Les rendez-vous de Satan (Vous voulez un foyer rassurant ? Optez pour nos appartements)

les-rendez-vous-de-satan

Genre : Thriller, policier, giallo (interdit aux - 12 ans)

Année : 1972

Durée : 1h34

Synopsis :

Deux jeunes femmes sont assassinées coup sur coup dans le même immeuble appartenant à l'architecte Andrea Antinori. Ce dernier, en échange d'une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer et Marylin, de venir s'y installer. Tandis que Jennifer, au passé trouble, échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant.

La critique :

Cette fois, ça y est ! Elle est faite. Je peux solennellement vous dire que cette éprouvante et interminable rétrospective axée sur le giallo est enfin arrivée à terme. Les allergiques au genre peuvent enfin lancer leurs serpentins et trinquer avec leur coupe de Dom Pérignon (une occasion pareille nécessite un champagne exceptionnel). Finies les railleries, finies les soupirs de frustration, nous sommes arrivés non sans mal au bout du bout de mon plus gros travail de chroniqueur qui s'est étalé sur plusieurs mois. Néanmoins, précisons que d'autres gialli ont été déjà abordées bien avant dans les colonnes éparses de Cinéma Choc. Au bas mot, on pourrait parier sur une quarantaine d'oeuvres qui ont eu ce divin privilège de bénéficier d'une chronique. Une broutille au vu de toutes les sorties passées et de certains sites spécialisés mais un palmarès pas trop dégueulasse pour donner des idées aux millions de lecteurs qui nous lisent chaque jour et qui, finalement, seraient peut-être tentés de risquer le coup.
C'est grâce à un certain sens de la persévérance que j'en suis arrivé à vous noyer de gialli car le démarrage ne s'est pas fait en beauté, ayant du mal à accepter les codes. Pourtant, l'excellent La Maison aux fenêtres qui rient, définitivement mon giallo préféré ayant même eu le toupet de s'insérer dans mon top 100, fut parmi les tous premiers candidats à être visionné.

Ca a le mérite de contraster quand on songe aux oeuvres de Mario Bava et de Dario Argento qui s'arrogent très souvent le palmarès des gialli préférés chez les cinéphiles. Mais bon il faut de tout pour faire un monde. D'ailleurs, outre leur réputation internationale, ils furent aussi ceux par qui le giallo est devenu ce qu'il est. Car en 1963, Bava, avec La Fille qui en savait trop, allait bouleverser le paysage cinématographique bis italien en faisant de ce film l'oeuvre fondatrice du genre. L'année suivante, Six Femmes pour l'Assassin se chargera de magnifier le tout. Cependant, le boom du giallo ne sera pas initié avec ce superbe cru mais bien avec Argento et sa trilogie animale que vous connaissez par coeur. Le début des années 70 sera son apogée (de 1970 à 1972 plus précisément pour les puristes) où une analogie pouvait être faite entre le rythme des sorties et la productivité industrielle.
Bref, toujours la même rengaine ressassée jusqu'à plus soif ! Et je ne vous cache pas être content de taper ce genre d'intro une dernière fois car ça commençait sérieusement à me brouter le chou pour être poli. Alors que de nouveaux talents émergèrent au point de dominer le marché, certains réalisateurs plus confidentiels tentèrent eux aussi de s'accaparer quelques miettes du gâteau. Giuliano Carnimeo, à qui revient les honneurs de clôturer ce cycle, est de ceux-là. Reconnu pour ses westerns, il effectua une seule et unique incursion dans le thriller policier à l'italienne avec le titre d'aujourd'hui Les rendez-vous de Satan. Une traduction foireuse à la française dont on cherche toujours le sens.

Les-rendez-vous-de-Satan-001

ATTENTION SPOILERS : Deux jeunes femmes sont assassinées coup sur coup dans le même immeuble appartenant à l'architecte Andrea Antinori. Ce dernier, en échange d'une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer et Marylin, de venir s'y installer. Tandis que Jennifer, au passé trouble, échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant.

Ce que l'on peut dire est que les deux dernières oeuvres divergeaient du cahier de charges habituel. Photo interdite d'une bourgeoise optait pour le psychologique au détriment des meurtres graphiques, tandis que La Mort a pondu un oeuf était... euh assez unique en son genre. Avec Les rendez-vous de Satan, nous en revenons à un style un peu plus conventionnel mais toutefois différent de la concurrence. Exit donc le serial-killer écumant les rues de la capitale en massacrant de jeunes et jolies nymphes. Ici, les meurtres prendront essentiellement place dans un gigantesque immeuble d'apparence sans histoire. Attention à ne pas vous imaginer un huis clos, les passages en extérieur étant aussi nombreux que ceux en intérieur. La seule caractéristique est que les assassinats, sauf un, se feront à un endroit défini. Et le moins que l'on puisse dire est que Carnimeo démarre son film en fanfare avec une exécution très réussie dans une cage d'ascenseur. Le ton est donné par le réalisme.
Ceci dit, le passé m'a appris à ne pas faire confiance trop vite à un giallo. Cette découverte marque le début d'une enquête policière qui pataugera vite dans la mouise en l'absence de preuves concordantes. En parallèle, sous l'impulsion du bellâtre architecte, deux mannequins sont invitées à quitter leur taudis pour emménager dans l'immeuble où vient de se produire ce tragique incident.

