Film de Michel Deville, réalisateur qui s'est fait une spécialité des adaptations littéraires ou faussement littéraires le cinéastes empruntant largement au style avec si possibles une pincée d'érotisme comme "Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau" (1968) ou "Raphaël ou le Débauché" (1971) et qui, aujourd'hui serait vu comme celui qui a inspiré le cinéma de Emmanuel Mouret. Pour ne pas changer donc, Michel Deville adapte un roman, "la Lectrice" (1986) de Raymond Jean pour lequel il co-écrit le scénario avec Rosalinde Deville, son épouse, collaboratrice et productrice-scénariste des films de son époux depuis "Péril en la Demeure" (1985), juste après "Le Paltoquet" (1985)... Le film est un nouveau succès pour le couple, avec entre autre pas moins de 9 nominations aux Césars dont une statuette pour le meilleur acteur dans un second rôle... Fascinée par l'héroïne du roman La Lectrice, Constance décide de devenir elle aussi lectrice à domicile. Elle passe alors une petite annonce et bientôt des clients se montrent intéressés avec Eric un ado handicapé, une veuve de général qui s'avère communiste, un PDG névrosé ou encore un ancien magistrat admirateur du Marquis de Sade...
La lectrice est incarnée par Miou-Miou qui a gravit les échelons depuis "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) de Gérard Oury et "Les Valseuses" (1974) de Bertrand Blier avec aussi "Canicule" (1984) de Yves Boisset ou "Tenue de Soirée" (1986) de Blier. Elle retrouve plusieurs de ses partenaires après le film "Blanche et Marie" (1984) de Jacques Renard dont Patrick Chesnais qui retrouve de son côté Michel Deville après "Le Dossier 51" (1978), Maria Casarès éternelle concurrente en amour de Arletty dans "Les Enfants du Paradis" (1945) de Marcel Carné et éternelle princesse dans "Orphée" (1950) et "Le Testament d'Orphée" (1959) tous deux de Jean Cocteau, puis Christian Blanc surtout connu comme comédien réputé de la Comédie Française retrouvant ainsi des camarades issus surtout des planches du théâtre comme Clotilde de Bayser, Jean-Luc Bouté, Simon Eine et Régis Royer, ce dernier retrouve tout de même après le film "Louis, Enfant-Roi" (1992) de Roger Planchon l'actrice Brigitte Catillon vue entre autre dans "Le Goût des Autres" (1999) de Agnès Jaoui et "Espèces Menacées" (2017) de Gilles Bourdos. Citons ensuite Pierre Dux vu dans "La Horse" (1970) de Pierre Granier-Deferre ou "Section Spéciale" (1974) de Costa Gravas et qui retrouve Maria Casarès après "Ombre et Lumière" (1951) de Henri Calef, Marianne Denicourt alors débutante tout juste révélée dans "Hôtel de France" (1986) de Patrice Chéreau et "L'Amoureuse" (1987) de Jacques Doillon, à l'instar de Maria de Medeiros également débutante après quelques films avant de devenir mondialement connue dans "Henry et June" (1990) de Philip Kaufman et surtout "Pulp Fiction" (1994) de Quentin Tarantino, André Wilms futur acteur fétiche de Etienne Chatiliez et Aki Kaurismaki et vu dernièrement dans "Le Sel des Larmes" (2020) de Philippe Garrel et "Maigret" (2022) de Patrice Leconte, Bérangère Bonvoisin aperçue dans "L'Adolescente" (1978) de Jeanne Moreau et "La Garce" (1984) de Christine Pascal, Léo Campion avec ses décennies de cinéma avec notamment "Ma tante d'Honfleur" (1948) de René Jayet, "Paris Canaille" (1955) de Pierre Gaspard-Huit ou "Et la Tendresse ? Bordel !" (1978) de Patrick Schulmann, puis enfin Michel Raskine vu par exemple dans "I comme Icare" (1979) de Henri Verneuil ou "Jeanne et le Garçon Formidable" (1998) de Olivier Ducastel et Jacques Martineau et qui retrouvera Michel Deville pour "Aux Petits Bonheurs" (1994)... Le film a de quoi désarçonné tant on a l'impression que le réalisateur était fauché, ou du moins ses producteurs. Si les films de Deville ne sont pas connus pour être onéreux cela n'a jamais empêché d'avoir des ressources.
Ainsi, on n'est pas franchement séduit par des décors pauvres ou inexistants à en refroidir plus d'un, surtout les lecteurs par ailleurs toujours plus à l'aise dans un cocon douillet. Mais surtout ce manque de décors, allié à la construction du scénario font de ce film un théâtre filmé qui assemble des scénettes plus ou moins intéressantes. On frôle le film à sketchs. Alors on comprend vite que la lecture n'est qu'un prétexte à du marivaudage dans un style très anachronique car si ça passe pour des films en costumes, dans une histoire très années 80 ça fonctionne moins bien. Ainsi Constance aime lire et met un peu de temps à comprendre que ses lectures n'intéressent que peu ses clients, surtout masculins qui imaginent (ou pas !) surtout un fantasme à la façon d'un patron avec sa secrétaire. Maupassant, Duras ou Sade on s'en moque finalement un peu beaucoup. On aura connu Michel Deville plus inspiré dans ses élégants marivaudages érotico-fantaisistes. Cette fois l'élégance se résume aux textes lus, le reste est une sorte de panel de mâles en quête de luxure ni plus ni moins sans que ce soit amusant (exception peut-être du PDG/Chesnais d'ailleurs récompensé du César !), ni franchement érotique (car il faut un minimum de joie et de désir ce qui ne semble jamais le cas pour la lectrice/Miou) ni même irrévérencieux (tout reste très sage). On peut même être déçu par la morale qui est imposé à la fin alors même que la Lectrice semble ouverte aux expériences et qu'on peut avoir bien du mal à comprendre sa naïveté qui semble encore là à ce moment du récit. Bref, il y a bien quelques passages qui ne manquent pas de charmes mais dans l'ensemble le propos peut s'avérer maladroit, pas vraiment drôle et, surtout, la littérature nous paraît bien fade vu le sujet c'est un peu dommage.
Note :
09/20