L'Innocent (2022) de Louis Garrel

4ème long métrage en tant que réalisateur pour Louis Garrel après "Les Deux Amis" (2015), "L'Homme Fidèle" (2018) et "La Croisade" (2021) avec ce projet à l'inspiration autobiographique était prévu pour être son deuxième film mais le réalisateur-scénariste-acteur a eu besoin de "mûrir" son projet. En effet, la mère de Louis Garrel, la réalisatrice-actrice Brigitte Sy a elle-même épousée un prisonnier qu'elle avait connu à des ateliers théâtre en prison. Une expérience qu'elle a d'ailleurs raconté dans son film "Les Mains Libres" (2010) et qui fait dire à Louis Garrel : "L'Innocent, c'est ce récit de ce mariage du point de vue du fils. C'est un peu le contrechamp. En revanche, quand ma mère s'est mariée en prison, j'avais 18 ans, je n'y étais pas. par le biais de ce film, je me suis donc incrusté dans son mariage !" Le cinéaste en profite aussi pour inverser la tendance de son film "La Croisade", après les parents débordés par leurs enfants c'est donc au tour de l'enfant d'être dépassé par sa mère. Louis Garrel co-signe le scénario avec Naïla Guiguet qu'il retrouve donc après "La Croisade" (2021), avec Tanguy Viel, romancier à qui on doit entre autres "Paris-Brest" (2009), "Article 353 du Code Pénal" (2017) ou "La Fille qu'on appelle" (2021) ; Louis Garrel précise avoir aussi eu le temps de collaborer avec le grand et regretté Jean-Claude Carrière dont deux scènes du film sont de lui (le chaton !). À noter que le titre fait référence aussi bien à l'ex-détenu qu'au fils selon Louis Garrel qui explique : "D'un certaine manière, quand on commet un délit pour des raisons nobles, on est un peu innocent. Ce qui, j'en conviens, n'est pas très moral au regard de la loi. C'est la fameuse phrase prononcée dans La Règle du Jeu de Jean Renoir, "Ce qui est terrible sur cette terre, c'est que tout le monde a ses raisons"... 

L'Innocent (2022) de Louis Garrel

Abel apprend que sa mère est sur le point de se marier avec un homme qui sort de prison. Pas du tout rassuré et méfiant il va tout faire pour protéger sa mère épaulé par sa meilleure amie Clémence mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, va l'amener à envisager d'autres perspectives...  Le réalisateur-scénariste s'octroie logiquement le rôle du fils, Louis Garrel étant toujours aussi omniprésent sur les écrans avec pas moins d'une douzaine de films tournés en deux ans dont les récents "Mon Légionnaire" (2021) de Rachel lang, "L'Histoire de ma Femme" (2022) de Ildiko Enyedi et "Rifkin's Festival" (2022) de Woody Allen en attendant les prochains sortant ces prochaines semaines. Sa mère est interprétée par Anouk Grinberg très présente cette année après "Tromperie" (2022) de Arnaud Desplechin, "La Nuit du 12" (2022) de Dominik Moll et "Les Volets Verts" (2022) de jean Becker. L'ex-taulard est incarné par Roschdy Zem vu dans "Madame Claude" (2021) de Sylvie Verheyde, "Enquête sur un Scandale d'État" (2022) de Thierry De Peretti et "Les Enfants des Autres" (2022) de Rebecca Zlotowski. La meilleure amie est jouée par la pétillante Noémie Merlant vue dernièrement dans l'excellent "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard et dans "Mi Iubita, mon Amour" (2022) son premier film en tant que réalisatrice. Citons encore Léa Wiazemsky vue entre autre dans "Associés contre le Crime" (2013) et "Valentin Valentin" (2015) tous deux de Pascal Thomas, Souleymane Touré vu dans "Victor et Célia" (2019) de Pierre jolivet et "Revoir Paris" (2022) de Alice Winocour , Manda Touré aperçue dans "Braqueurs" (2015) de Julien leclercq et "Maison de Retraite" (2022) de Thomas Gilou... Et enfin citons Jean-Claude Pautot, réel ex-taulard ayant passé 25 ans en prison et 15 ans en cavale, conseiller technique sur le film et qui joue aussi un petit rôle notamment lors du préparatif du braquage qui est tourné avec d'anciens truands... Ce qui frappe d'emblée est le choix esthétiquement du film, ce grain particulier qui donne un style suranné très seventies au film avec une atmosphère de début très mélancolique. Ensuite ce qu'on aime c'est le mélange des genres pas vraiment dans le scénario mais plus par la qualité d'écriture sur les personnages merveilleusement croqués.

L'Innocent (2022) de Louis Garrel

Ainsi on suit une comédienne qui a semble-t-il enfin trouvé l'amour dont elle a besoin, un ex-taulard qui replonge sous couvert d'apporter le bonheur à sa femme, un fils qui a peur pour sa mère comme il a peur de ses propres sentiments pour sa meilleure amie, et enfin une jeune femme pétillante qui cache en fait un mal être émotionnel, et le tout offrant deux histoires d'amour différentes, deux romances aux tenants et aboutissants bien distincts. Un mélange des genres qui pourraient être casse-gueule puisqu'il faut de surcroît que les deux romances tiennent la route en parallèle d'un passé et passif douloureux, et d'une partie braquage qui se doit d'être solide. La bonne surprise est que Louis Garrel réussit l'exploit avec élégance et intelligence. D'abord les personnages sont aussi touchants que sympathiques jusque dans leurs défauts, mais surtout il oscille entre comédie et drame tout en abordant la Rom Com, le polar et le drame social. La maman connaît une sorte de cure de jouvence quand elle aime mais on la sent toujours sur le fil du rasoir avec la dépression, le fils est réellement préoccupé par le bonheur de sa mère et en oublie qu'il doit penser aussi à lui et oser avancer, l'ex-taulard est coincé être son monde et un bonheur qui lui tend quand mêmes les bras, et la jeune femme est une bulle de champagne qui ne demande qu'à être savourer. Ce qu'on aime c'est les sourires, celui des protagonistes, mais aussi le notre ou plutôt les nôtres tant le film offre des nuances entre mélancolie, fantaisie et émotion ; on sourit béatement devant le bonheur de Sylvie/Grinberg, on sourit devant les "enquêtes" puériles de Abel/Garrel comme on sourit devant le vaudeville qui se joue dans le hangar ou quand les déclarations se perdent dans les larmes vraies-fausses du restaurant. Plusieurs jolies scènes parsèment le film, avec de la grâce souvent, de la poésie même parfois, toujours avec pas mal d'émotions le tout dans un rythme assez soutenu qui évite toujours l'ennui même dans les parties les plus intimistes ou calmes. Il y a bien quelques accrocs, comme le fait que la police est obligatoirement informée quand il y a un blessé par balle, ou une Sylvie/Grinberg parfois un peu trop "infantile". Mais ce ne sont que des détails tant Louis Garrel signe un film magnifique de justesse, drôle et émouvant. Une des très belles surprises de l'année. A voir et à conseiller.

Note :      

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17/20