[CRITIQUE/RESSORTIE] : Millenium Mambo

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Hou Hsiao-Hsien
Acteurs : Shu Qi, Tuan Chun-Hao, Jack Kao,...
Distributeur : Solaris Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français, Taïwanais.
Durée : 1h45min.
Date de sortie : 31 octobre 2001
Date de ressortie : 19 octobre 2022
Synopsis :
Vicky travaille le soir dans une boîte de nuit alors que son copain Hao-hao est au chômage. Ce dernier est très jaloux et la surveille étroitement. Elle ne le supporte plus et va se réfugier chez son ami Jack, demi-mafieux zen.


Critique :

Fuite en avant vers l'inconnue pour finalement se retrouver dans la même incapacité de pouvoir faire sa propre place, #MilleniumMambo est un bijou de trip contemplatif et mélancolique, un portrait fascinant d'une jeunesse perdue dans ses doutes, sa frustration et ses indécisions. pic.twitter.com/BuAbXYHiyP

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 24, 2022

Une scène proprement magique dans Millenium Mambo, celle où les personnages s'amusent avec de la neige, résume presque à elle seule toute la beauté du long-métrage, autant que le moteur qui traverse toute la douce filmographie de Hou Hsiao-Hsien : l'idée de jouer avec le côté insaisissable de la vie et de tromper, même une poignée de secondes, l'ordre des choses.
Tout son cinéma où presque est articulé sur un dialogue attentif aussi bien avec l'histoire de sa propre nation qu'avec le pouvoir (dé)mystificateur du septième art, et Millenium Mambo se fait une cartographie perspicace et tendre de son présent (de l'époque), dessinée non pas d'un trait épais mais d'une nuance éthérée et fugace, au même sens qu'une neige qui s'évanouit à peine lorsqu'elle touche la chaleur des corps.
Adoptant une narration kaléidoscopique et cyclique - comme le cycle de la vie -, enlacée sur des continuités et des discontinuités où chaque lignes (rythme, image, voix-off et actions des personnages,...) semblent volontairement discordantes, tout comme de jeunes protagonistes - les " Millenials " - qui sont à la fois unit et séparés les uns des autres, tout le film semble vissé sur le questionnement du changement, la possibilité d'un avenir qui viendra rompre ce cercle redondant et toxique où il semble toujours manqué quelque chose.

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Un sentiment de manque d'emprise sur l'existence que ressent autant les personnages que, par le biais de la mise en scène opaque du cinéaste, le spectateur, catapultant son monde au coeur d'un cadre destructeur qui peut se montrer à la fois complexe et hypnotique de par son mouvement et son intimité, mais aussi férocement désoriantant et aliénant dans sa manière de conjecturer le vide qui habite le présent d'une Taïwan encore frappée par les douleurs et les troubles du passé, tout autant que l'incapacité qu'on les plus jeunes autant à communiquer entre eux-mêmes qu'avec les générations précédentes.
Une véritable interrogation du temps dans ce qu'elle a de plus expérimentale et douce, annoncée dès les premières secondes du film et les premiers pas face caméra de son héroïne - dans un tunnel interminable -, Vicky (sublime Shu Qi), à la fois libre et fougueux mais emprunt d'une inquiétude et d'un manque de certitude qui se calque sur sa vie, elle qui se heurte sentimentalement à deux hommes qui lui promettent peu si ce n'est rien.
Comment peut-on être et apporter quelque chose de signifiant dans un monde formalisé où seuls les plaisirs fugaces et éphémères comptent (même l'amour n'est plus vraiment une affaire de sentiments), symbole de notre marque sur cette terre finalement aussi stérile que légère - voire insignifiante.
Fuite en avant vers l'inconnue pour finalement se retrouver dans la même incapacité de pouvoir faire sa propre place, Millenium Mambo est une merveille de trip contemplatif et mélancolique, un portrait fascinant d'une jeunesse perdue dans ses doutes et ses indécisions, pourchassant les jets de lumières éphémères d'un monde obscur et anxiogène.
Jonathan Chevrier