Comme il est souvent de mise, la bourgeoisie est presque toujours dans le collimateur des artisans du giallo. Si je dis "presque", c'est parce que Carnimeo le fait avec beaucoup de parcimonie. Tout juste, Andrea est un séducteur impénitent qui aime les femmes et fréquente un club privé où des shows à tendance érotique se font. Seulement, ce n'est ni inhérent, ni exclusif à la caste bourgeoise. Il ne semble pas être corrompu ou arriviste mais par contre, l'intrigue nous apprendra qu'il est du genre lâche à fuir devant ses responsabilités. Là encore, ce n'est pas le propre de la classe richissime. S'il était vrai que la sortie de l'Italie fasciste eut pour effet d'embrasser la gauche à tous les étages, encore dans les années 70, on ne retrouve pas ces dénonciations. On pourrait encore y voir la démesure des architectes à construire toujours plus haut, toujours plus grand mais ça reste suffisamment mince pour arriver aux satires comme Sergio Martino l'aurait fait. Bref, Andrea se lient très vite d'amitié avec Jennifer et Marilyn (surtout avec Jennifer), tandis que d'autres meurtres défraient le paysage jusque là tranquille de l'immeuble. Des personnes soupçonneuses comme la vieille givrée ou le vieux ronchon, pourtant là depuis bien longtemps, posent les doutes sur leur culpabilité. De son côté, Jennifer est rattrapée par son passé entre une relation malsaine avec un ex. Nous n'en saurons pas plus sur ce petit chapitre qui aurait mérité à être exploré.

Bw-JVEgVhYngPO7_V6K0l5KNJx8

Alors que nos occupants principaux partiront à la recherche de la vérité, ils seront secondés par un inspecteur particulièrement retors et philatéliste de surcroît, accompagné de son second gentil mais un peu à côté de la plaque. Ceci donnera lieu à quelques répliques humoristiques qui feront mouche. D'ailleurs, à lui seul, Les rendez-vous de Satan est un giallo qui fait mouche et va jusqu'au bout de ses intentions. La raison primordiale est que Carnimeo parvient à distiller un suspense constant, une réelle intensité et finalement un rythme qui se tient sur la durée. Ce qui fait que jamais nous risquons de nous emmerder une seule seconde surtout quand un autre mystère vient s'ajouter aux crimes. Des crimes qui, pour le coup, sont d'excellente facture entre la noyade dans la baignoire (grand classique du genre) ou cette sublime nymphe ébouillantée à la vapeur brûlante. Un aspect crade ressort de la barbarie de notre tueur en noir aux mains gantées et au visage masqué de noir lui aussi.
Un croquemitaine de service réellement inquiétant. Mentionnons que l'érotisme sera lui aussi aux abonnés présents, si ce n'est qu'il risquera de paraître un peu trop pudique sur les bords quand on voit le nombre de belles femmes. 

On ne pourra que trop bien féliciter le cinéaste pour la qualité de sa mise en scène, de sa très belle photographie, du découpage et des divers procédés classiques comme les gros plans rapides ou les montages cut. La caméra est habile et filme de manière très généreuse toutes les scènes sanguinolentes ou sexuelles. Seuls les décors pourront paraître un peu rébarbatifs mais c'est la storyline qui veut ça. A la composition musicale, j'aurais aimé retrouver Ennio Morricone pour le finish de mon projet mais les honneurs reviendront à Bruno Nicolai qui livre une partition correcte sans être vraiment exceptionnelle. En revanche, nous aurons droit à un casting pour le moins attrayant avec deux têtes très connues qui sont Edwige Fenech et George Hilton toujours aussi bons et sympathiques.
Une mention sera aussi à faire au charismatique Giampiero Albertini campant un enquêteur motivé à mettre la main sur le coupable. Ce n'est pas tous les jours que l'on a droit à une très bonne interprétation du corps policier. On citera aussi la magnifique Annabella Incontrera, Paola Quattrini, Franco Agostini, Oreste Lionello et Ben Carra.

4arwqasEYpOHVCOzBfMuGNc2zds@742x316

C'est avec une joie non dissimulée que je suis fier d'arriver au bout de ma rétrospective pour deux raisons. D'une part, j'étais arrivé à un point où la prolonger m'aurait sérieusement lassé. D'autre part, j'ai réussi amplement mon objectif de terminer le tout sur un giallo qui s'immisce sans conteste parmi les meilleures pellicules de ce modeste boulot. Ce qui n'était plus arrivé depuis, quand même, Folie Meurtrière qui date un petit peu. Bon après, pas de quoi non plus hurler au chef-d'oeuvre absolu qui pourrait rivaliser avec les grands classiques de Bava, Argento et Dallamano. Tout ce que l'on peut dire est que Carnimeo, avec Les rendez-vous de Satan, nous livre un giallo honnête, palpitant, riche en émotions et en intensité et offrant des assassinats de qualité.
On reprochera que le genre nous avait habitué à plus de perversion et de nudité et qu'il n'y a pas non plus de fulgurance graphique pour bercer les rétines du spectateur. Si tout avait été de la partie, Les rendez-vous de Satan aurait pu aisément tenir la dragée haute aux meilleurs gialli. Mais ne soyons pas ronchons car on a là un long-métrage recommandable qui a le mérite de ne pas être de la pathétique poudre aux yeux. Ainsi, s'achève ce long périple transalpin qui, je l'espère, aura au moins eu l'ébauche de l'amorce de l'ombre d'un certain intérêt aux yeux de certains.

Note : 14/20

orange-mecanique Taratata