Il semble que le très film "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan a fait des émules, où comment penser à une sorte de suite thématique et chronologique, historique aussi sur les féministes qui vont se battre pour le droit d'avortement. Après "Zouzou" (2014) et "Aurore" (2017) Blandine Lenoir signe son troisième film en tant que réalisatrice, après avoir débuté en tant qu'actrice dans les sulfureux "Carne" (1991) et "Seul Contre Tous" (1998) tous deux de Gaspard Noé. La réalisatrice-scénariste co-écrit le scénario avec Axelle Ropert qui écrit surtout pour le réalisateur Serge Bozon, mais qui est aussi réalisatrice entre autre de "La Famille Wolberg" (2009) ou "Petite Solange" (2021)... Début 1974, Annie, ouvrière et déjà mère de deux enfants, se retrouve encore enceinte alors que ce n'était pas prévu. Elle décide d'avorter, et fait ainsi la rencontre de l'association MLAC, le Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception. Accueillie et séduite par les idéaux véhiculés par cette association elle va prendre part au combat pour le droit des femmes et trouver un nouveau sens à sa vie...
Cette maman qui va se trouver un combat d'un vie est incarnée par Laure Calamy vue récemment dans "L'Origine du Mal" (2022) de Sébastien Marnier, qui retrouve sa réalisatrice après "Zouzou" (2014) et "Aurore" (2017), et qui retrouve après "Rester Vertical" (2016) de Alain Guiraudie sa partenaire India Hair vue dernièrement dans "En Même Temps" (2022) du duo Delépine-Kervern, "Sentinelle Sud" (2022) de Mathieu Gerault et "La Ligne" (2022) de Ursula Meier. Les autres femmes sont jouées par Zita Hanrot vue dans "Les Hirondelles de Kaboul" (2019) de Zabou Breitman et "Rouge" (2020) de Farid Bentoumi, Rosemary Standley dans son premier rôle pour la chanteuse du groupe Moriarty, Louise Labeque vue dans "Zombi Child" (2019) "Coma" (2022) tous deux de Bertrand Bonello, Florence Muller vu déjà dans 5 films en 2022 et qui retrouve Laure Calamy et la réalisatrice après "Zouzou" (2014) et "Aurore" (2017), à l'instar de sa partenaire Pascale Arbillot vue aussi dans "Aurore" et dans 5 films cette années. Chez les hommes, citons Yannick Choirat qui retrouve Florence Muller après "Pupille" (2018) de Jeanne Herry et également omniprésent en 2022 avec ce qui est ici son 6ème film, puis Damien Chapelle vu dans "Don Juan" (2022) de Serge Bozon et "En Corps" (2022) de Cédric Klapisch, Laurent Stocker vu dernièrement dans "Hommes au Bord de la Crise de Nerfs" (2022) de Audrey Dana et "Goliath" (2022) de Frédéric Tellier après lequel il retrouve Florence Muller, puis enfin Eric Caravaca vu dans "Le Chemin du Bonheur" (2021) de Nicolas Steil et "Tout s'est Bien Passé" (2021) de François Ozon... Une quarantenaire se rend à un rendez-vous important dans un centre clandestin où une association aide les femmes à avorter. Une action loin d'être anodine, parce que c'est illégal avant tout, mais aussi parce qu'un tel geste importe éventuellement des conséquences non négligeables sur sa famille, ses proches, son moral mais aussi sur son corps. Mais on est en 1974, les techniques d'avortement se sont beaucoup améliorés (par rapport au film "L'Evénement" par exemple), et que les moeurs changent, un peu, doucement, quelques mois avant que Simone Veil se batte pour faire évoluer la loi.
La vraie force du film est d'aborder le sujet via de multiples autres thèmes féministes, ainsi derrière l'avortement lui-même il est question de la femme face à l'homme, de la femme face au travail, de la femme et le consentement... etc... et aussi l'importance qu'a eu le MLAC (Tout savoir ICI !) dans l'aide aux femmes à avoir accès à l'avortement et remet à sa place ce mouvement qui a sans doute fait plus pour les femmes que Simone Veil elle-même ; en effet, la réflexion de Annie après le vote de la loi est en cela aussi pertinente que passionnante. Le film replace le combat pour le droit à l'avortement dans un contexte certe politique mais surtout social, féminin et féministe mais bel et bien ancré dans les seventies et non pas dans l'extémisme hystérique d'une certaine frange de pseudos-féministes d'aujourd'hui. Les hommes ne sont pas montrés bêtement comme les bourreaux ou les ennemis, les femmes sont tout aussi différentes les unes des autres, seul le droit de faire ce qu'elles veulent de leur corps les rapproche. La réalisatrice n'hésite pas à filmer l'avortement, et explique avec pédagogie les étapes et le cheminement qui va de la prise de décision à l'acte lui-même, mais aussi et surtout on s'aperçoit que le MLAC s'appliquait aussi à "éduquer" les femmes qui souvent ne connaissaient par leur corps et restaient donc sous l'emprise des médecins majoritairement masculins. La séquence de la glace, de l'exploration digitale ou du jeu de rôle pour un médecin homme les pieds dans l'étrier restent des scènes souvent aussi drôles que ludiques, légères même malgré un fond tragique et sérieux. La réalisatrice signe un film d'une intelligence salvatrice sur le sujet, qui ne tombe pas dans la caricature, qui réussit l'exploit d'offrir un panel représentatif sans être pour autant scolaire ou démonstratif, avec une dérision bienvenue signe d'optimisme et en prime un joli portrait de femme. Un film qui rend hommage au MLAC, aux femmes qui n'ont pas la lumière de Simone Veil mais auxquelles les femmes des générations suivantes doivent autant. Un très beau et très bon film, à voir et à conseiller.
Note :
16/20