La compétition continue avec le nouveau film de James Gray, Armageddon time, où le cinéaste raconte ses souvenirs d’enfance, du moins une année particulière, celle où il a été contraint, à cause de ses bêtises à répétition, d’intégrer l’école privée administrée par Fred Trump, père du précédent Président des Etats-Unis. Celle où il a perdu son innocence et s’est confronté à la dure réalité de l’existence, l’injustice sociale, les inégalités raciales. Celle aussi où il a décidé de suivre son rêve de devenir artiste et refuser de suivre le chemin tout tracé proposé par l’école en question. Tant mieux pour les cinéphiles, car en livrant sans doute son film le plus personnel, il réussit à toucher de façon universelle l’ensemble des spectateurs. (Lire notre critique).
Par un bien curieux hasard, Balthazar, la programmation enchaîne un film fustigeant la philosophie de vie de la famille Trump à l’histoire d’un âne… Toute association d’idées serait un brin désobligeante pour EO, brave petit âne de cirque qui se retrouve embarqué malgré lui dans un long périple entre Pologne et Italie, et confronté à toute l’étendue de la bêtise humaine. L’animal était satisfait de son sort et des petits soins de sa maîtresse équilibriste quand une bande d’écologistes excités est venu manifester “contre l’exploitation des animaux de cirque”. La belle affaire! EO se retrouve brusquement coupé de celle qui l’aimait le plus au monde, privé du numéro qu’il faisait devant les enfants, et envoyé dans divers endroits où il doit servir à labourer des champs ou porter des charges. Il s’enfuit, mais croise en cours de route de bien tristes spécimens d’humains.
Jerzy Skolimowski reprend le concept du film de Robert Bresson, Au hasard Balthazar en le modernisant un peu et en le transformant en une fable sur le rapport entre l’homme, la nature et le progrès.
Toujours la folie des hommes dans Mariupolis 2, film posthume de Mantas Kvedaravicius. Le cinéaste ukrainien a été tué en avril dernier alors qu’il tentait de fuir la ville, assiégée par les troupes russes. Sa compagne et son équipe ont décidé de terminer le montage et de présenter ce documentaire à Cannes, en séance spéciale, dans une atmosphère évidemment grave et émouvante.
Pour rester sur le même thème, Philippe Faucon aborde la Guerre d’Algérie dans Les Harkis, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Le cinéaste revient sur le traitement injuste qui a été réservé aux Algériens engagés auprès de l’armée française durant ce conflit. La France leur a promis de les aider et de les rapatrier dans l’hexagone, mais n’a pas tenu cette promesse. Ces soldats ont été abandonnés, livrés aux mains des indépendantistes , qui les considéraient comme des traîtres, et massacrés. Quant aux Harkis qui ont réussi à fuir en France , ils n’ont jamais vraiment été récompensés de leur engagement auprès de la nation.
Des Harkis, on passe à Harka, film tunisien présenté à Un Certain Regard. Une oeuvre qui montre que le Printemps Arabe n’a pas vraiment changé les choses en Tunisie. La corruption gangrène la société, le travail manque, obligeant à de nombreux habitants à vivre de petits boulots ou de trafics plus ou moins dangereux. Le taux de suicide augmente et les tentatives de traversée de la Mer Méditerranée dans des embarcations de fortune se multiplient. Le constat est glaçant, à l’instar de la dernière scène du film, terrifiante.
Espérons que les films de la quatrième journée de projections du Festival de Cannes seront un peu plus joyeux. Rien n’est moins sûr, avec Frère et soeur, mélodrame familial d’Arnaud Desplechin, Boy from Heaven, sur les jeux de pouvoir et d’influence autour de l’élection du Grand Imam, dans une Egypte corrompue ou La Nuit du 12, qui traite d’une enquête de police sordide… Heureusement que le soleil est au rendez-vous sur la Croisette!