Le coup de l'escalier

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le coup de l’escalier » de Robert Wise.

« Ma dette augmente : les chevaux continuent de courir et moi de perdre ! »

Ancien flic condamné pour corruption, Dave Burke prépare le cambriolage d’une banque. En quête de complices, il fait appel à deux hommes de mains, Slater, un blanc raciste, et Ingram, un chanteur noir criblé de dettes. Le casse, pourtant bien planifié, tourne très vite au cauchemar, envenimé par la haine que Slater ressent pour son équipier…

« Faut qu’on prenne des risques. T’es un joueur ? Alors joue ! »

Ancien monteur au sein du Studio de la RKO, Robert Wise débute sa carrière de cinéaste au début des années 40 par le biais de la série B. Ce qui lui permet de se faire la main en se frottant un peu à tous les genres, du fantastique (« La malédiction des hommes-chats », « Le jour où la Terre s’arrêta ») au western (« Ciel rouge », « La loi de la prairie ») en passant par le film de guerre (« Les rats du désert », « L’odyssée du sous-marin Nerka »). S’il triomphera au cours des années 60 grâce notamment à ses films musicaux (« West side story », « La mélodie du bonheur », « Star ! »), il excella avant cela dans un autre registre, à savoir le film noir, genre dont il signa quelques pépites : « Né pour tuer », « Nous avons gagné ce soir », ou encore « Je veux vivre ! ». Mais en la matière, sa plus grande réussite fut sans doute « Le coup de l’escalier » (1959), un film consacré par la cinéphilie et qui fut, dit-on, le film de chevet du grand Jean-Pierre Melville.

« Ce qui me tue ce n’est pas d’agir mais d’attendre »

Adaptation du roman éponyme de William P. McGivern – grand nom de la littérature policière américaine dont les écrits ont inspiré des films comme « Règlement de comptes » (Fritz Lang, 1953) ou « Colère noire » (Frank Tuttle, 1955) – « Le coup de l’escalier » est un film de casse à l’intrigue assez classique. On y suit en effet un trio de personnages déchus, malmenés par la vie et laissés pour compte du rêve américain, contraints de s’associer pour mener un casse trop facile en apparence pour être vraiment honnête. Mais une fois n’est pas coutume, le déroulement du braquage en lui-même, pas plus que son issue, ne constituent véritablement l’intérêt de ce film. D’ailleurs, à l’écran, il ne dure qu’une vingtaine de minutes tout au plus. L’essentiel est en effet ailleurs, dans la présentation faite des personnages et de leurs motivations et, à travers eux, de ce que le film dit de la société américaine des années 50 et des changements sociétaux en cours. De l’ancien flic tombé pour corruption au vétéran de l’armée raciste, chômeur et brutal qui n’accepte pas de vivre aux crochets de sa compagne. Ou encore ce chanteur de cabaret trainant derrière lui de terribles dettes de jeu. Une équipe disparate et trop peu soudée pour l’opération fonctionne. En cause, le personnage de Robert Ryan, trop impulsif (terrible scène du bar avec les militaires) et surtout profondément raciste (on s’en rend compte dès la scène de l’ascenseur et son échange avec le liftier), sèmera la discorde et précipitera d’une certaine manière la chute du groupe. Éclipsant par-là même la simple fatalité invoquée habituellement dans les films noirs. Formellement, Wise bouleverse également les codes du film noir en travaillant sur le temps. Et plus exactement en jouant sur l’étirement du temps par le biais de temps morts et de séquences résolument inertes qui traduisent l’attente des personnages avant le casse et permettent ainsi de renforcer le sentiment de pression qui les gagne progressivement. Un très bon film noir, formidablement mis en scène et porté par l’interprétation de grande classe de Robert Ryan et, surtout, de Harry Belafonte.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition au format 1.37 utilisé par le British Film Institute pour leur sortie Blu-ray et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné des modules « Le Temps selon Robert Wise » : analyse de Jacques Demange, critique à la revue Positif (2022, 10 min.) et « La Griffe Robert Wise » : interview d’Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France (2022, 30 min.), ainsi que d’une Bande-annonce originale. Le livret « Le Sommeil de la raison engendre les monstres » conçu par Christophe Chavdia (28 pages) vient compléter avantageusement cette belle édition.

Édité par Rimini Éditions, « Le coup de l’escalier » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 20 septembre 2022.

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