Après ses premiers films "Fear and Desire" (1953) et "Le Baiser du Tueur" (1955) Stanley Kubrick reste sur le Film Noir sur un braquage adapté du roman "Clean Break" (1955) de Lionel White. Un projet qui était au départ prévu pour et par Frank Sinatra qui avait acquis les droits d'adaptation mais qui abandonna avant que les droits soient repris par le romancier Jim Thompson. Ce dernier n'a encore pas travaillé avec ou pour le cinéma mais plusieurs de ses ouvrages seront portés sur grand écran dont "Guet-Apens" (1972) de Sam Peckinpah, "Série Noire" (1979) de Alain Corneau ou "The Killer Inside Me" (2010) de Michael Winterbottom. L'écrivain lance alors le projet avec le producteur James B. Harris qui met sur la table 120000 dollars pour boucler le budget à 320000 dollars assez juste pour que le réalisateur Stanley Kubrick accepte de renoncer à son salaire en échange d'un pourcentage sur les bénéfices. Le film connaît un succès relatif au box-office mais permet au réalisateur de sa faire remarquer par sa mise en scène inventive et audacieuse. Le trio Thompson-Harris-Kubrick se retrouveront pour leur prochain film même si ils ne seront pas à l'origine du projet. Le cinéaste travaille une ultime fois avec Ruth Sobotka son épouse et directrice artistique. Si Kubrick avait une totale liberté sur ses premiers films, il est désormais assez connu pour que les syndicats s'intéressent de près au film et cette fois vont interdire à Kubrick de porter plusieurs casquettes, ainsi le poste de Directeur Photo est confié à Lucien Ballard, artiste réputé ayant travaillé sur des films comme "Morocco" (1930) de Josef Von Sternberg ou "Laura" (1947) de Otto Preminger mais le perfectionnisme de Kubrick ne sera pas sans causer des tensions entre eux. Précisons que pour ce film Kubrick avouera s'être inspiré du travail sur la caméra du réalisateur Max Ophüls. Pour l'anecdote, le film sera à sa sortie proposé en seconde partie du film "Bandido Caballero" (1956) de Richard Fleischer... Récemment sorti de prison, Johnny Clark organise un casse pour s'emparer de la caisse d'un champ de course un jour spéciale de compétition où les parieurs sont nombreux et dont l'affluence doit aider à passer inaperçu. Un tel plan avec 2 millions de dollars à la clef permet de trouver des complices pros et sérieux. Le plan se déroule à la perfection mais eu dernier moment un grain de sable va enrayer un plan qui devait se dérouler sans accroc...
Pour ce troisième film, Kubrick se permet pour la première fois un casting avec un star et une ribambelle de seconds couteaux expérimentés. Le gang est mené par Sterling Hayden star depuis le Film Noir "Quand la Ville Dort" (1950) de John Huston et "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray, qui retrouvera Kubrick pour "Docteur Folamour" (1964), puis qui retrouve après "Le Défi des Flèches" (1954) de Lesley Selander sa partenaire Coleen Gray vue dans "Le Carrefour de la Mort" (1947) de Henry Hathaway et "La Rivière Rouge" (1948) de Howard Hawks. Dans le gang citons Elisha Cook Jr. gueule de Film Noir aussi remarqué entre autre dans "Le Faucon Maltais" (1941) de John Huston et "Le Grand Sommeil" (1946) de Howard Hawks, son épouse est interprétée par Marie Windsor vue dans "L'Enfer de la Corruption" (1948) de Abraham Polonsky et "Les Trois Mousquetaires" (1948) de George Sidney, citons ensuite Vince Edwards vu dans "Les Passagers de la Nuit" (1947) de Delmer Daves et "Serenade" (1956) de Anthony Mann, Jay C. Flippen surtout vu dans certains des plus grands westerns des années 50 dont "L'Homme qui n'a pas d'Etoile" (1955) de King Vidor et "Le Jugement des Flèches" (1957) de Samuel Fuller, Ted