[CRITIQUE] : Retour à Reims (Fragments)

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Jean-Gabriel Périot
Acteurs :  Adèle Haenel (narration)
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h23min.
Synopsis :
A travers le texte de Didier Eribon interprété par Adèle Haenel, Retour à Reims (Fragments) raconte en archives une histoire intime et politique du monde ouvrier français du début des années 50 à aujourd'hui.


Critique :

Didactique et prenant même s'il lui manque une pointe d'émotion pour marquer, #RetourÀReims (Fragments) se fait une plongée singulière mais essentielle dans la France politique et sociale de ses 80 dernières années, qui tombe à point nommé en ses heures de campagne présidentielle pic.twitter.com/mfQFpxY6E5

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 29, 2022

Tenter de représenter le nerf complexe de l'histoire de la société française, que ce soit aussi bien sur le petit que sur le grand écran, est un exercice loin d'être facile mais c'est pourtant ce qui motive la filmographie de Jean-Gabriel Périot, cinéaste au point de vue perspicace et fascinant dans sa manière de confronter les images d'un passé plus ou moins lointain, à notre présent contemporain pour mieux tisser une réflexion qui va toujours bien plus loin que le simple regard miroir et/où comparatif.
Son nouvel effort en est une preuve éclatante, Retour à Reims (Fragments), où il s'échine à scruter au travers du roman autobiographique éponyme de Didier Eribon, plus de quatre-vingts ans d'histoire et retracer retrace l'ascension aussi bien que la chute - au sens littéral autant qu'au sens figuré - de la classe ouvrière française.
Patchwork riche et solidement monté d'images d'archives, d'interviews historiques intimes et d'extraits d'oeuvres fictionnelles/représentations fictives, le tout agrémenté de séquences narratives (des " fragments " comme indiqué dans le titre) contées par la voix envoûtante d'Adèle Haenel; le film est scindé en deux mouvements bien distincts et tout aussi captivant l'un que l'autre.

Copyright Ciné-Archive - Fêtes de la voix de l'Est - Anonyme (1958)


Soit dans un premier temps le portrait sociologique du traitement - volontairement - méconnu d'une poignée de femmes dans l'après-guerre (qui, comme la grand-mère de l'auteur, furent publiquement punies et humiliées par l'ordre patriarcal et machiste en place), puis vers un second où la discussion sociale s'élargit au champ politique, ou l'espoir qui voit le communisme comme une hypothétique porte de sortie pour que la classe ouvrière cesse d'être assujettie, se dissout lentement sous le poids d'une affiliation/récupération politique par l'extrême droite au virage des années 80.
Donnant la parole aux oubliés/exclus autant qu'il filme le (vrai) visage des masses réprimées, trop souvent réduites à un bloc anonyme - et sous-représentées -, il offre de multiples ouvertures contemporaines sur la manière dont notre société s'est construite mais aussi sur la nature régénératrice de l'insurrection (avec des images des mouvements sociaux récents, comme ceux des gilets jaunes).
Didactique et prenant même s'il lui manque parfois une pointe d'émotion pour pleinement marquer (c'est finalement dans ses séquences intimes qu'il s'épanouit le plus et dévoile une poésie/humanité déchirante), Retour à Reims (Fragments) se fait une plongée singulière mais essentielle dans la France politique et sociale de ses quatre-vingts dernières années, qui tombe à point nommé en ses heures - troubles - de campagne présidentielle...
Jonathan Chevrier