[CRITIQUE] : Piggy

Par Fuckcinephiles

Réalisatrice : Carlota Martínez-Pereda
Avec : Laura Galán, Richard Holmes, Carmen Machi,...
Distributeur : Backup Films
Budget : -
Genre : Thriller, Drame, Epouvante-horreur.
Nationalité : Espagnol, Français.
Durée : 1h39min
Synopsis :
Pour Sara, l'été sous le soleil écrasant est synonyme du harcèlement qu’elle subit de la part des autres jeunes de son petit village. Lorsqu’un mystérieux étranger décide de s'en prendre à trois de ses brutes, tout s’arrête. Sara en sait plus qu’elle ne veut bien l’avouer et un dilemme se pose : parler et sauver ces filles ou ne rien dire pour protéger cet étranger qui l’a sauvée.


Critique :

Audacieux cocktail entre le coming-of-age movie gore et le thriller psychologique bien tordu, #Piggy incarne une vision violente et douloureusement crédible des tourments adolescents tout en questionnant intelligemment les désirs de vengeance des victimes de violence/harcèlement pic.twitter.com/NOOSiUG6Af

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 3, 2022

Dans une horreur hispanique à (très) forte tendance masculine, il y a quelque chose de profondément rafraîchissant à l'idée de voir qu'un visage féminin tel que Carlota Martínez-Pereda, et qui plus est totalement inscrite dans la mouvance de l'horreur féministe portée par Jennifer Kent où encore Julia Ducournau, vienne bousculer l'ordre établi avec une première oeuvre coup de poing (une extension de son court-métrage Cerdita, déjà porté par Laura Galán) et furieusement contemporaine dans les vérités qu'elle convoque.
Audacieux mélange entre le teen movie sur le rude passage à la vie d'adulte, le body horror et le thriller psychologique gentiment tordu, la narration de Piggy - titre au double sens cruellement évocateur - s'attache à narrer une vision violente et pourtant douloureusement crédible des tourments adolescents poussés à leur paroxysme, clouée aux basques d'une adolescente autant victime d'un horrible harcèlement grossophobe de la part de ses camarades que d'un cadre familial oppressant (saupoudré d'une sexualité réprimée et d'une omniprésence religieuse qui renforce une idéologie patriarcale toujours pleinement institutionnalisée), et qui va se voir offrir une étrange et improbable chance de se venger de ses tortionnaires.

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Soit Sara, qui vit la vie que tout adolescent redoute : elle n'est pas à l'aise dans son corps, n'a aucun amis, passe ses après-midi à travailler dans la boucherie familiale et est tourmentée par tous ses camarades.
A la suite d'un incident particulièrement déchirant et cruel à la piscine municipale, elle devient la seule témoin d'un enlèvement brutal où ses bourreaux s'avèrent les victimes...
Exploration profonde et intime de la psychologie d'une jeune femme dont l'expression de son inconscient est - littéralement - incarné par un tueur sanguinaire (paradoxalement le seul être à lui accorder un tant soit peu de considération), qui questionne avec pertinence les désirs de vengeance des victimes de violence (où comment recevoir de la souffrance peut, inéluctablement, amener à l'infliger) sans pour autant se perdre dans une représentation superficielle de la cruauté - aussi gratifiante soit-elle à l'écran -; Piggy se fait une expérience au plus près du corps, aussi viscérale (parfois à la limite de la claustrophobie) que surréaliste (ce rapport à l'animal pour mieux exprimer les instincts primaires de son anti-héroine, campée à la perfection par une Laura Galán qui épouse sans réserve autant les angoisses que la brutalité de son personnage), une radiographie troublante et jamais condescendante ni moralisatrice d'une adolescence transformée et troublante lorsqu'elle écoute son moi intérieur.
Une (très) belle découverte.
Jonathan Chevrier