunir d’une vingtaine d’années, puisque le film les ramènera à la fin des années 1990/début des années 2000, entre la mode des boys bands et celle des tamagotchis. Ils apprécieront aussi les références cinématographiques glissées dans le film, notamment celles aux films de fantômes chinois, aux films de monstres japonais (le panda géant rappelle un peu Godzilla, dont le remake signé Roland Emmerich date aussi de la fin des 90’s) ou encore aux dessins animés de Miyazaki.
On devine que la cinéaste, sino-canadienne née en 1987, a mis beaucoup de sa propre histoire dans ce scénario, et a pris beaucoup de plaisir à retomber en enfance, en nous emmenant dans son sillage.
Dernier atout, et non des moindres, le film bénéficie également d’une bande-originale efficace, signée Ludwig Goransson et ponctuée de chansons créées par Billie Eilish.

Alors,laissez grogner Monsieur Benoît et filez vite sur la plateforme Disney+, qui est hélas la seule façon d’accéder à cette nouvelle réussite des studios Pixar.

Plein de ronrons,

Gala

Gala Panda


Alerte rouge
Turning red

De : Domee Shi
Avec les voix de : Rosalie Chiang, Sandra Oh, Ava Morse, Hyein Park, Maitreyi Ramakrishnan, Orion Lee, Wai Ching Ho, Tristan Allerick Chen
Genre : film de pandanimation
Origine : Etats-Unis
Date de sortie France : 11 mars 2022 (plateforme Disney +)

Contrepoints critiques :

« Bâti sur une bonne idée, portée par une mise en image techniquement irréprochable, il souffre d’un scénario totalement inabouti, et des personnages sans charme ni réelle profondeur. »
(Yann Lebecque, L’Ecran fantastique)

« Après Soul, écrasé par ses ambitions folles, et Luca, qui revenait à une recette basique (mais malgré tout efficace), Pixar reprend enfin du poil de la bête avec Alerte rouge, un film d’animation tendre et surprenant »
(Deborah Lechner, Ecran Large)

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