En peu de temps, Hitchcock perd de nombreux amis (son cardiologue, son monteur Robert Burks, James B.? Allardice son auteur de ses monologues comiques sur sa série TV "Alfred Hitchcock Présents"...), tandis que son projet "Kaleidoscope" s'enlise, sans compter l'échec de son précédent film "Le Rideau Déchiré" (1966). Le cinéaste est en déprime, mais sous la pression de Universal il se tourne vers un nouveau projet de film d'espionnage en adaptant le roman "Topaz" (1967) de Leon Uris, qui est lui-même très inspiré de l'affaire Saphir de 1962 aussi connue sous le titre de de l'Affaire Martel (Tout savoir ICI !). Dans un premier temps, le cinéaste demande à l'auteur lui-même d'écrire le scénario, ce dernier a par ailleurs déjà travaillé pour le grand écran entre autre avec l'adaptation de son roman "Exodus" (1960) de Otto Preminger. Mais l'entente avec Uris et Hitchcock a été conflictuelle, Uris dira que le cinéaste était i"incapable de comprendre les enjeux de l'espionnage moderne", Hitchcock critiquant quant à lui le manque d'épaisseur des personnages de Uris. Finalement Hitchcock fera appel pour terminer le travail à Samuel A. Taylor qu'il retrouve donc après le chef d'oeuvre "Sueurs Froides" (1958). Le titre original "Topaz" était initialement prévu mais en France le titre fut changé pour éviter toute confusion avec la pièce (1928) de Marcel Pagnol qu'il portera d'ailleurs lui-même sur grand écran (1951) avec Fernandel... Boris Kusenov décide de passer à l'Ouest avec sa famille. Las américains organisent la fuite du transfuge mais en échange d'informations qui se doivent d'être capitaux. Kusenov informe alors les américains que les russes transportent des armes vers Cuba. Parallèllement un espion français est parachuté à Cuba afin d'en savoir plus...
L'espion français est incarné par Frederick Stafford alors connu pour être le pendant de 007, soit l'agent OSS 117 dans les films "Furia à Bahia pour OSS 117" (1965) de André Hunebelle et "Atout Coeur à Tokyo pour OSS 117" (1966) de Michel Boisrond, mais aussi vu cette même année de 'L'Etau" dans le film de guerre "La Bataille d'El Alamein" (1969) de Giorgio Ferroni. Son épouse est interprétée par Dany Robin vue dans "Les Portes de la Nuit" (1946) de Marcel Carné, "Le Silence est d'Or" (1947) de René Clair ou "Les Mystères de Paris" (1962) de André Hunebelle. Cette dernière trouve sur ce film d'autres acteurs français avec Claude Jade, qui a été conseillé à Hitchcock par François Truffaut qui venait de la révéler dans "Baisers Volés" (1968) dans un personnage qu'elle retrouvera pour Truffaut dans "Domicile Conjugal" (1970) et "L'Amour en Fuite" (1979), et Michel Subor vu dans "Le Petit Soldat" (1963) de Jean-Luc Godard, "Le Quatrième Pouvoir" (1985) de Serge Leroy ou encore "La Fidélité" (2000) de Andrzej Zulawski, puis les géants Michel Piccoli et Philippe Noiret qui jouent là dans le n°3 de leur 7 films en commun de "Le Rendez-Vous" (1961) de Jean Delannoy au film collectif et militant "Contre l'Oubli" (1991) en passant par "La Grande Bouffe" (1973) de Marco Ferreri, précisons que Noiret retrouvera un sujet très similaire dans "Le Serpent" (1973) de Henri Verneuil. Citons ensuite l'allemande Karn Dor, actrice fétiche de Harald Reinl avec par exemple "Le Vampire et le Sang des Vierges" (1967), avant d'être Bond Girl dans "On ne Vit que Deux Fois" (1967) de Lewis Gilbert et avant le film français "Caroline Chérie" (1968) de Denys de la Patellière, puis les américains John Vernon vu dans "Le Point de Non Retour" (1967) de John Boorman, aux côtés de Eastwood dans "L'Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel et "Josey Wales" (1976) et même en Italie dans le magnifique "Une Journée Particulière" (1977) de Ettore Scola, John Forsythe qui retrouve Hitchcock après "Mais qui a tué Harry ?" (1955), vu juste avant dans "De Sang Froid" (1967) de Richard Brooks mais qui ne connaîtra la gloire qu'avec la série TV "Dynastie" (1981-1989), Roscoe Lee Browne vu plus tard dans "On n'Achète pas le Silence" (1970) de William Wyler, "LÂge de Crystal" (1976) de Michael Anderson ou "L'Affaire Chelsea Deardon" (1986) de Ivan Reitman, puis Edmond Ryan vu dans "Trafic en Haute Mer" (1950) de Michael Curtiz, "Deux sur la Balançoire" (1962) de Robert Wise et "Les Jeux de l'Amour et du Hasard" (1964) de Arthur Hiller... Notons que Philippe Noiret joue avec une béquille, ce qui n'est pas une lubie d'acteur mais bien une blessure l'acteur s'étant cassé la jambe lors d'une séance d'équitation quelques jours avant le tournage. Rappelons que bien que fictive cette histoire est tirée de faits réels, ainsi précison que le héros Deveraux/Stafford est inspiré directement de l'agent du SDECE Philippe Thyraud de Vosjoli qui fit défection passant de la France aux Etats-Unis, et que Granville/ Piccoli renvoie à Georges Pâques espion français qui livra des informations aux soviétiques et qui, curieusement, sera libéré de prison peu de temps après la sortie du film.
Le genre, le style, l'esthétique du film est dans la lignée du précédent "Le Rideau Déchiré", mais cette fois Hitchcock ne semble ni inspiré, ni enthousiaste. Le début est très classique, sans réussir à instaurer un minimum de tension ce qui va être symptomatique du reste du film. Le scénario est en gros scindé en deux partie, l'affaire de Cuba et ses tenants et aboutissants, puis la partie franco-française au sein de services spéciaux. La première partie est intéressante, rythmée et surtout offre les séquences les plus marquantes entre le vol de la valise et les parties avec Juanita/Dor particulièrement touchantes. Dans la partie française, ça reste trop académique, sans twist ni réalisation palpitante malgré des personnages bien écrits. À y regarder de plus près, ce film est sans doute le premier où on se dit que Hitchcock n'a plus envie. La déception du spectateur n'est sans doute pas à la hauteur du réalisateur lui-même qui a dû modifié la fin prévue ; en effet, le cinéaste voulait un duel au pistolet mais le public a réagi négativement aux projections-tests, une seconde fin fût tournée avec Granville/Piccoli qui fuit vers l'U.R.S.S. mais elle ne sera pas gardé non plus jusqu'à cette troisième et ultime fin qui sera celle du montage finale. Le duel au pistolet, à l'ancienne aurait sans nul doute donné une aura toute particulière. Dommage... Mais il y aussi d'autres scènes râtées, voir gâchées comme les soldats cubains tous des clônes de Fidel Castro ou du Che Guevara, d'une caricature facile et si peu imaginative. Si ne ce n'était pas Hitchcock il s'agirait d'un film d'espionnage classique mais tout juste intéressant, le réalisateur signe un film trop calme, à la réalisation sans grandes idées, qui manque cruellement de tension et, dans le même temps, qui surprend par une émotion plus palpable. Une grande déception qui annonce le chant du cygne du Maître.
Note :