À vos machines à voyager dans le temps, on embarque vers le futur ! Treize ans après le lancement de la web-série sur Dailymotion, l'univers mêlant science-fiction et comédie créé par François Descraques arrive dans les salles obscures.
SI vous étiez d'ores et déjà présent sur le web francophone vers la fin des années 2000, impossible pour vous d'être passé à côté de la déferlante qu'a été 'Le Visiteur du Futur' à cette époque. Imaginée et réalisée par François Descraques, la web-série amateur dépeint la vie banale d'un jeune homme nommé Raph. Sa vie pauvre en péripéties se voit vite bousculée par l'apparition d'un loufoque personnage affirmant pouvoir voyager entre les époques, et se faisant appeler 'le Visiteur'. Ce dernier vient tourmenter Raph régulièrement en lui disant qu'une banale action qu'il était sur le point d'effectuer allait changer la face du monde dans un futur plus ou moins lointain. Proposant au départ de courts épisodes de quelques minutes sous forme de sketchs sans de réels liens entre eux, la série prend un ton sérieux vers la fin de la première saison. La saison 2 marque un tournant remarqué avec un réel scénario, des personnages récurrents et attachants, ainsi que des enjeux et un but précis. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cette série a connu un succès fulgurant. En effet, un article de l'Est Républicain datant de 2021 affirme que la série ne compte pas moins de 40 millions de visionnages en globalité. La portée du Visiteur est telle que son réalisateur donne même son nom à un phénomène ayant été visible à la fin des années 2000 sur YouTube et autres sites d'hébergement de vidéos, nommé 'l'effet Descraques'. Ce dernier désigne l'apparition massive de web-séries en France depuis la publication et le succès de cette série, qui bénéficiait d'un maigre budget et des acteurs encore méconnus du grand public, montrant que la réalisation d'un tel projet était accessible à tout un chacun. Le retentissement de l'univers de science-fiction comique parvient jusqu'aux oreilles d'Ankama, célèbre société de portefeuille française qui décide de collaborer avec François Descraques. A partir de là, la web-série dispose de davantage de moyens et de visibilité. L'univers existe alors au-delà des plateformes vidéos. On peut mentionner l'existence d'une bande dessinée, d'un roman, et d'une série de mangas en trois tomes. En clair, 'Le Visiteur du Futur' a ostensiblement su s'intégrer dans la pop culture française, ou tout du moins, dans la culture geek française. En voyant la direction prise par la série et l'ambition prononcée du réalisateur et de son équipe, il est à la fois inattendu et peu étonnant de voir la série faire son entrée dans le monde du cinéma. La série amateur a su se faire une place et a clairement gagné en moyens, en qualité et en appétit, en voyant le projet aller toujours plus loin. Mais alors, les premiers pas du Visiteur au cinéma sont-ils réussis ?
Un retour aux sources qui côtoie la nouveautéLe moins que l'on puisse dire, c'est qu'un fan invétéré du Visiteur ne risque pas d'être dépaysé durant le visionnage de ce long-métrage. On retrouve effectivement un grand nombre d'acteurs de la série d'origine, mais également tous les petits mécanismes et recettes qui ont su faire le charme et le succès de cet univers. Tous les acteurs principaux sont de la partie : Florent Dorin, Raphaël Descraques et Slimane Baptiste-Berhoun (respectivement le Visiteur, Raph et Henry) interprètent toujours leur rôle avec brio et leur alchimie mutuelle fonctionne tout aussi bien que sur le petit écran. La bande de copains sait rester attachante, faire sourire et même éclater de rire le spectateur devant leurs blagues, taquineries et disputes habituelles. D'autres acteurs déjà présents dans la web-série ont également repris leur rôle pour cette adaptation au cinéma, et tout comme leurs comparses, restent convaincants et interprètent leur personnage avec justesse. On peut penser à Mathieu Poggi (Mattéo), Ludovik (Richard), Lénie Chérino (Constance) ou encore Simon Astier (Michel). Le retour de tous ces protagonistes est rondement mené, et tout fonctionne, que ce soit dans le scénario ou à l'écran. Rien n'est incohérent, aucune mise en avant ou retour d'un personnage n'est forcé ou non naturel. En bref, aucun réel 'fan-service' n'est à déplorer de ce côté-ci. Aux côtés des acteurs ayant l'habitude d'évoluer dans ce monde particulier, de nouvelles personnes ont fait leur apparition à l'occasion du long-métrage. Le personnage principal de l'histoire dépeinte dans le film, Alice, est interprété par Enya Baroux. Jeune actrice, scénariste et réalisatrice française, elle est d'ores et déjà habituée au monde cinématographique, ayant fait ses premiers pas dans celui-ci en jouant dans des comédies dans lesquelles elle interprète des seconds rôles ('Le Doudou', '10 jours sans maman', 'Just a Gigolo'...). Dans 'Le Visiteur du Futur', son jeu est très correct et l'on s'attache assez vite à son personnage qui s'intègre facilement dans la bande d'amis originale. Arnaud Ducret, que l'on est pas habitué à voir dans ce genre de production et d'univers, s'en sort lui aussi très bien là où on ne l'attend pourtant pas. Jouant le personnage de Gilbert Alibert, il forme un duo père-fille avec Enya Baroux qui fonctionne honorablement à l'écran. Ils sont drôles, attachants mais savent aussi être émouvants lors de certains passages. D'autres comédiens arrivant tout juste dans le milieu de la 'comédie de science-fiction' s'assimilent bien aux autres personnages. Les deux policiers de la Brigade Temporelle, Louise et Victor (Audrey Pirault, Vincent Tirel) sont tout à fait convaincants, au même titre que Belette, chef de la Meute interprétée par Assa Sylla. Au niveau de la diégèse, tout est là. On retrouve le fameux laboratoire d'Henry, les sous-sol, la ville de Paris maintenant décimée... Il est toutefois à souligner que les décors ont gagné en qualité, le budget n'étant pas le même que lors du tournage de la web-série. Encore une fois, on a de nouveaux endroits à découvrir : un pub, les nouveaux locaux de la Brigade, le Terrier de la Meute... Ces récents ajouts de décors dans le monde du Visiteur sont bien dans l'esprit et l'esthétique de l'univers de base. Il faut préciser cependant que ces personnages et lieux n'ont pas été inventés pour le film, mais sont passés du papier à l'écran, existant d'ores et déjà dans les mangas et le roman. Autrement, tout est dans son élément : les costumes, l'humour, le caractère des personnages, le traitement de la dimension 'science-fiction', et ainsi de suite.
