Le Grand jury va bientôt annoncer le palmarès de la sélection officielle.
Les sections parallèle, elles, ont déjà remis leurs prix.
A Un Certain Regard, Les Pires remporte le meilleur, le Prix Un Certain Regard 2022. Le jury, pardon “la jury”, comme elle le dit elle-même, a également attribué des prix à Joyland, Mediterranean fever, Metronom, Vicky Krieps pour sa performance dans Corsage et Adam Bessa pour son rôle dans Harka.
La Quinzaine des Réalisateurs n’est pas une section compétitive, mais ses partenaires remettent des prix aux oeuvres qui les ont enthousiasmées. Ainsi, Mia Hansen-Love remporte le Prix Label Europa Cinéma pour Un beau matin, tandis que la SACD place La Montagne de Thomas Salvador au sommet en lui attribuant le prix SACD de la Quinzaine des réalisateurs.
Enfin, la Semaine de la Critique a choisi de récompenser le film colombien La Jauria (Grand Prix du Jury et prix SACD de la Semaine de la Critique), Aftersun de la britannique Charlotte Wells (Prix de la French Touch) et Zelda Samson, actrice du film Delva (Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation)
D’autres prix annexes commencent à être remis : Queer Palm pour Joyland, Palme Dog pour Beast, le caniche du film War Pony,…
Ca sent la fin…
Dernier jour de projections, et ce n’est pas vraiment le haut du panier…
On se demande ce que fait en compétition officielle le film Showing up de Kelly Reichardt, petite (toute petite) comédie douce-amère autour d’une artiste un brin dépressive (Michelle Williams, seule satisfaction du film) essayant de finir ses oeuvres et monter son exposition tout en réglant un problème de plomberie (un ballon d’eau chaude en panne) et le soin d’un pigeon blessé. Ce n’est pas un mauvais film, mais son côté très anecdotique et superficiel le destinait plus à Cannes Premières ou à Un Certain Regard qu’aux feux des projecteurs de la compétition officielle.
Idem pour Un jeune frère, qui a été ajouté in extremis à la liste des films en course pour la Palme d’Or. On se demande bien pourquoi, car si Léonor Serraille parvient toujours à valoriser des personnages “ordinaires”, cette chronique familiale étalée sur plusieurs décennies manque un peu trop d’enjeux dramatiques pour susciter l’intérêt pendant près de deux heures. La mise en scène, appliquée mais assez lisse, ne possède pas l’ampleur de certains de ses concurrents.
Peut-être était-ce juste une façon d’inclure des femmes cinéastes à cette compétition, pour ne pas briser la dynamique de l’an dernier et le prix suprême remis à Julia Ducournau pour Titane. Mais dans ce cas, il y avait peut-être d’autres choix à effectuer, surtout au regard des prix attribués dans les sections parallèles : Mia Hansen-Love était à la Quinzaine des Réalisateurs alors qu’elle était dans la compétition officielle l’an passé, Les Pires est le film de deux jeunes réalisatrices comme bon nombre de films de Un Certain Regard, présentant plus de qualités que les deux oeuvres en compétition aujourd’hui.
Mais Showing up et Un jeune frère sont des chefs d’oeuvres absolus en comparaison de Salam, le film sur Diam’s par Diam’s et ses copines Anne Cissé et Houda Benyamina. Le film d’Albert Serra avait prévenu de l’imminence de la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, mais pas sur la Croisette. L’édition 2022 vient pourtant de trouver son nanar atomique. Que Mélanie Georgiades ait souhaité s’exprimer sur son parcours personnel et les raisons qui l’ont poussé à arrêter sa carrière, au sommet de sa gloire, pour se consacrer à sa vie de famille, on peut le comprendre. Qu’elle explique comment sa conversion à l’Islam lui a apporté la paix intérieure, c’est tout à fait respectable. Mais qu’elle le fasse de cette façon, dans un ego-trip boursouflé, entre gros clip auto-promotionnel, behind the scene façon Netflix et belles images façon documentaire animalier Disney, ouh la boulette!
