[CRITIQUE] : Feu Follet

[CRITIQUE] : Feu Follet
Réalisateur : João Pedro Rodrigues
Avec : Mauro Costa, André Cabal, Joel Branco, Oceano Cruz, …
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Comédie musicale, Comédie, Science-fiction
Nationalité : Portugais, Français
Durée : 1h07min
Synopsis :
Sur son lit de mort, Alfredo, roi sans couronne, est ramené à de lointains souvenirs de jeunesse et à l'époque où il rêvait de devenir pompier. La rencontre avec l'instructeur Afonso, du corps des pompiers, ouvre un nouveau chapitre dans la vie des deux jeunes hommes plongés dans l'amour et le désir, et à la volonté de changer le statu quo.

Critique :

Grâce au chef op' Rui Poças, #FeuFollet explose de couleur tout comme le récit explose de séquences drôlissimes. Petit par sa durée, le film - une fantaisie queer et écologique - semble essentiel à notre monde contemporain qui part à vau-l’eau. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/elueTo1nm6

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 9, 2022

(Être comme un) Feu Follet : (être un) esprit insaisissable ou inconsistant. Le titre du nouveau long métrage de João Pedro Rodrigues est choisi en conséquence. Le réalisateur portugais signe un film à l’orée de plusieurs genres : film musical, fable camp et érotique, pamphlet écologique, … Pourquoi choisir quand on peut tout mélanger et embraser le public dans une forêt (en)chantée ?

[CRITIQUE] : Feu Follet

Copyright JHR FILMS


Il était une fois un roi presque mort. L’année 2069 (clin d’œil à l’année érotique 1969) s’affiche en chiffre gros et rouge alors que le corps vieilli et impotent du roi Alfredo apparaît au milieu du cadre. Cette longue silhouette fragile et blanche, dressée vers nous à l’horizontal, propose déjà une savoureuse mise en scène phallique. Tout se rapportera à un comportement érectile dans Feu Follet, à commencer par les arbres de la forêt royale, qui se dressent fièrement dans le cadre. Une fierté pour le roi d’alors, un prolongement érotique pour le jeune prince, dont le membre se durcit à cette pensée. Ce rapprochement se fera moins subtil un peu plus tard, quand ce même prince, devenu alors un pompier volontaire, citera les célèbres forêts portugaises tandis que des photographies de pénis se succèdent dans le cadre. Et si les spectateur.trices ne comprennent toujours pas cette métaphore filée et l'iconographie érectile présente tout le long du film, un chanteur vient lever le doute lors de l’enterrement du roi : « Je chante pour que se termine l’âge de la royauté et qu’advienne l’âge du phallus ». Rien ne saurait être plus explicite.

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Cette érotisme vient encadrer un autre propos politique, tournant autour d’une bourgeoisie incapable de voir au-delà de leur propres murs et d’une urgence écologique évidente, pourtant totalement évacuée par les décisions gouvernementales. Feu Follet se construit autour d’une dualité visuelle : un cadre/scène de théâtre à l’intérieur du palais royal et une mise en scène beaucoup aérée à la caserne de pompier. En choisissant de devenir pompier volontaire, Alfredo prend une position révolutionnaire. Il se subvertit à l’immobilisme de sa famille pour embrasser une liberté de mouvement dans la caserne. Les pompiers soulignent cet immobilisme en mimant des positions (imaginaires) de sculptures ou de tableaux d’art pour mieux se moquer de l’environnement que véhicule le prince. Ce choix de devenir pompier est également un choix de désir. La promiscuité des corps initie Alfredo à la contorsion : une danse lui apprend à s’enrouler autour du corps d’Afonso; une scène de sexe au sein de la forêt fait prendre à leur deux corps une forme arrondie. C’est cet imaginaire camp et musical qu’apportera Alfredo au cœur même du palais royal, quand celui-ci devra succéder à son père. Car malgré tout, le poids familial referme ses griffes autour du prince et fait de l’épisode de la caserne un souvenir érotique, qui se ravive à la vue d’un camion de pompier, un jeu d’enfant.
Grâce au chef opérateur Rui Poças (toujours minutieux dans ses choix de films), Feu Follet explose de couleur, tout comme le récit explose de séquences drôlissimes. Petit par sa durée, le film de João Pedro Rodrigues — une fantaisie queer et écologique — semble essentiel à notre monde contemporain qui part à vau-l’eau.
Laura Enjolvy
[CRITIQUE] : Feu Follet