Les 55 jours de Pékin

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Rimini Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les 55 jours de Pékin » de Nicholas Ray.

« Les inconnues sont quelquefois les meilleures amies des soldats »

Pékin, 1900. La révolte des Boxers prend de l’ampleur et les autorités chinoises sont divisées : le général Jung-Lu presse l’impératrice Tzu-Hsi d’arrêter les fanatiques, tandis que le prince Tuan lui conseille de les aider à chasser les étrangers. Face à la menace de conflit, les délégations étrangères organisent leur défense…

« C’est un excellent soldat quand il sait pourquoi il se bat. Mais c’est plus facile de se battre quand c’est pour une cause visible. Comment expliquer quand il s’agit de défendre un principe ? »

Né au sein d’une famille bourgeoise mais dysfonctionnelle, marquée par une figure paternelle alcoolique et violente, Nicholas Ray connait une jeunesse pour le moins turbulente, durant laquelle il flirte avec l’alcoolisme et la petite délinquance. Mais ses jeunes années sont aussi marquées par des belles rencontres, avec l’architecte Frank Lloyd Wright, ou encore avec les metteurs en scène de théâtre Joseph Losey et Elia Kazan. C’est d’ailleurs ce dernier qui prend Ray sous son aile et l’emmène avec lui à Hollywood, en tant qu’assistant sur « Le lys de Brooklyn ». Devenant à son tour réalisateur à la fin des années 40, il enchaine les films noirs marqués aux accents tragiques (« Les amants de la nuit », « Les ruelles du malheur », « Le violent », « La femme aux maléfices »). Mais plus généralement, la filmographie de Nicholas Ray sera marquée par une certaine forme de rébellion : celle d’une jeunesse qui refuse la rigidité du monde des adultes (« La fureur de vivre »), celle du soldat, désabusé devant la monstruosité de la guerre (« Amère victoire »), ou encore celle de ce pistolero musicien refusant le puritanisme et l’injustice (« Johnny Guitar » et sa dénonciation à peine voilée du Maccarthysme). Le cinéaste terminera sa carrière au début des années 60 sur deux superproductions : le biblique « Le roi des rois » (1961) et surtout « Les 55 jours de Pékin », superproduction d’aventures pour laquelle la vieille ville de Pékin fut reconstituée du côté de Madrid. Mais épuisé par un tournage assez houleux (scénario mouvant jusque pendant le tournage, comportement ingérable d’Ava Gardner), le cinéaste fait un infarctus et ne peut finir le film. Il sera remplacé par Andrew Marton et Guy Green qui termineront officieusement le tournage.

« Si vous deviez mourir Natacha, toute lumière disparaitrait de cette maison »

« Les 55 jours de Pékin » est ainsi un film d’aventures coloniales - genre alors en vogue sur les écrans (« Zoulou », « La canonnière du Yang-Tsé », « Lawrence d’Arabie ») et dans lequel se spécialisera Charlton Heston (« Khartoum », « Le maitre des îles ») - qui prend pour décor la Chine du début du vingtième siècle, au temps de la Guerre des Boxers (1899-1901), période durant laquelle l’impératrice de Chine, appuyée par des sociétés secrètes, tentera de bouter hors du pays les puissances occidentales afin de mettre fin à leur influence économique et culturelle et ainsi renforcer son pouvoir. Ce qui conduira au siège sanglant des légations étrangères installées à Pékin. Des évènements qui donnent lieu à un film d’aventures formidable et spectaculaire, dans lequel les occidentaux, acculés et assiégés, devront organiser en dépit de leurs différences la résistance en territoire hostile et coupé du reste du monde. En cela, le film enchaine les séquences d’action et les moments de bravoure (l’attaque repoussée sur les murailles ou, plus tard, la tentative du héros pour tenter de traverser les lignes chinoises dans le but de chercher des renforts), tout en accordant un soin particulier à ses personnages et aux relations complexes qu’ils entretiennent entre eux (le militaire héroïque, le diplomate flegmatique ou encore le beau personnage de la comtesse russe). Le tout filmé dans des décors fastueux tout à fait convaincants. Reste que si la dimension patriotique de la séquence finale parait de nos jours quelque peu hors sujet (autant que la façon dont le héros se décide finalement à emmener avec lui la fille métis de son défunt ami), « Les 55 jours de Pékin » n’en demeure pas moins une des plus belles réussites formelles du film d’aventures hollywoodien des années 60. Un film toujours aussi plaisant à regarder, avec son parterre de stars (Charlton Heston, David Niven, Ava Gardner). Un must.

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (5.1 et 2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « La Chute de l’empire hollywoodien » par Jean-François Rauger (8 min.), « Un tournage cauchemardesque » : interviews de Samuel Blumenfeld, critique cinéma (11 min.), « La révolte des boxeurs » (13 min.), « Les boxeurs au cinéma » (6 min.), « Histoire(s) de Chine » par Olivier Assayas et Charles Tesson (37 min.), des Interviews d’époque (Charlton Heston, David Niven, John Moore) ainsi qu’une Bande-annonce. Un livret de 100 pages consacré au film vient compléter cette très belle édition.

Édité par Rimini Éditions, « Les 55 jours de Pékin » est disponible en édition médiabook limitée combo blu-ray + DVD depuis le 20 octobre 2021.

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