Un grand merci à L’Atelier d’Images pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Sanglantes confessions » de Ulu Grosbard.
« Je n’ai jamais vu le Saint-Esprit. Mais quand tu m’en parles, je te crois. Alors crois-moi quand je te dis que les braves gens que tu fréquentes sont de véritables gangsters. »
Policier intègre et pugnace, Tom Spellacy enquête sur le meurtre d’une jeune prostituée. Au cours de ses investigations, il tombe sur la piste de Jack Amsterdam, bienfaiteur de l’église et ami de son frère Desmond, chancelier de l’archidiocèse. Pour découvrir la vérité, les deux frères que tout semble opposer, vont se rapprocher. La vérité pourra-t-elle éclater malgré la force du secret de la confession ?
« Vous aimez le pouvoir mais faites attention de ne pas vous sous-estimer ! »
Drôle de parcours que celui de Ulu Grosbard, fils d’un diamantaire juif d’Anvers que tout semblait prédestiner à reprendre le métier de son père. Mais le destin – et surtout la grande Histoire – en décideront finalement autrement : la Seconde guerre mondiale et les persécutions antisémites le conduiront à prendre la route de l’exil. Celle-ci le mènera un temps à Cuba où il travaillera comme diamantaire avec son frère, puis à New-York où il se découvrira une passion pour le théâtre. Au point de devenir, à force de travail, l'un des metteurs en scène les plus respectés de Broadway, où il dirigera au cours des années 60 quelques-uns des jeunes acteurs qui deviendront par la suite les figures du Nouvel Hollywood. Rattrapé par les sirènes du cinéma, il fait ses débuts derrière la caméra a plus de quarante ans avec le film « Trois étrangers » (1968), qui lancera la carrière de Martin Sheen et vaudra à Jack Albertson l’Oscar du meilleur second rôle. Pour autant, après une seconde expérience décevante (« Qui est Harry Kellerman ? » en 1971), Grosbard retournera de longues années au théâtre. Il faudra finalement attendre 1978 pour le voir revenir derrière la caméra à la demande de son ami Dustin Hoffman qui sollicitera son aide pour assurer à sa place la réalisation du « Récidiviste ». Un projet à la suite duquel il se voit proposer de réaliser « Sanglantes confessions », adaptation du roman éponyme de John Gregory Dunne.
« Ne confondez pas : nous avons tous deux connu cette fille, mais vous seul l’avez baisée ! »
« Sanglantes confessions » est ainsi une plongée au cœur de l'Amérique de l'après-guerre, le temps d'un polar centré sur un crime sordide et pervers qui ressemble à s'y méprendre à celui de la starlette Elizabeth Short, plus connu sous le nom de « Dahlia noir ». Mais l'enquête se révélera des plus coriaces, puisque menant jusque dans les hautes sphères du pouvoir économique californien et ses accointances avec la puissant Eglise Catholique. Pour l'inspecteur Spellacy, l'enquête prendra dès lors une tournure plus personnelle en ce qu'elle l'obligera à se rapprocher de son frère, ambitieux ecclésiastique promis à un grand avenir dans les arcanes du pouvoir politique de l'évêché. L'occasion pour le cinéaste de dresser un portrait sans concession de cette Amérique hypocrite et honteuse, cachant sous son masque puritain une société rongée par le vice (sexe, crime, cupidité) et la corruption. A l'image des relations plus qu'ambigües qu'entretien alors sciemment l’Eglise Catholique avec certains affairistes sulfureux à qui elle offre de se (r)acheter une respectabilité en échange de généreuses contributions a ses bonnes œuvres. De façon assez saisissante, « Sanglantes confessions » a, de part son ambiance poisseuse et ses personnages ambivalents (le flic qui fraie avec une prostituée et qui se comporte parfois de la même manière que les gangsters qu'il traque), un univers qui rappelle celui des romans de James Ellroy (qui n'a alors publié aucun roman et qui consacrera néanmoins sept ans plus tard le premier volet de son « Quatuor de Los Angeles » a l'affaire du « Dahlia noir »). Une parenté que l'on retrouve également dans la dimension morale du récit, avec ces deux frères antagonistes (l'un est un petit flic sans ambition, l'autre un fin et ambitieux politicien) obligés de faire des choix en conscience. Tout en sachant que le Bien n'est jamais récompensé (comme ce vieux prêtre relégué dans une modeste paroisse du désert). Ulu Grosbard signe là à l’évidence un polar complexe (en ce qu'il propose plusieurs niveaux de lecture, policier et moral) et passionnant, qui plus est porté par un casting de premier choix (Robert De Niro, Robert Duvall, Charles Durning). En cela, « Sanglantes confessions » est une jolie réussite, à ranger parmi les grands titres du néo-noir des années 70 (« Chinatown », « Le privé » ou encore le méconnu « Le chat connait l’assassin »).
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Confessions intimes », présentation et analyste du film par Samuel Blumenfeld, journaliste Le Monde (2022, 37 min.) ainsi que d’une Bande-annonce originale.
Édité par L’Atelier d’Images, « Sanglantes confessions » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 23 août 2022.
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