[CRITIQUE] : She Will

Par Fuckcinephiles
Réalisatrice : Charlotte Colbert
Acteurs : Alice Krige, Kota EberhardtMalcolm McDowell, Rupert Everett,...
Distributeur : Alba Films
Budget : -
Genre : Fantastique.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h35min.
Synopsis :
Veronica part en convalescence dans la campagne écossaise avec sa jeune infirmière, Desi, après avoir subie une double mastectomie. Les deux femmes développent un lien particulier, alors que des forces mystérieuses amènent Veronica à s'interroger sur ses traumatismes passés et comment les venger.


Critique :

#SheWill est une expérience captivante qui prospère dans le mystère indéfinissable qu'il crée, incarnant à la fois un rape and revenge singulier et un film de sorcières où la féminité est représentée comme un pouvoir collectif et solidaire qui transcende le temps et l'histoire. pic.twitter.com/8mFIHBAjft

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 30, 2022

À une époque où les grandes heures de son cinéma semble bien, bien loin derrière lui (ce qui ne l'empêche pas de continuer à tourner et, par la même occasion, de nous le rappeler avec fracas), il y a cela dit quelque chose de profondément intriguant dans l'idée de voir Dario Argento accroché aussi bien son nom que son aura sur une oeuvre qu'il produit, et encore plus quand celle-ci pourrait très bien être un cauchemar horrifique et baroque née de sa propre caméra.
C'est dire donc l'impressionnante puissance et assurance que dégage le premier long-métrage de la wannabe cinéaste franco-britannique Charlotte Colbert, She Will, tant celle-ci démontre déjà la même capacité que le maestro du giallo, a concocté un songe visuellement saisissante qui entraîne progressivement son auditoire dans une réalité palpable qui communique pourtant continuellement avec le surnaturel - en l'occurence ici une terre nourrit par la folie de l'homme et la souffrance des femmes.

Copyright Slug Love Films Ltd 2022


La caméra reste tout du long vissée sur ancienne star de cinéma, Veronica Ghent, qui se rend dans une retraite écossaise avec son infirmière personnelle Desi, afin de guérir d'une récente double mastectomie.
Le sol sous elle, lui dit-on, a des propriétés spéciales et purifiantes alors que partout où elle marche, les cendres de milliers de femmes brûlées pour sorcellerie vibrent sous ses pieds.
Et sans qu'elle ne puisse l'expliquer, ce lieu écrasant commence à totalement s'emparer d'elle...
Aussi formellement audacieux qu'il est narrativement insaisissable, le film embrasse l'inconnu et l'inhabituel jusque dans son rythme lancinant évitant soigneusement tous les battements familiers de l'horreur contemporaine, mais aussi et surtout son épure de dialogue, symbole d'un fantastique à l'ancienne qui cherche moins à faire sursauter et sur-expliquer son histoire qu'à submerger son auditoire par un tout aussi mystérieux qu'envoûtant.
Ce tout ici, c'est une lente descente autant vers les confins de la folie que l'éveil existentiel d'une femme traversant un bouleversement intérieur et émotionnel, une mutation qui lui permet enfin de faire face aux traumatismes les plus sombres de son passé (elle fut la victime d'un réalisateur/prédateur), des plaies ouvertes qu'elle a tenté d'enterrer mais qu'elle va maintenant creuser.
L'inexplicable qui hante n'est pas une menace, mais une source inexploitée de solidarité, une force qui permet d'assouvir une vengeance salvatrice et profondément cathartique.

Copyright Slug Love Films Ltd 2022


Pas exempt de quelques occasions manquées (le personnage de Desi taillé à la serpe, quelques séquences oniriques qui tombent à plat,...), She Will n'en reste pas moins une expérience grisante et fascinante qui prospère dans le mystère indéfinissable et délicieusement écrasant qu'il crée, incarnant à la fois un rape and revenge singulier et un film de sorcières, saupoudré d'un regard acéré sur l'industrie du cinéma (et le traitement réservé aux femmes, à tout âge) où la féminité est représentée comme un pouvoir collectif et solidaire qui transcende le temps et l'histoire.
Un solide premier effort à la fois doux et furieusement provocateur, fragile et déstabilisant.
Jonathan Chevrier