Réalisatrice/Réalisateur : Carine May et Hakim Zouhani
Acteurs : Rachida Brakni, Anaïde Rozam, Disiz - Sérigne M’Baye,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : 3,8M€
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h30min.
Synopsis :
Jacques Prévert, école primaire en Seine-Saint-Denis, est menacée par l’arrivée d’un nouvel établissement scolaire bobo-écolo flambant neuf. Zahia la directrice de l’école, en quête de mixité sociale, s’associe à Marion, jeune instit pleine d’idées, pour créer la première « école verte » de banlieue et attirer les nouveaux habitants. Mais pour ça, il va falloir composer avec une équipe pédagogique disons… hétéroclite, et pas vraiment tournée vers la nature.
Critique :
Modeste dans sa forme,#LaCourDesMiracles est d'une importance capitale dans son fond avec son regard crédible et lucide sur l'enseignement, un cocktail détonnant entre la comédie positivement engagée et le drame social authentique ne tombant jamais dans le misérabilisme putassier pic.twitter.com/JJIaDRuAjM
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 26, 2022
Il y a une réelle dichotomie au coeur de la comédie hexagonale ayant pour cadre l'univers impitoyable de la jungle scolaire, tant une - petite - majorité incarne clairement un regard réaliste (et souvent à la lisière du documentaire) sur un système éducatif sensiblement à l'agonie (et qu'on ne cherche résolument pas à sauver), alors qu'une autre joue pleinement la carte de la gaudriole rarement drôle, cherchant à divertir un public résolument jeune (coucou Ducobu).
Rares sont celles capable d'être à la fois drôle et juste dans leur constat social, ce qui fait dès lors de La Cour des miracles - tout est dans le titre -, premier long-métrage du tandem Carine May/Hakim Zouhani, si ce n'est un miracle au minimum un vrai petit bout de feel good movie juste et attachant dans son regard authentique sur la vérité du terrain de l'école publique, où l'humour ne prend jamais le pas sur le drame.
Copyright Haut et Court
L'histoire est centrée sur l'établissement hauts en couleur de Jacques Prévert au coeur du 93, petite école primaire croulant gentiment sous le poids du manque de moyens et de personnels (elle fait partie de la longue liste des écoles abandonnées par l'éducation nationale), dont le destin est pour ne rien arrangé, menacé par l'arrivée prochaine dans son escarcelle d'une résidence huppée avec en son coeur, une école flambant neuve bobo-écolo.
Bien décidé à ne pas fermer ses portes et faisant preuve d'une incroyable résilience, l'établissement, sous la houlette de sa directrice prônant la mixité sociale et d'une équipe pédagogique hétéroclite et enthousiaste, va se lancer le défi titanesque d'incarner la première " école verte " de banlieue, non sans de nombreuses embûches...
Cocktail détonnant entre la comédie positivement engagée et le drame social modeste et sincère, ne tombant jamais dans le misérabilisme facile où le pathos de supermarché, La Cour des miracles se fait autant un regard crédible et lucide sur l'enseignement aussi bien qu'une observation affûtée des maux qui gangrène la France d'aujourd'hui.
Gentrification des banlieues, inégalités des chances, fausse mixité sociale où encore précarité extrême, la narration pointe également avec intelligence les dysfonctionnements autant que l'absurdité effarante d'une éducation nationale à deux vitesses quant elle n'est pas honteusement ignorante et désengagée, tout en se faisant une ode bienveillante et pleine d'espoir sur la débrouillardise et l'entraide, seuls phares d'un monde dans un constant brouillard institutionnel.
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Plus que de simplement dénoncer ce qui ne fonctionne pas - où tout simplement plus -, le tandem May/Zouhani et son casting royal montrent qu'à force de courage et de bonne volonté, même le plus cabossé des navires de l'école publique peut naviguer entre les icebergs et rester à flot pour éduquer ceux qui feront le monde de demain.
Modeste dans sa forme, La Cour des miracles est d'une importance capitale dans son fond, et clairement l'une des plus agréables (et utiles) séances du moment en salles, à une heure où la stupidité des réseaux sociaux appelle au boycott d'un septième art hexagonal qui ne fait pourtant que de prouver, chaque mercredi, sa grisante richesse.
Jonathan Chevrier