[critique] : r.m.n.

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Cristian Mungiu

Avec : Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârlădeanu,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Roumain.
Durée : 2h05min
Synopsis :
Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s'impliquer davantage dans l'éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l’aider à surpasser ses angoisses irrationnelles. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté.


Critique :

Catapulté en terre hostile, #RMN se fait une radiographie impitoyable d'une xénophobie ordinaire nourrit par la peur, une intolérance et une haine de l'autre qui ne peut qu'aboutir à une violence sourde que Mungiu ausculte sans le moindre jugement, dans un naturalisme inquiétant. pic.twitter.com/Rywgdhcviv

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 19, 2022

Il y a une certitude qui s'inscrit pleinement au fil du temps avec le cinéma béni de Cristian Mungiu, c'est que peut importe s'il met plusieurs années à nous revenir avec un nouveau long-métrage, la vision du cinéaste roumain sur la décrépitude de l'humanité reste toujours aussi cruellement vraie et incisive.
Posant sa caméra - littéralement - en terre hostile, son nouvel effort, R.M.N., basé sur fait divers bien réel survenu en 2020 (la protestation de 200 villageois contre l’embauche de deux Sri-lankais par une boulangerie industrielle en manque d’employés), se fait le portrait dérangé et jamais complaisant - montrée dans toute sa dureté - de la Roumanie rurale, présentée comme une friche désertique du communisme, vissé sur une communauté errant dans un cadre désolé (au coeur de la Transylvanie, où les inquiétantes montagnes sont grossièrement découpées et où l'asphalte des rues est cycliquement englouti par une boue omniprésente), déterminée à voir la richesse offerte par son hétérogénéité identitaire uniquement comme une malédiction envoyée par un dieu cruel.

Copyright Mobra Films


En shérif avisé d'un western terrifiant parce que beaucoup trop rationnel et réaliste, Mungiu pose calmement sa caméra dans une Transylvanie multi-ethnique où les monstres sont bien humains - en apparence tout du moins -, une terre malade aux tensions intestines embaumant la moindre parcelle de bitume (l'héritage enfoui du communisme, le poids des traditions ancestrales et des légendes ataviques,...), entre une xénophobie à peine titillée par la présence des nouveaux émigrés, une haine savamment attisée par l'extrême droite, l'inhibition et l'hypocrisie de l'Église où encore toutes les craintes et préjugés faciles générés depuis l'intégration dans l'Europe.
Une radiographie impitoyable d'une xénophobie ordinaire nourrit par la peur, une intolérance et une haine de l'autre qui ne peut qu'aboutir à une violence sourde que Mungiu ausculte sans le moindre jugement, dans un naturalisme inquiété et inquiétant renforcé par une mise en scène virtuose (entièrement composée de plans séquences) et une écriture brillante qui verrouille la moindre parcelle d'une virulente et sombre fable sociale.
Une belle expérience de cinéma méticuleusement construite dans sa volonté de nous confronter autant à notre propre bêtise qu'au danger qui guette une humanité qui, cruelle ironie du sort, n'a jamais été aussi divisée et en conflit ces dernières années qu'aujourd'hui.
Jonathan Chevrier