Diam’s fait tout pour redorer son image. Elle convoque quelques amis pour dire du bien d’elle : Vitaa, Faïza Guène, sa mère, son agent, ou encore Nicolas Anelka (voir l’ex footballeur faire l’apologie du calme et de la paix intérieure a quelque chose d’assez cocasse), met un taquet (mérité) à Paris Match pour l’avoir ainsi mise dans la sauce. Elle raconte sa vie, ses souffrances, son mal de vivre que ni l’argent, ni la gloire, ni la reconnaissance du public ont réussi à dissiper. Pour bien montrer qu’aujourd’hui, elle nage dans le bonheur, elle se filme en train de jouer aux Lego, appeler son père avec qui elle s’est réconciliée (séquence-émotion) et se montre déambulant sur la plage au coucher du soleil, ou marchant dans le désert, ou encore en safari au coeur de l’Afrique (un documentaire animalier, on vous dit). Elle fait aussi la promotion de l’association qu’elle parraine, qui s’occupe d’orphelins en Afrique (“J’ai découvert qu’un orphelin, il n’avait pas de parents” nous dit-elle. C’est fou comme ouvrir un livre peut changer la perception des choses…). Enfin, l’ex-rappeuse raconte comment sa conversion à l’Islam lui a permis de trouver la paix. Tant mieux pour elle.
Ce qui est assez gênant, c’est que les trois réalisatrices semblent un peu trop chercher à faire du prosélytisme. Par exemple en filmant les visages de tous les interlocuteurs dans une obscurité qui donne l’impression qu’ils portent le hijab, voire la burka. Curieux parti-pris… Il aurait pu être plus intéressant d’essayer d’analyser les raisons pour lesquelles la révélation de la conversion de Diam’s à l’Islam a choqué une partie de l’opinion et généré de violentes réactions de rejet de la part de certains, que la jeune femme donne son opinion sans éluder les sujets gênants. On comprend qu’elle souhaite montrer uniquement le versant lumineux de la religion musulmane, mais cette promotion dégoulinante de mièvrerie ne risque pas de faire changer d’avis les islamophobes.
Rebel, pour le coup, s’avère plus intéressant. Le film d’Adil El Arbi et Bilall Fallah s’intéresse à un jeune rappeur de Molenbeek, en banlieue de Bruxelles, qui part en Syrie combattre les troupes de Bachar el-Assad et découvre les méthodes barbares de l’Etat Islamique. En parallèle, il montre comment le groupe terroriste essaie d’embrigader son jeune frère, pour pouvoir grossir les rangs de son armée de djihadistes, et le combat de leur mère pour extirper les deux garçons de cet enfer. Pour le coup, le film ne donne pas, mais alors pas du tout envie d’adhérer au discours de l’Islam radical ou de se laisser embrigader par leurs recruteurs. Mais, et c’est tout à son honneur, il ne se trompe pas de cible. C’est bien le terrorisme islamique qui est montré, ici, dans toute son horreur (avis aux âmes sensibles), pas la religion musulmane, représenté par la mère, d’autres familles de Molenbeek ou l’imam local, qui prônent tous le respect et la tolérance.
Ce film, présenté en séance de minuit, est une oeuvre assez déroutante, combinant une approche naturaliste chère au cinéma social belge, mais aussi des scènes plus remuantes, montrant crûment la sauvagerie des combats et les méthodes impitoyables des terroristes, et des passages musicaux transformant le film en un “opéra-rap” tragique. Une combinaison assez détonante pour un film plein de rage et de douleur.
Ca sent la fin…
Thierry Frémaux n’a presque plus de voix. Les festivaliers commencent à payer leurs nuits trop courtes ou leurs soirées trop arrosées. Il y a moins de monde à certaines projections, malgré la présence des plus irréductibles cinéphiles et du renfort de tous les jeunes profitant du passe “Trois jours à Cannes” leur permettant de découvrir le plus grand festival du monde. Il y a un peu de soulagement à ce que le marathon s’achève, avec pour la plupart des participants, entre 30 et 60 films visionnés en une dizaine de jours. Mais aussi un petit pincement au coeur, un vague-à-l’âme qui nous submerge alors que se referme le grand livre de ce 75ème Festival de Cannes. (C’est beau, on devrait en faire un film, en marchant sur la plage au coucher du soleil…).