Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Meurtre à Montmartre » de Gilles Grangier.
« Avec une femme comme celle-là, je ne pouvais pas me permettre d’être pauvre. Et pourtant... »
Marc Kelber, un marchand d’art expérimenté, se fait berner par Jacques Lacroix, un escroc qui lui vend un faux Gauguin. Lorsqu’il découvre la supercherie, il part à sa recherche. Lacroix lui propose alors un marché : s’allier avec sa bande qui comprend un peintre faussaire, Claude Watroff, faire exécuter à ce dernier des copies d’originaux de Gauguin dont Lacroix a hérité, et réussir à les vendre à des experts. Kelber accepte. Mais, très vite, Watroff a des remords et se met à boire. Kelber et Lacroix planifient alors d’éliminer leur comparse.
« Un artiste, c’est quelqu’un qui a un don précieux et qui s’en sert. S’il triche, il redevient un homme comme les autres »
Fermement dénigré par la Nouvelle-Vague qui lui reprochait son académisme et longtemps oublié par la cinéphilie, Gilles Grangier n’en demeure pas moins une grande figure du cinéma populaire français de l’après-guerre. Un passionné du septième art qui aura voué sa carrière au divertissement, en ayant toujours su s’adapter à tous les genres qu’il aura abordé. Même s’il signa sans doute ses plus grands succès dans le registre de la comédie (« La cuisine au beurre », « Archimède le clochard », « Les vieux de la vieille », « Train d’enfer »), il sut aussi se frotter à des registres plus graves (« Le sang à la tête », « Le désordre est la nuit ») et, notamment, au genre policier, dans lequel il s’illustra par sa capacité à transposer les codes inhérents aux films noirs américains dans un contexte français. Comme il le fit par exemple dans l’excellent « Gas-Oil » (1954), qui marque les débuts de sa fructueuse collaboration avec Jean Gabin, ou dans une moindre mesure dans « 125, rue Montmartre » (1959) avec Lino Ventura.
« Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès »
Adaptation d’un roman de Michel Lenoir, « Meurtre à Montmartre » (initialement sorti sous le titre « Reproduction interdite ») bénéficie lui aussi d’un traitement « à l’américaine », avec la voie off du personnage principal qui assure la narration à la première personne et une série de personnages archétypaux (l’escroc sans scrupule ou la femme du faussaire qui conduira le groupe à sa perte) qui donnent au film une dimension fataliste tout à fait dans l’esprit du film noir hollywoodien. Sur le papier, l’intrigue se révèle pour le moins très simple - un marchand d’art ruiné se retrouve embarqué dans une juteuse combine de trafic de faux tableaux de maitres trop simple pour être parfaite - mais très habilement menée qui s’appuie pour ce faire sur des personnages particulièrement bien dessinés. Notamment d’un point de vue psychologique et sociologique : le héros tente ainsi par des moyens frauduleux de maintenir un standing qu’il croit nécessaire pour garder l’amour de sa femme, tandis que le copiste, artiste raté, souffre jusqu’à l’autodestruction de ses propres forfaits qui lui renvoient en face ses échecs artistiques et sa médiocrité morale. Si, par souci de crédibilité, Grangier porte comme à son habitude beaucoup de soin à la reconstitution sociologique du milieu auquel il s’intéresse (le marchand d’art qui dégote de vieilles toiles au marché aux puces et qui s’arrange pour vieillir et salir artificiellement les faux tableaux, ses relations avec les autres commerçants du quartier comme le boucher), le film vaut surtout pour la qualité de son casting, composé pour l’essentiel de seconds rôles solides (Michel Auclair, Gianni Esposito, la quasi débutante Annie Girardot) et dominé par l’excellente interprétation de Paul Francoeur, très grand second rôle du cinéma français qui trouve ici l’un de ses trop rares premiers rôles. Sans être un sommet du genre, « Meurtre à Montmartre » demeure néanmoins un petit polar à l’ancienne très plaisant et tout à fait recommandable.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée en 4K sous la supervision de Pathé avec le soutien du CNC, et proposé en version originale française (2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants et anglais sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Gilles Grangier, Meurtre à Montmartre » : entretiens avec François Guérif et Valérie Paulin (2022, 31 min.) et des Actualités Pathé : exposition de faux chefs-d’œuvre au salon de la police (1954, 1 min.).
Édité par Pathé, « Meurtre à Montmartre » est disponible en édition collector (limitée à 3000 exemplaires) depuis le 30 mars 2022.
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