[CRITIQUE] : Black Phone

[CRITIQUE] : Black PhoneRéalisateur : Scott Derrickson
Avec : Mason Thames, Ethan Hawke, Madeleine McGraw, Jeremy Davies, …
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain
Durée : 1h43min
Synopsis :
Finney Shaw, un adolescent de 13 ans, timide mais intelligent, est enlevé par un tueur sadique qui l’enferme dans un sous-sol insonorisé où s’époumoner n’est pas d’une grande utilité. Quand un téléphone accroché au mur, pourtant hors d’usage, se met à sonner, Finney va découvrir qu’il est en contact avec les voix des précédentes victimes de son ravisseur. Ils sont aussi morts que bien résolus à ce que leur triste sort ne devienne pas celui de Finney.
Critique :

#BlackPhone confirme le retour de Derrickson à un cinéma + vivant et créatif. Si l’on fait fi d’une moitié balisée par la demande d'une horreur divertissante, il déploie un savoir-faire efficace pour placer une ambiance macabre au cœur d’une amérique désenchantée (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/0oLMDVvJvr

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 20, 2022

Après une brève parenthèse dans l’univers Marvel (Doctor Strange en 2016), Scott Derrickson revient à son premier amour, le film horrifique. Dans Black Phone, adaptation d’une nouvelle éponyme écrite par Joe Hill (fils d’un certain Stephen King), le cinéaste plonge la tête la première dans le mal qui ronge la ville de Denver : des adolescents disparaissent et ne reviennent jamais …

[CRITIQUE] : Black Phone

Copyright 2022 Universal Studios. All Rights Reserved.


Une aura vintage plane sur Black Phone et convoque tout un pan horrifique du cinéma et de la littérature américaine des années 70. Mais au lieu de pousser le curseur nostalgie au maximum, Scott Derrickson préfère la subtilité. Les références sont citées par les personnages (Massacre à la tronçonneuse par exemple) pour ancrer l’univers du récit dans un réalisme efficace. Loin du matraquage de Stranger Things, le film rend hommage à une époque et se sert activement des références de films d’horreur (cités ou montrés à la télévision) pour jouer avec l’imaginaire du public. Les enlèvements d’enfants, les ballons (noirs ici) évoquent à notre esprit Stephen King et son best-seller Ça. La camionnette mystérieuse qui vient kidnapper ses proies s’approche du Prisoners de Denis Villeneuve, une référence plus récente mais qui s’approprie l’image peu saturée et l’ambiance macabre du film.
Si l’originalité n’est pas le sel de ce long métrage, c’est par son ambiance sinistre que Black Phone se démarque. Scott Derrickson a puisé dans ses souvenirs (il a lui-même grandi à Denver dans les années 70) pour recréer une époque marquée par la violence. Le harcèlement scolaire est montré sans complaisance, ni drame mais comme quelque chose qui s’insinue dans le quotidien. Il existe alors deux cas de figures : ceux qui se défendent (parfois pour montrer l’exemple, comme le jeune Robin) et ceux qui font profil bas, comme Finney, le personnage principal. La violence fait partie intégrante de la vie de ce jeune adolescent, qui doit jongler entre les premiers émois amoureux, son harcèlement, l’alcoolisme de son père et la peur sinueuse apportée par l’Attrapeur (The Graber en anglais), surnommé ainsi par les médias de la ville. Cette violence, presque banalisée par sa présence pérenne, est celle d’un pays tout entier en proie à un déchaînement d’événements morbides, où la violence s’installe et règne en maîtresse. La référence à Massacre à la tronçonneuse, placée en début de film, n’est pas anodine parce qu’elle se positionne comme un marqueur du temps dans l’histoire (le film vient tout juste de sortir en salles) mais aussi parce que le film forme une métaphore de cette ambiance malsaine, sommet cinématographique qui a su capter le chaos états-unien dans sa substance.

[CRITIQUE] : Black Phone

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Mais production Blumhouse oblige, Black Phone se doit être un produit inscrit dans le moule de la maison, perdant ainsi sa belle subtilité. Car il faut divertir le public, lui donner toutes les émotions d’un bon film d’horreur d’aujourd’hui. Dans sa deuxième partie, le film part dans les dérives classiques des productions Blumhouse : un aspect fantastique qui, même si présent dans la nouvelle originelle, ne possède pas grand intérêt ici et des jump scare à foison, pour faire sursauter le spectateur lambda et lui faire perdre quelques grains (précieux vu le prix) de pop-corn. Toute l’analyse, pertinente, sur la violence perd également de son intérêt dès qu’elle devient objet de divertissement. On peut même se questionner sur le message final qui la met sur un piédestal, comme un moyen d'imposer le respect et de devenir un homme.
Black Phone mettra tout le monde d’accord sur un fait : le retour de Scott Derrickson à un cinéma plus vivant et créatif, suite à son passage dans la machine Disney, impitoyable. Si l’on fait fi d’une moitié de son film, balisée par une demande horrifique divertissante, le cinéaste déploie un savoir-faire efficace pour placer une ambiance macabre au cœur d’une époque américaine désenchantée.
Laura Enjolvy
[CRITIQUE] : Black Phone