De quoi ça parle ?
De l’arrestation et du procès d’Aldo Braibanti, un intellectuel italien, professeur d’art et de littérature, spécialiste de la myrmécologie, dans l’Italie des années 1960.
Il lui a été reproché d’avoir manipulé l’esprit d’un de ses élèves dans le but d’avoir avec lui des relations sexuelles. Une façon indirecte de faire le procès de son homosexualité, qui n’était pas vraiment en odeur de sainteté dans la très puritaine Italie de l’époque.
Pourquoi on ne trouve pas le film fourmidable?
On comprend qu’un cinéaste ait pu avoir envie de raconter l’histoire d’Aldo Braibanti, injustement puni par la société en raison de ses préférences sexuelles, et de son jeune amant, complètement détruit par le traitement psychiatrique destiné à le guérir de sa “maladie”. Ce n’est pas un sujet follement original, puisqu’il a déjà été traité des dizaines de fois, et de dizaines de façons différentes, dans des livres ou des films. Mais il y a avait normalement matière à toucher le spectateur. Or ici, cela ne fonctionne pas du tout.
Peut-être parce qu’on n’arrive pas à s’attacher au personnage de Braibanti, qui n’a rien de sympathique. L’homme est l’archétype du professeur coincé, la plupart du temps austère et froid, mais pouvant parfois sortir de ses gonds et malmener ses élèves quand ceux-ci ne se montrent pas à la hauteur de ses attentes. Ou parce qu’il est joué de façon tout aussi austère, glaciale et inexpressive par Luigi Lo Cascio, qui ne parvient jamais vraiment à apporter au personnage les nuances souhaitées, même dans les moments plus intimistes que le professeur passe avec son jeune amant.
Sans doute aussi parce que le scénario, décousu, passe d’une époque à l’autre sans véritable logique ou utilité narrative.
Mais assurément parce que la mise en scène de Gianni Amelio est d’un académisme plombant. Oh, techniquement, c’est assez propre. Il y a de belles images, des plans bien construits, des mouvements de caméra léchés. Mais quel ennui! Il n’y a aucune folie, aucune originalité, aucune tension. Rien de rien!
Remarquez, c’est assez cohérent avec le côté neurasthénique du personnage et le jeu inexpressif de Lo Cascio. Si c’était le but recherché, c’est réussi, mais on en doute…
Le film ne procure absolument aucune émotion. On suit sans grand intérêt le procès, à l’issue prévisible et sans ressentir de sentiment de révolte, sans éprouver une once de compassion pour le personnage. Le film reste atone, complètement plat, si bien qu’on commence à l’oublier dès la projection terminée.
On attendait mieux de la part de ce cinéaste qui, s’il a toujours affiché un style de mise en scène des plus classiques, a su nous emporter par le passé (Les Enfants volés, Lamerica) et avait réussi à convaincre le jury de la Mostra 1998 avec Mon frère.
Aujourd’hui, l’homosexualité est moins un sujet tabou, et plus personne n’est arrêté et condamné pour cela en Italie. Ceci n’empêche pas, évidemment, de réaliser ce genre de film qui permettent de rappeler les brimades et les injustices que des milliers de personnes ont subies, pendant des décennies. Mais il faut lui apporter un peu d’originalité, une patte d’auteur spécifique, un petit plus qui viennent le distinguer des autres films. Là, on a l’impression d’avoir vu cette histoire mille fois ailleurs, en mieux. Et sa dénonciation de l’homophobie ambiante des année 1960/1970 donne l’impression de vouloir enfoncer des portes ouvertes.
Pronostics pour le palmarès ?
Si le film est au palmarès, on intente un procès au jury, pour mauvais goût.
On ne lui voit même pas recevoir le Queer Lion, d’autres films le méritant bien plus, à commencer par L’Immensità, autrement plus original et entraînant.
Lo Cascio peut éventuellement être considéré comme un outsider pour le prix d’interprétation masculine, même si, là encore, nous ne sommes pas convaincus du tout.
Contrepoints critiques :
”Ed ecco dunque anche il Braibanti maestro e seduttore (quale vero maestro non seduce almeno in senso figurato i suoi allievi?), che non teme di essere sgradevole ma sfonda pregiudizi e resistenze per chi sia disposto a capirlo, con una forza che deve molto all’interpretazione assolutamente superlativa di Luigi Lo Cascio.”
(Fabio Ferzetti – Espresso)
“Amelio adopte hélas un style de mise en scène très classique, assez loin du registre accepté par les nouvelles générations, à qui s’adressent, on le suppose, le sujet et l’avertissement contenus par le film.”
(Camillo de Marco – Cineuropa)
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