[CRITIQUE] : Contes du hasard et autres fantaisies

[CRITIQUE] : Contes du hasard et autres fantaisiesRéalisateur : Ryusuke Hamaguchi
Avec : Kotone Furukawa, Ayumu Nakajima, Hyunri, Kiyohiko Shibukawa, Katsuki Mori, Shouma Kai, Fusako Urabe, Aoba Kawai, …
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Japonais
Durée : 2h01min
Synopsis :
Un triangle amoureux inattendu, une tentative de séduction qui tourne mal et une rencontre née d’un malentendu. La trajectoire de trois femmes qui vont devoir faire un choix…

Critique :

#Contesduhasardetautresfantaisies s’amusent de situations cocasses pour mieux examiner la nuance que cache les mots prononcés. Ainsi les blessures peuvent se refermer, la sexualité peut se dévoiler et les regrets peuvent s’envoler. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/7bNgMINdkC

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 6, 2022

Huit mois plus tôt, nous découvrions Drive my car, ce lent road-trip vers la reconstruction de personnages endeuillés, par le biais de l’art et de la parole. Le vent en poupe, Ryusuke Hamaguchi sort ce mois-ci son nouveau long métrage, Contes du hasard et autres fantaisies, un triptyque où la discussion déterre le désir et la conscience de l’autre.
Trois histoires, trois façons de décrire les rencontres et le désir. Un désir féminin qui envahit le cadre et un érotisme passant par la parole sont au programme. Le couple est passé au crible, les relations du XXIe également. Le hasard du titre vient se placer au gré des rencontres et des désillusions.

[CRITIQUE] : Contes du hasard et autres fantaisies

Copyright Neopa/Fictive


Ces Contes du hasard s’ouvrent sur un triangle amoureux des plus singuliers, alors que Meiko comprend par le monologue de son amie, Tsugami, qu’elle parle de son ex petit-ami. Celle-ci lui confie l’expérience magique qu’elle a vécu avec un homme, sans savoir qu’il s’agit de celui dont Meiko a brisé le cœur en le trompant. Ce premier segment s’enroule autour des sentiments précieux lorsque la relation n’a pas encore commencé et que tout est doux et cotonneux. Après s’être confiée à son amie, Tsugami rentre chez elle sans savoir qu’elle a jeté un pavé dans la mare de l’esprit de Meiko, qui s’empresse d’aller voir ce fameux ex pour lui demander des explications. On ne sait pas si celle-ci veut le récupérer, si elle est jalouse ou si elle lui envie le lien spécial qui le lie à Tsugami, leur relation étant sur une ligne de crête, prête à basculer sur un début de couple. Ses paroles sont tantôt dures, tantôt séductrices. Elle se joue de lui, l’aguiche pour mieux le repousser, lui demande des comptes tout en lui signifiant qu’elle l’a totalement oublié. Va-t-elle détruire ce qui pourrait être une belle histoire ? C’est peut-être le pouvoir qu’elle détient sur cette fameuse magie amoureuse, qu’elle pourrait faire disparaître en un claquement de doigt, en une seule parole, qui la pousse à agir ainsi. Parole cruelle ou sage silence, cela ne tient qu’à elle.
La parole comme pouvoir évocateur trouve son acmé dans le deuxième acte, tandis qu’une étudiante déclame un passage érotique du livre de son professeur, en sa présence. La scène, censée être un guet-apens orchestré par son amant, se transforme sous nos yeux en un éveil des sens, où chacun dévoile une part de son désir. Pour le professeur Segawa, c’est la lecture de ses propres mots par une jeune femme qui excite son être. Pour l’étudiante, c’est un moyen de verbaliser la façon dont elle envisage sa sexualité et son rôle de femme mariée. Si aucun contact physique n'est effectué, la scène détient pourtant une large dose d’érotisme, qui laisse pantois. Une parole libératrice à plus d’un titre, surtout pour l’héroïne dont l’expérience ne laissera pas indemne.

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Le dernier conte interroge non pas les mots mais celui ou celle à qui on les destine. Natsuko et Aya ne se connaissent pas, pourtant elles en ont l’impression. Partant de ce quiproquo fort amusant, c’est au cours de leur rendez-vous qu’elles se rendent compte que l’autre n’est pas celle qu’elles croient. Mais au lieu d’en rester là et de partir, elles restent et s’amusent à prendre le rôle des autres femmes pour se parler et se confier. D’abord absurde et comique, ce segment porte une émotion succincte, où les mots s’échappent enfin, même si leur destinataire n’est pas vraiment là. Les deux femmes ont alors l’occasion de fermer un chapitre de leur vie et de partir sans regrets. Leurs paroles ont été entendues et accompagnent maintenant les deux protagonistes, qui partent chacune de leur côté, apaisées.
Contes du hasard et autres fantaisies s’amusent de situations cocasses pour mieux examiner la nuance que cache les mots prononcés. Ainsi les blessures peuvent se refermer, la sexualité peut se dévoiler et les regrets peuvent s’envoler. Qu’elle soit caustique, fantaisiste, érotique ou comique, la parole cache des fêlures ou révèle une attirance mais surtout, elle donne du sens aux émotions.
Laura Enjolvy
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