Lorsqu'une production provenant d'Internet passe sur le grand écran, certains peuvent exprimer une certaine crainte par rapport au budget, aux choix et performance des acteurs ou d'autres inquiétudes liées à la qualité du long-métrage en lui-même. En clair, ils se demandent s'il peut en résulter quelque chose de bien. Dans ce cas précis, un grand nombre des comédiens viennent en effet du monde internet, s'étant fait connaître par leurs performances dans des sketchs et/ou vidéos disponibles sur des plateformes comme YouTube. Quelques-uns d'entre eux avaient même déjà travaillé ensemble par le passé, ou tout du moins, s'étaient déjà côtoyés. On peut alors observer un certain type de 'copinage' dans la distribution du long-métrage, des personnalités ayant été choisies pour faire ce film l'ayant probablement été car elles sont ami avec le réalisateur ou d'autres membres de l'équipe. Il faut toutefois rappeler que c'était le cas dès le commencement de la série, le créateur et les acteurs étant amis voire de la même famille. De plus, cela n'empêche pas la plupart d'entre eux de proposer une performance correcte. Par exemple, McFly et Carlito (David Coscas et Raphaël Carlier, très célèbres vidéastes faisant partie des personnes ayant le plus d'abonnés sur Youtube en France) apparaissent tous deux dans une scène de quelques minutes en début de film. Même si ce moment ne sert pas le scénario et pourrait très bien être coupé au montage, il s'apparente cependant à un petit sketch bien rythmé qui fonctionne très bien, et fait passer au spectateur un bon moment de rigolade. On peut dire la même chose du duo de vidéastes 'Le Monde à l'Envers' (Valentin Jean, Jenny Letellier) qui interprètent des personnages drôles et crédibles. Toutefois, certaines apparitions de personnalités peuvent être jugées comme assez inutiles en dehors d'une volonté de caméo, car ils ne parlent pas et restent en arrière plan, ou ne prononcent que quelques mots (Bruce Benamran, 'e-penser' ; Camille Pierrandeli, 'Monsieur Poulpe' ...).
En ce qui concerne la cinématographie, la prise de vue et l'aspect technique du long-métrage, l'ensemble est très qualitatif lorsque l'on sait qu'il a supposément bénéficié d'un budget de 6.7 millions d'euros. On est donc loin du coût moyen du blockbuster de science-fiction habituel. Mais au contraire, l'univers du Visiteur a su prendre un petit coup de boost lors de son passage au grand écran : les décors sont bien plus beaux, les effets spéciaux réussis, le maquillage et les costumes n'ont rien à voir avec ce qu'on peut observer dans la web-série... Voir un projet initialement amateur gagner autant en qualité est très plaisant à voir. Quelques éléments sont parfois légèrement visibles (des fonds verts, des effets, etc...), mais au vu du budget, tout reste grandement abouti.
Le principal défaut du film réside dans le fait que les non-initiés à l'univers du Visiteur peuvent se sentir relativement perdus et submergés devant la masse d'information qu'on leur présente. Les relations entre les personnages sont souvent peu claires, ainsi que leur identité et leur histoire (pourquoi le Visiteur connaît-il Mattéo en semblant partager un passé avec lui qui n'est pas explicité à l'écran ? ; qui est Henry, et pourquoi est-il un robot ? ; qui est la Meute qu'on nous présente sans vraiment savoir de quoi il s'agit alors que c'est un élément central dans la vie du Visiteur ?). Certains personnages de l'univers ont été mis dans le film avec très peu de subtilité et de délicatesse, comme si on avait voulu les voir dans le long-métrage sans de réelles raisons à part plaire aux fans. Il en résulte des présentations et mises en situation très bancales pour justifier la présence du personnage au spectateur (l'exemple de Belette et sa relation avec Renard/le Visiteur qui est vaguement et rapidement présentée par un enfant de la Meute de façon peu naturelle).
En dépit de toutes les petites critiques que l'on peut adresser au film, il s'agit tout de même d'une réussite. Évidemment, les fans de la première heure seront comblés, et ceux qui découvrent l'histoire au cinéma peuvent tout autant l'apprécier, malgré divers freins à leur expérience. Le long-métrage peut définitivement être dur à suivre car certains éléments sont traités trop légèrement et rapidement, pas assez en profondeur, ce qui peut perdre le spectateur néophyte et l'empêcher d'apprécier totalement l'histoire. En addition à ce problème de rapidité, quelques facilités scénaristiques destinées à faire avancer l'histoire, ainsi qu'un traitement trop léger des évènements et des personnages, sont à déplorer. Malgré tout, 'Le Visiteur du Futur' est une comédie de science-fiction de qualité qui vise une grande audience : les fans, les néophytes ou même les plus jeunes. En globalité, c'est un bon moment garanti, seul, avec des amis ou en famille !