[CRITIQUE] : A Chiara

[CRITIQUE] : A Chiara

Réalisateur : Jonas Carpignano
Avec : Swamy Rotolo, Claudio Rotolo, Grecia Rotolo,…
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Français.
Durée : 2h01min
Synopsis :
Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les 18 ans de sa soeur, une grande fête est organisée et tout le clan se réunit. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine.


Critique :

C'est dans le besoin de connaître la vérité et d'exister au coeur d'un monde à l'honnêteté brutale de son héroïne, que #AChiara épouse tous les contours d'un puissant, captivant et douloureux récit identitaire à la mise en scène nerveuse et totalement fermée sur ses personnages. pic.twitter.com/JHMk552OY3

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 13, 2022

Troisième long-métrage déjà pour le jeune cinéaste italien Jonas Carpignano avec A Chiara, adoubé par la Croisette cannoise depuis ses deux premiers efforts, les excellents Mediterranea et A Ciambra.
Toujours avec sa caméra vissée sur ses bouillonnantes terres italiennes - ici Gioia Tauro -, il fait une nouvelle fois corps avec les humeurs, perturbations et autres pulsions de ses protagonistes, et en l'occurrence ici celles de la jeune Chiara, seize printemps au compteur et qui ne découvre les activités illicites et l'appartenance à la mafia calabraise de son père avec qui elle a une relation fusionnelle, que lorsque celui doit quitter la quiétude du cocon familiale et se réfugier dans la clandestinité.
Dans un équilibre familial totalement bousculé et où la vertue et la bonhomie n'était que de façade, elle voit désormais les siens d'un autre oeil et sa quête de vérité ne fait que marquer abruptement la perte de son innocence, et son entrée avec fracas dans la rude vie d'adulte...

[CRITIQUE] : A Chiara

Copyright Haut et Court


Il est fascinant de voir comment la nouvelle garde du cinéma italien, réellement passionnante à suivre (Pietro Marcello, Francesco Munzi, Alice Rohrwacher, Damiano et Fabio D'Innocenzo, Laura Samani, Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis,...), s'amuse à l'image d'un Matteo Garrone des premières heures, à rompre avec le classicisme des ainés pour voguer vers un cinéma plus naturaliste et atypique (jusque dans ses cadres habituellement délaissés par les caméras), délestée des tics/habitudes presque institutionnelles d'une industrie qui a eu énormément de mal a renaître de ces cendres (la gueule de bois des 80s, après trois décennies époustouflantes qui en a fait le meilleur cinéma du monde).
Si la "famille" est un aspect canonique au coeur des récits consacrés au crime organisé, Carpignano, chez qui la mise en images cinématographique de la marginalité a toujours été pétrie d'humanité, s'échine intelligemment à échapper à toute représentation manichéenne et statique, en se focalisant sur les aternoiements et la désillusion d'une gamine (la jolie découverte Swamy Rotolo) qui cherche sa place dans un monde qu'elle ne connaît plus et dans lequel elle se sent trahit.
Il y a même quelque chose de profondément claustrophobique et dérangeant dans sa manière de lentement entrevoir les nuances d'un quotidien expurgé de la polarisation de ce qu'elle considérait comme la/sa réalité.

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Et c'est dans son besoin de connaître la vérité, de rester indemne face à elle et surtout d'exister au coeur d'un monde à l'honnêteté brutale, enlacé dans une narration cloîtrée entre deux anniversaires diamétralement opposés (que ce soit géographiquement où tout simplement d'un point de vue ton et ambiance), que A Chiara épouse tous les contours d'un captivant et douloureux récit identitaire à la mise en scène nerveuse et totalement fermée sur ses personnages.
Encore une fois, Jonas Carpignano poursuit son épopée calabraise intime et dénuée de tout stéréotype facile, et signe une nouvelle oeuvre rugueuse et sensible qui mérite pleinement son pesant de pop-corn.
Jonathan Chevrier[CRITIQUE] : A Chiara