De Corsia vu dans "20000 Lieues sous les Mers" (1954) de Richard Fleischer ou "Un Homme est Mort" (1972) de Jacques Deray et qui retrouvera Kubrick sur "Spartacus" (1960), Joe Sawyer vu notamment dans "Le Mouchard" (1935) de John Ford et "Pacific Express" (1939) de Cecil B. De Mille, Timothy Carey vu dans "L'Equipée Sauvage" (1953) de Laszlo Benedek et "À l'Est d'Eden" (1955) de Elia Kazan qui retrouvera Kubrick également dans "Les Sentiers de la Gloire" (1957) à l'instar de son partenaire Joe Turkel qui sera aussi le barman de "Shining" (1980) mais qu'on remarquera aussi dans "La Cannonière du Yang-Tse" (1967) de Robert Wise et "Blade Runner" (1982) de Ridley Scott, Jay Adler vu dans "Les Ensorcelés" (1952) et "La Vie Passionnée de Van Gogh" (1956) tous deux de Vincente Minnelli. Dans des rôles plus discrets citons encore James Edwards remarqué dans des films de guerre surtout avec "La Demeure des Braves" (1949) de Mark Robson, "Ouragan sur le Caine" (1954) de Edward Dmytryk, "Cote 465" (1957) de Anthony Mann ou "Patton" (1970) de Franklin J. Schaffner, Tito Vuolo qui retrouve la jolie Coleen Gray après "Le Carrefour de la Mort" (1947) et dont le dernier film sera "Certains l'Aiment Chaud" (1959) de Billy Wilder, Dorothy Adams aperçue entre autre dans les chefs d'oeuvres "Sous le plus Grand Chapiteau du Monde" (1952) et "Les Dix Commandements" (1956) tous deux de Cecil B. De Mille, James Griffith procureur du sublime "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton qui retrouvera aussi Kubrick our "Spartacus" (1960) puis son partenaire Jay C. Flippen à l'affiche du mythique "La Conquête de l'Ouest" (1962), puis enfin n'oublions pas le narrateur, une des voix les plus célèbres de l'Âge d'Or ayant prêter sa voix pour Hitchcock avec "Cinquième Colonne" (1942) et "Fenêtre sur Cour" (1954) puis pour "Une Place au Soleil" (1951) où l'acteur Ted De Corsia était aussi au générique... Précisons que le titre en V.O. est "The Killing", qui joue en fait du double sens entre le mot au sens premier soit "tuerie" avec l'expression "to make a killin" qui signifie "ramasser la mise".
Le film débute avec une voix Off comme venu d'outre-tombe qui se rappellerait le déroulement des événements. Le récit est scindé en deux parties dont la jonction est d'ailleurs d'une fluidité subtil au lien d'une césure trop brusque. La première partie présente les protagonistes , leur lien et leur rêve de fortune suivi de la préparation du plan. Dès le début on nous dévoile le grain de sable, un twist en moins donc voir un suspens éventé mais c'est pour mettre en place une tension de tous les instants dès le départ de l'opération dont la minutie est impressionnante ; et avouons-le, il suffit de cherchez la femme comme on dit, la femme fatale inhérente à tout bon Film Noir. Lorsqu'enfin l'opération démarre le scénario se fait plus prenant, bousculant la chronologie via plusieurs flash-backs qui donnent des points de vue non pas différents mais qui permet une vue globale sur l'organisation et le déroulement de chaque braqueur. Malin et passionnant grâce à un plan de braquage qui reste un des plus précis, des plus crédibles et un des plus spectaculaires. Les acteurs sont impeccables, tout à fait le genre de casting qui prouvent qu'une bande de seconds couteaux aux gueules adéquates vaut mieux parfois que des stars. En prime un final dont l'issue ridicule signe l'ironie du sort après le génie du casse. Avec ce film Kubrick impressionne à tel point qu'un certain Kirk Douglas le contacte aussitôt pour son projet en tant de producteur-acteur, le futur "Les Sentiers de la Gloire" (1957), mais c'est une autre histoire...
Note :
17/20