On voit rarement de bons films de vikings qui épousent la mythologie nordique et arrivent à nous donner un bon coup de hache dans les tripes. C’est le cas avec the Northman qu’il convient d’apprécier pleinement au cinéma, et il fallait bien en parler.
Avec the Witch et the Lighthouse, Robert Eggers est devenu l’un des noms du renouveau du cinéma d’horreur de la seconde partie des années 2010 aux côté d’Ari Aster. Intéressé par nos peurs primales et la folie qu’elles entrainent dans des endroits reculés à une époque de persécution, le réalisateur nous a déjà, pour de petits budgets, fait vivre des expériences uniques et viscérales. Avec cette fois un budget bien plus confortable pour s’attaquer au mythes nordiques, qu’allait-il pouvoir faire ?
The Northman n’y va pas par quatre chemins. Histoire de vengeance classique qui n’hésite pas à emprunter à Conan le Barbare et à Shakespeare ce que le cimmérien et le britannique avaient déjà emprunté aux légendes nordiques, c’est ici le jeune prince Amleth qui voit son roi de père tué par son oncle avant de s’enfuir. Des années plus tard, il reviendra venger cet affront et libérer sa mère avec toute la sauvagerie qui lui a permis de grandir et survivre. Simple, direct.
Aussi simple que la mise en scène est épurée et immersive pour nous plonger aux côtés de notre héros avec une science du cadrage et du mouvement de caméra on ne peut plus précis. Une maestria qui se dévoile lors d’un assaut où l’on plonge dans la sauvagerie du jeune homme devenu bête primale assoiffée de sang. Une séquence époustouflante qui marque instantanément par sa sauvagerie.
Puis il y a évidemment quelques rencontres et révélations qui viendront apporter au récit un peu plus de densité et mais va aussi permettre de brasser les thèmes chers au réalisateur en pleine possession de ses moyens. Car ce n’est pas parce qu’il fait ici un film à gros budget pour un studio qu’il se renie. Au contraire, l’interrogation sur les peurs primales, sur les communautés reculées, la place d’une personne par rapport à sa destinée et aux attentes d’une légende. Tout cela combiné à la transmission et une vision de la mort donne à the Northman une dimension à la fois simple et riche propre aux grands mythes.
Mais en plus de cela, le réalisateur n’hésite pas à nous gratifier de visions dantesques que l’on voit rarement au cinéma. D’une ouverture à la voix puissante sur fond de volcan en fusion jusqu’à un attendu duel olympique et sauvage en passant par les paysages d’Islande magnifiés, le cœur de la généalogie, la valkirie et autres images de prêtresses (interprétée par Björk), il y a de quoi halluciner devant la richesse visuelle du film. Celui-ci convoque alors une puissance tellurique unique.
Mais tout cela ne serait rien sans l’engagement de son interprète principal. Entouré d’Ethan Hawke, Nicole Kidman et Anya Taylor-Joy (déjà révélée par le réalisateur dans the Witch et dont l’étrangeté sied bien au grand nord ici), Alexander Skarsgård s’est taillé le physique impressionnant du viking ultime. Il est une montagne de muscle mue par une soif de vengeance folle, par une sauvagerie implacable mais aussi plus subtilement par un désir enfantin de recherche de sentiment.
Vous l’aurez donc compris, Robert Eggers a réalisé avec the Northman, une quête de vengeance mythique violente fidèle à sa vision de réalisateur mais correspondant également à ce que l’on peut attendre d’un récit de légende viking. Une anomalie par rapport à ce que l’on peut voir actuellement en salles et donc une audace supplémentaire à saluer. Avec cette nouvelle claque, il confirme bien son statut d’auteur intransigeant à suivre. Il n’y a plus qu’à embarquer sur le drakkar.