Nouveau film du réalisateur hongrois Kornèl Mundruczo après "Pieces of a Woman" (2020), retrouvant du même coup pour la seconde fois un certain Martin Scorcese comme producteur, puis pour la troisième fois après aussi "White God" (2014) et "La Lune de Jupiter" (2017) il collabore à nouveau avec sa scénariste Kata Weber qui est aussi sa conjointe à la ville. Ca tombe bien également puisque ce projet est inspiré en grande partie par le destin familial de la famille de Kata Weber dont la maman est une rescapée des camps de concentration. Le scénario est repris d'une pièce de théâtre qui a précédé le film, un "théâtre musical" du couple Mundruczo-Weber qui a connu une représentation unique sur fond de concert de musique classique sur le "Requiem" de György Ligeti (compositeur très présent dans la filmo de Stanley Kubrick par ailleurs). Donc pour le scénario, le couple s'est inspiré essentiellement de la vie de la maman de Kata Weber pour les deux premières parties, tandis que la troisième est directement inspirée de la scénariste elle-même... L'histoire d'une famille hongroise de la Seconde Guerre Mondiale jusqu'à aujourd'hui à Berlin. On commence avec Eva, enfant miraculé des camps qui va devenir maman de Lena malgré la douleur des souvenirs, puis arrive le petit-fils Jonas qui va être la solution à la mécanique du traumatisme...
Au générique de nombreux acteurs sont amateurs ou inconnus en dehors des frontières hongroises. Pour les plus connus citons Eva âgée incarnée par Lili Monori actrice fétiche de Marta Mészàros sur "Neuf Mois" (1976), "Elles Deux" (1977) et "Les Héritières" (1980) et devenue celle de Mundruczo le retrouvant pour la 4ème fois après "Delta" (2008), "Tender Son : the Frankenstein Project" (2010) et "White God", après ce dernier elle retrouve aussi son partenaire Laszlo Katona qui retrouve de son côté Annamaria Lang vue entre autre dans "Lora" (2007) de Gabor Herendi et "Anna, un Jour" (2019) de Zsofia Szilagyi. Citons encore Harald Kolaas vu dans "Wide Blue Yonger" (2010) de Robert Young, puis Jule Böwe vue dans "Un Choeur de Femmes" (2005) de Buket Alakus, "Vent d'Ouest" (2020) de Tim Staffel et "Coeur de Pierre" (2021) de Johannes Naber... Notons la musique signée de Dascha Dauenhauer, compositeur méconnue mais remarquée avec le récent "Berlin Alexanderplatz" (2020) de Burhan Qurbani... Le film est donc chapitré en trois époques différentes centrées chacune sur un membre de la famille. Le film débute sur une partie particulièrement difficile émotionnellement, où des hommes nettoient une chambre à gaz qu'on devine encore très "opérationnelle". Ce segment est comme un prologue aux 70 ans d'histoire familiale, une partie courte mais dure, hyper réaliste et immersive. Ensuite on est à aujourd'hui, la jeune enfant miraculée des camps est désormais une grand-mère qui reste traumatisée à en devenir paranoïaque ce qui crée des conflits avec sa fille qui cherche à retrouver sa judaïcité oubliée dans les méandres de l'Histoire. Cette partie est laborieuse, très et trop bavarde, se concluant bizarrement même si on pourrait y chercher une symbolique plus ou moins pompeuse. Mais le vrai soucis reste la crédibilité : en effet comment croire que cette mamie ait autant de souvenirs et aussi précis alors qu'elle était si jeune (2 ans tout au plus alors qu'on y croirait plus facilement si l'enfant avait au moins 6-7 ans) ?! Le problème est que ces souvenirs sont la base de l'intrigue, le fil conducteur du récit et que soudain plus rien ne tient. Cette grand-mère en raconte tant que sa mémoire s'avère invraisemblable. Dommage...
Puis arrive la dernière partie, celle du petit-fils qui scinde encore plus le destin familial tant ce qui lui arrive n'a pas franchement de lien avec le passé des camps car ce que vit cet ado pourrait arriver à n'importe quel ado jusqu'à la conclusion, acte d'amour certe plein d'espérance mais qui reste sur un segment trop indépendant du reste et du thème central. Finalement, ce chapitrage très distinct sur le fond comme sur la forme souffre de l'écueil habituel des films à sketchs, à savoir pas de lien évident, une différence de temps et de traitement qui crée des décalages pas toujours convaincants. Kornèl Mundruczo est pourtant inspiré, créant un tryptique composé de longs plans séquences pas tous "réels" reprenant un système déjà mis en oeuvre par exemple par Hitchcock dans "La Corde" (1948) ou Scorcese dans "Les Affranchis" (1990). Mais la caméra est fluide, légère, quelques passages sont vraiment sublimes bien mis en valeur par le Directeur Photo Yorick Le Saux, collaborateur régulier de François Ozon (comme "5 x 2" en 2004), Luca Guadagnino (notamment "Amore" en 2009) et Olivier Assayas (entre autre sur "Personnal Shopper" en 2016). Donc la qualité intrinsèque de chaque chapitre est très différente, l'intérêt thématique qui les relient peu concluant. Le premier chapitre est de loin la plus réussie que ce soit dans sa mise en scène, son onirisme macabre, ou dans le trauma collectif. La seconde partie est la plus maladroite, trop peu réaliste et/ou cohérente, puis le dernier chapitre est touchant mais pourrait être inclut dans bien d'autre histoire ou film. En conclusion un film très inégal, d'autant plus frustrant qu'on comprend toute l'audace du réalisateur-scénariste, qu'on perçoit la volonté et la sincérité du projet mais vraiment quelques détails n'en sont pas ou plus sur un tel récit. Grande déception donc, et note indulgente.
Note :