Armez-vous de vos lunettes, d'un marque-page et d'un potentiel chèque-cadeau FNAC pour faire vos emplettes, et lisez un brin nos recommandations littéraires pleines d'amour, au coeur de notre nouvelle section : Instant Littérature !
#9. Où vivaient les gens heureux de Joyce Maynard
Certains romans de Joyce Maynard ont déjà été adaptés pour le septième art. On se souvient du génial Prête à tout réalisé par Gus Van Sant en 1995 avec Nicole Kidman dans le rôle principal. En 2013, c’est Jason Reitman qui adapte un autre de ses romans, Long week-end (avec Kate Winslet) également connu sous le titre Last Days of Summer pour le public français. C’est l’occasion de revenir sur le dernier roman de l’autrice américaine, Où vivaient les gens heureux (Grand prix de Littérature américaine en 2021), publié aux éditions Philippe Rey.
Où vivaient les gens heureux (ou Count the Ways en version originale) aurait pu se nommer « Eleanor en 100 chapitres » (qui se dévorent aisément). L’enfance d’Eleanor n’a pas été simple : notre personnage principal, qui deviendra dessinatrice à l’âge adulte, a perdu lorsqu'elle était jeune ses deux parents qui étaient alcooliques et dévoilant trop peu de signes affectifs envers elle au quotidien. Lorsqu’elle rencontre Cam (un artiste qui ne se préoccupe jamais de l’argent), elle vit dans une sorte de bulle champêtre en fondant sa propre famille, une sorte de revanche sur la vie par rapport à ses parents décédés. Cette bulle éclatera soudainement lorsque Eleanor sera confrontée à un terrible événement qui va bouleverser cet équilibre familial.
Si l’on pourra observer quelques points communs entre Eleanor et Joyce Maynard (elles sont toutes les deux mères de trois enfants et elles travaillent dans le monde des livres pour ne citer que ces exemples), l’écrivaine clame bien haut et fort que ses personnages et les événements relatés dans son récit ne sont pas autobiographiques : « Les personnages dont j’ai choisi de raconter l’histoire ici sont des gens qui sont sortis d’un endroit que j’aime beaucoup : mon imagination ». Pourtant, le parcours de notre héroïne, étalé sur une quarantaine d’années, est très crédible. En tant que lecteur, on pourra s'identifier à ce personnage ou reconnaître quelqu'un de notre entourage qui lui ressemble.
Photographs by Kaitlin Maxwell for The New Yorker
Maynard livre un saisissant portrait de femme qui traverse courageusement les époques. Elle trouve un bel équilibre entre le parcours intime et un discours plus universel sur la condition féminine. Eleanor apprend à être une mère : elle fait de son mieux pour être un bon parent même malgré ce sentiment d’ingratitude qu’on lui renvoie sans cesse. Eleanor doit contourner de nombreux obstacles mais on n’a jamais cette sensation que Maynard martyrise à tout prix son héroïne. On sent qu’elle respecte beaucoup son personnage et même plus globalement tous ses personnages (en dehors d’un seul pour des raisons évidentes). Sans tomber dans du larmoyant ou de la naïveté, l’écrivaine saisit toute la richesse qui constitue notre humanité.
Eleanor saura alors mieux appréhender la maternité et mieux se trouver en tant que femme grâce à une seule chose : le temps. Il permet de guérir, d’avancer, de pardonner, de se pardonner. « Finalement, on survit à beaucoup de choses. On en est transformé. Mais on continue. » Certains passages sont évidemment tristes, pourtant « triste » n’est pas ce qui qualifierait le mieux ce roman. Maynard signe surtout un roman lumineux dans lequel on en ressort grandi, comme son héroïne.Tinalakiller