Un couple de français installé dans un petit village perdu dans les montagnes de Galice est bien décidé à vivre son rêve, le projet d’une vie. Après avoir tout plaqué, ils retapent une vieille ferme pour y vivre et en faire des gites, produisent des légumes vendus sur le marché ; une reconversion de bobos écolos que le duo de frères voisins, des paysans rustres pur jus, ne voient pas d’un bon œil.
La porte d’entrée de ce dernier film du maitre espagnol Rodrigo Sorogoyen est le conflit de voisinage sur fond d’identité culturelle. Construit comme un thriller dans un climat et un paysage de western, la tension est palpable à chaque instant ; chaque mot, chaque geste choisi sont d’une justesse et d’une précision qui rend le climat si pesant. Sorogoyen pourrait se contenter de filmer un conflit dont on sent le dérapage inéluctable ; mais comme dans tous ses films, il enrichit une situation initiale de bien d’autres problématiques. Ici, la force du récit tient aussi dans deux mondes se faisant face et pouvant difficilement cohabiter et qui va bien plus loin que du simple racisme : l’humanité des mondialisés des métropoles percutent celle des perdants et des laissés pour compte. Ces derniers vivent donc comme une ultime humiliation cette arrivée du monde moderne dans leur ilot couper du monde ; les derniers remparts symboliques sautent et d’autres suivront. L’intolérable ne peut conduire qu’à l’inéluctable.
Bon moment de cinéma profond qui ne laissera pas une trace indélébile comme « El reino » du même réalisateur.
Sorti en 2022
Ma note: 14/20