Après "Psychose" (1960), son plus grand succès public, Alfred Hitchcock n'a plus de projet et d'idées pour un nouveau film. Il s'occupe toujours avec sa série TV "Alfred Hitchcock Presents". Puis il débute le travail sur ce qui a devenir "Pas de Printemps pour Marnie" (1964) pour lequel il espère un retour de Grace Kelly. Puis un jour, le cinéaste lit un article sur des centaines d'oiseaux (en très grande majorité des Puffins fuligineux) qui ont attaqué les habitants le 18 août 1961 dans la station balnéaire de Capitola (Tout savoir ICI !). Quand de surcroît une nouvelle intitulée "The Birds" (1952) de Daphné du Maurier sort le cinéaste trouve désormais son nouveau film prioritaire. "Pas de Printemps pour Marnie" est mis de côté, et acquiert les droits de la nouvelle auprès de la romancière dont il a déjà adapté deux romans avec ses films "La Taverne de la Jamaïque" (1939) et "Rebecca" (1940). Au départ il pense pour le scénario à Joseph Stefano auteur juste avant de "Psychose" mais désormais accaparé par sa série TV "Au-Delà du Réel" (1963-1965), il pensa alors à Ray Bradbury, romancier connu pour son roman "Farenheit 451" (1955), mais aussi déjà scénariste notamment pour le film "Moby Dick" (1956) de John Huston et surtout ayant déjà collaboré avec le maître pour la série TV "Alfred Hitchcock Presents" (1956-1959). Hitchcock se tourna alors vers Evan Hunter (qui sera surtout connu plus tard sous d'autres pseudo dont surtout Ed McBain), romancier prolifique déjà adapté au cinéma avec le plus connu "Graine de Violence" (1955) de Richard Brooks et qui sera même adapté en France avec "Le Cri du Cormoran le Soir au-dessus des Jonques" (1970) de Michael Audiard ! Mais l'avantage surtout c'est que l'auteur a déjà lui aussi écrit pour un épisode de "Alfred Hitchcock Presents" (1957), avant de signer pour le cinéma le film "Liaisons Secrètes" (1960) de Richard Quine. Lors de l'écriture, Hitchcock insiste surtout sur le fait que jamais aucune explication ne doit être donné sur le comportement des oiseaux, le réalisateur affirmant fort justement qu'une explication neutraliserait l'angoisse et qu'il fallait insister sur un peur primitive. Grâce au succès mondial de "Psychose" qui avait un budget raisonnable (800000 dollars) pour ce nouveau film Hitchcock obtient un budget beaucoup plus confortable de 2,5 millions de dollars, dont un petit gaspillage de 200000 dollars rien que pour des oiseaux mécaniques qui ne seront finalement pas utilisés car trop peu fiables... A San Francisco, une jeune femme et un avocat se rencontrent chez un oiseleur. Cette jeune femme entreprenante et charmée use alors d'un stratagème pour le revoir, soit offrir un couple d'Inséparables pour la fille . Elle se retrouve ainsi dans une petite station balnéaire où elle finit par rester pour le week-end le stratagème ayant fonctionné bien que peu discret. Mais étonnemment les oiseaux des environs commencent à avoir des comportements bizarres et agressifs. Si au début ça paraît isolé les drames s'accumulent soudainement de façon inquiétante...
Pour le casting, le cinéaste a finalement opté pour une affiche sans star ce qui avait plutôt porté chance à "Psychose". Ainsi pour la jeune femme il a choisi la mannequin Tippi Hedren, alors inconnue mais dont la beauté a subjugué le cinéaste et qu'il voyait déjà comme sa nouvelle muse. Elle était déjà apparue subrepticement dans "La Scandaleuse Ingénue" (1950) de Henry Levin mais elle sera surtout la nouvelle blonde hitchcockienne de retour dans le prochain "Pas de Printemps pour Marnie" (1964) puisque Grace Kelly ne reviendra finalement pas. Pour l'avocat, au départ le cinéaste voulait retrouver Cary Grant avant de se raviser en pensant que la star allait occulter les vrais stars du film : les oiseaux. Ainsi Hitchcock choisit finalement Rod Taylor, acteur solide vu entre autre dans "L'Arbre de Vie" (1957) de Edward Dmytryk, "La Machine à Explorer le Temps" (1960) de George Pal, "Le Dernier Train du Katanga" (1968) de Jack Cardiff et "Zabriskie Point" (1970) de Michelangelo Antonioni. Sa maman est interprétée par Jessica Tandy remarquée dans "La Septième Croix" (1944) de Fred Zinnemann et "Ambre" (1947) de Otto Preminger, mais surtout connue être l'actrice la plus âgée lauréate de l'Oscar de la meilleur actrice pour "Miss Daisy et son Chauffeur" (1989) de Bruce Beresford, et la petite-fille est jouée par la jeune Veronica Cartwright révélée dans "La Rumeur" (1961) de Wylliam Wyler et qui deviendra connue pour les succès "Alien le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott et "L'Etoffe des Héros" (1983) de Philipp Kaufman. Citons ensuite l'institutrice interprétée par Suzanne Fleshette vue avant dans un épisode de "Alfred Hitchcock Presents" (1960) et vue plus tard notamment dans "La Charge de la Huitième Brigade" (1964) de Raoul Walsh et "Nevada Smith" (1966) de Henry Hathaway. Citons ensuite quelques habitants dont Ethel Griffies vue dans "Waterloo Bridge" (1931) de James Whale et "Qu'elle était Verte ma Vallée" (1941) de John Ford, Malcolm Attebury vu dans "L'Homme qui n'a pas d'Etoile" (1955) de King Vidor, "Rio Bravo" (1959) de Howard Hawks et qui retrouve Hitchcock après "La Mort aux Trousses" (1959), puis enfin Charles McGraw vu dans "Les Tueurs" (1946) de Robert Siodmak, et surtout plus tard dans "De Sang Froid" (1967) de Richard Brooks et "Johnny s'en va-t-en Guerre" (1971) de Donald Trumbo... Le film débute avec un jeu de séduction entre une femme et un homme d'un modernité étonnante mais qui rappelle aussi que Hitchcock, souvent pointé du doigt pour sa soit-disante misogynie, offre souvent des rôles forts aux femmes et ici Tippi Hedren incarne une femme certe bourgeoise sans doute pourrie gâtée mais indépendante et libre, séductrice entreprenante comme le serait un homme. Comme à son habitude le cinéaste façonne son actrice pour un idéal de blonde sophistiquée, en lui faisant porter entre autre un ensemble d'un vert amande éclatant. Une première partie presque en mode comédie romantique, entre séduction et humour comme ce petit passage où le couple d'Inséparables qui penche dans les virages.
