[CRITIQUE] : À la folie

Par Fuckcinephiles

Réalisatrice : Audrey Estrougo
Avec : Virginie Van Robby, Lucie Debay, Anne Coesens, Benjamin Siksou,…
Distributeur : Damned Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h22min
Synopsis :
Pour fêter l'anniversaire de sa mère, Emmanuelle vient passer quelques jours dans la maison de son enfance. Elle y retrouve temps passé et souvenirs qui règnent dans les lieux, mais aussi sa sœur aînée dont l’instabilité psychologique a trop souvent affecté les relations familiales. Personne ne se doute que cette fête de famille va rapidement prendre une tournure inattendue…


Critique :

Sondant à l'instar des Intranquilles de Joachim Fosse comment la maladie - ici aussi mentale - empoisonne tout, tout en jouant jusqu'à l'extrême avec les limites de l'amour sororal et de la famille, #ÀLaFolie est un merveilleux drame puissant et épuré qui prend aux tripes. pic.twitter.com/cgykd5hl5g

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 6, 2022

On avait laissé Audrey Estrougo avec une petite déconvenue en novembre dernier via son Suprêmes, pas totalement success story ni vraiment biopic enflammé même s'il captait avec force l'équilibre bouillant de NTM.
Une séance à part, pas assez punchy pour retranscrire l'impact furieux des punchlines du cultissime tandem, ni assez prenant dans sa plongée de leur intimité créative, même s'il démontrait le talent indéniable de la réalisatrice pour diriger et mener ses comédiens.
Résolument moins mitigée et plus passionnante est l'expérience qu'incarne son nouvel effort, À la folie (pourtant réalisé avant Suprêmes), sondant les maux et la fatigue d'une famille dysfonctionnelle face à la maladie, où comment le regard d'êtres aimants changent et se brouillent face aux nombreux sursauts d'humeurs brutaux et à la lente détérioration mentale - dû à la schizophrénie - d'un des leurs, entre déni, mensonges qui empoisonnent et difficile acceptation.

Copyright Damned Distribution


Avec une humanité bouleversante, Estrougo s'attache à scruter les relations épuisées, troublées et dévorées par la folie de trois femmes, une mère et ses deux filles, celle qui à " réussi ", Emmanuelle, et qui subit de plein fouet la rage obsessionnelle et compulsive de sa soeur, Nath, qui guette sa folie rampante comme si sa vie à elle aussi était en jeu, sans réaliser que son comportement et sa rigidité attisent plus les flammes qu'elle ne les éteint.
Vissé sur la tension sourde et déchirante d'une femme aussi emprisonnée par la vie que sa soeur malade, la narration ne tombe jamais dans la caricature facile (tout comme les interprétations féminines, porté par le superbe tandem Virginie Van Robby/Lucie Debay) , dansant tout du long sur le fil ténu de la violence incontrôlable, de l'inquiétude constante et du déni ravageur.
Sondant à l'instar des Intranquilles de Joachim Fosse comment la maladie - ici mentale - empoisonne tout, même les âmes les plus aimantes en ne masquant jamais le bal des douleurs qui l'accompagne (l'inquiétude, la peur pour et de l'autre, la colère, le désespoir, l'impuissance, l'envie d'abandonner son enfant aux institutions plus compétentes,...) tout en jouant jusqu'à l'extrême avec les limites de l'amour sororal et de la famille; À la folie est un puissant et merveilleux drame qui prend aux tripes, dont l'épure et la simplicité n'a d'égale que la justesse de sa quête d'une vérité réparatrice.
Jonathan Chevrier