La nuit du 12

La nuit du 12Le sort fait aux femmes

Trois heures du mat’, une jeune fille rentre d’une soirée chez une copine. Sur le cours trajet la menant à son domicile, quelqu’un va l’asperger d’essence et la brûler vive. Dominik Moll nous avertit dès l’entame du film qu’il s’agit d’une affaire inspirée de faits réels et irrésolue ; un cold case.

Dominik Moll nous entraine avec les deux flics chargés d’une enquête qui va les hanter longtemps. Deux rôles portés par deux acteurs exceptionnels, Bouli Lanners et Bastien Bouillon, bien loin des clichés servis par le cinéma sur la police. Dominik Moll reconstitue l’enquête et le quotidien de ces flics avec précision dans la veine des polars réalistes montrant le quotidien de la police, comme Tavernier avec « L627 ». Même si dans le premier tiers, on pourrait avoir l’impression de se retrouver dans un film en mode « Zodiac » de Fincher ou « Harry, un ami… » du même réalisateur. La part de mystère tombe vite pour laisser place à un autre sujet que l’enquête elle-même. Le récit policier n’est qu’un prétexte à aborder un sujet d’actualité féministe : la liberté sexuelle des femmes et le comportement des hommes face à celles-ci. Comment en arrive-t-on là ? En faisant connaissance au gré de l’enquête avec tous les petits amis de la jeune fille vite assimilée à une « fille facile » qu’un flic requalifiera à juste titre en « fille pas compliquée » ; la nuance est subtil et forte à la foi. Mais dans ce plaidoyer pour les femmes à disposer de leurs corps ; le moment fort est l’échange entre le flic et la meilleure amie de la jeune fille. Cette dernière s’auto censure lorsqu’elle parle de sa copine, peinée par l’image de « pute » qui pourrait lui coller à la peau si elle comptait par le menu le détail ses relations. Elle refuse à juste titre qu’elle soit cantonnée à cette image alors qu’elle était une fille gentille et sans histoire. De l’autre côté, on comprend le questionnement de la police qui cherche parmi les 6 jeunes hommes le criminel potentiel. On se prend alors à rire, jaune bien entendu, lors des auditions des 6 jeunes amants, tant la vision de la jeune fille est peu flatteuse. Ce qui fera dire à un flic qu’ils pourraient tous être tous coupables. Et c’est bien cela le message du film et sa force ; les hommes sont coupables par essence de ce type d’agissements ; toute une culture autour de la femme est à déconstruire.

Film utile et bien loin du polar attendu… surpris, mais une très bonne surprise

Sorti en 2022

Ma note: 15/20