Le début du tournage est assez idyllique, Hitchcock ravit d'avoir trouver sa nouvelle muse mais le tournage va vite empirer d'abord par des avances du cinéaste trop insistant puis aussi par des scènes éprouvantes qui vont épuiser l'actrice physiquement et psychologiquement. Sur ce dernier point certains diront que Hitchcock a abusé car jamais il n'aurait été aussi loin avec une star. Entre ses avances sans doute trop appuyées et/ou des taquineries plus ou moins subtiles, l'entente de moins en moins agréable pousse le réalisateur dans son humour le plus noir allant jusqu'à offrir à la toute jeune Melanie Griffith, future star et fille de Tippi Hedren, une poupée à l'effigie de sa mère dans un petit cercueil (!), le réalisateur rappelant que "tout le monde aime avoir peur" ! À noter que Tippi Hedren porte le prénom de sa fille dans le film, un prénom qui est une variation de la Marion de "Psychose" (1960) et du futur "Pas de Printemps pour Marnie" (1964). La scène la plus difficile pour l'actrice est évidemment celle du grenier où elle est assaillie par des dizaines d'oiseaux, et alors qu'il devait s'agir d'oiseaux mécaniques elle apprend au dernier moment que le réalisateur a choisi d'utiliser de véritables volatiles. De nombreuses prises ont été effectuées jusqu'à ce que l'actrice s'écroule d'épuisement et qui fut même hospitalisée pour une paupière ouverte. Le film impressionne par les processus et les trucages concernant les oiseaux. Il y a eu beaucoup de dressage, forcément compliqué et fastidieux, mais Hitchcock a aussi fait appel à Ub Iwerls et Robert Broughton spécialistes des effets visuels chez Disney et qui ont inventé un procédé à la vapeur de sodium pour incruster à l'image des oiseaux animés avec des oiseaux réels. Sur les 1500 plans du film on compte pas moins de 371 plans truqués ce qui est énorme pour un film de cette époque. Le résultat est en tous cas bluffant. L'angoisse s'instille insidieusement, et d'autant plus quand on passe de la séduction à une première attaque qui brise le charme. Le plus, l'idée aussi judicieuse et maline reste la musique du film qui n'est en fait pas vraiment une musique ; si le compositeur habituel de Hitchcock, Bernard Hermann oeuvre sur le film c'est en tant que consultant car c'est en fait deux autres hommes, Remi Gessmann et Oskar Sala qui sont chargé des effets sonores. En effet, Hitchcock est parti du principe que sur cette histoire l'absence de musique accentuerait le malaise. Les deux artistes ont donc travaillé sur les sons émis par les oiseaux pour un montage stressant et strident qui renvoie aux différents cris des oiseaux. L'effet est effectivement saisissant d'effroi surtout lors des attaques. Outre la séquence du grenier la scène de l'école fait froid dans le dos tant les enfants semblent véritablement effrayés par l'attaque des ces centaines d'oiseaux agressifs. La séquence finale est également marquante pour d'autres raisons, mais si elle reste la préférée du réalisateur il avait d'abord prévu un fondu enchâiné sur le Golden Gate mais l'idée a dû être abandonnée à cause du coût. Bien que moins probant que "Psychose", le succès est au rendez-vous en rapportant près de 12 millions de dollars au box-office pour un budget de 2,5. Une suite sera réalisé, le téléfilm "Les Oiseaux 2" (1994) de Rick Rosenthal mais le résultat est oubliable et sera oublié à tel point que ce réalisateur prendra le pseudo de sauvetage Alan Smithee ! Le film entre à la postérité, logique si on rappele que Hitchcock lui-même considère ce film comme "le plus important" de sa filmographie - à nuancer avec "son film préféré" qui reste "L'Ombre d'un Doute" (1943).
Note :
20/20