[CRITIQUE] : Les Survivants

[CRITIQUE] : Les Survivants
Réalisateur : Guillaume Renusson
Avec : Denis Ménochet, Zar Amir Ebrahimi, Victoire Du Bois, Oscar Copp, …
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Thriller
Nationalité : Français
Durée : 1h34min
Synopsis :
Samuel part s’isoler dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui, piégée par la neige. Elle est afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d’ennuis mais, devant sa détresse, décide de l’aider. Il est alors loin de se douter qu’au-delà de l’hostilité de la nature, c’est celle des hommes qu’ils devront affronter...
Critique :

D’un thriller violent et froid façon chasse à la femme dénuée de tout misérabilisme, Guillaume Renusson réussit le pari d'infuser de l’humanité dans #LesSurvivants, un premier film saisissant par sa maîtrise de l’espace et de l’émotion au cœur d’un sujet actuel. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/h9G0YEeLZo

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 15, 2022

La question des migrants se retrouve désormais au cinéma. Du très dur (et nécessaire) documentaire Paris-Stalingrad réalisé par Hind Meddeb et Thim Naccache au drame sensationnaliste Les Engagés de Emilie Frèche, en passant par une romance, Ils sont vivants de Jérémie Elkaïm. Dans le premier long métrage de Guillaume Renusson, l’immigration devient un prétexte pour nous offrir un survival au cœur des Alpes italiennes. Une réfugiée afghane (Zar Amir Ebrahimi) et un homme français en plein deuil (Denis Ménochet) se retrouvent piégé⋅es dans ces montagnes, tandis que les autochtones les pourchassent, lors d’une action anti-migrants.
Il existe le risque, quand un cinéaste s’approprie le sujet des réfugiés, de glisser dans le trope du white savior. Mais Les Survivants se détourne habilement de ce risque parce qu’il met le danger provenant des éléments au même titre que les chasseurs fachos qui les poursuivent. Le film devient une chasse à l’homme, où plutôt une chasse à la femme convaincante, dénuée de misérabilisme. Les émotions sont contenues lors de rares moments d’introspection. Le reste du temps, c’est le danger imminent qui prime.

[CRITIQUE] : Les Survivants

Copyright Les Films Velvet - Baxter Films - Pierre Maïllis-Laval


Le film commence par une descente de police, où la violence paraît d’autant plus horrible car les réfugiés dorment et ne dérangent personne. Chehreh parvient, avec peine, à s’enfuir. Dans la nuit, dans le froid, sans ressource. Dans un même temps, Samuel se prépare à partir dans son chalet, à la frontière italienne. Ici, la violence est plus sourde. Elle gît dans les silences gênés, dans le regard frustré d’une petite fille triste. Bourru et inconsolable, Samuel ne fait attention qu’à lui et à sa douleur. Si le récit ne nous dit jamais ce qui est arrivé à sa femme, nous comprenons rapidement qu’il s’agit d’un accident. Un accident où Samuel serait en partie ou intégralement responsable.
Les Survivants va rassembler ces deux âmes en peine. Cependant, Guillaume Renusson ne les mettra jamais sur un même pied d’égalité. Si leur douleur se rejoigne (chacun a perdu un être cher), il n’est jamais question de comparer cette douleur, ou de laisser entendre que Samuel a autant perdu que Chehreh. Il en va de même à propos de l’élan d’entraide de Samuel. Pas d’héroïsme exacerbé, ni de discours résilient. On sent (et l’on sait) que le personnage aide la jeune femme parce que cela lui tombe dessus (presque littéralement). Acculé par les événements, il décide de faire preuve de compassion. Une scène cruciale et muette permet de remettre les choses dans leur contexte. Alors que le duo parvient à un chalet désert, Samuel s’emploie à déshabiller Chehreh, dans le but de la réchauffer (et la sauver de l’hypothermie). À demi consciente, la jeune femme pense qu’il veut la violer. En seulement quelques plans, nous comprenons que, malgré leur similitude, la différence demeure. Il n’est qu’un homme en deuil, elle est une femme qui a tout perdu et qui, chaque jour, est en danger. Du côté des autochtones, le récit se fait beaucoup plus manichéen. Ceux-ci leur mènent la vie dure afin de reprendre leur territoire [sic]. Samuel refuse de leur livrer Chehreh. Le climat délétère d’une station de ski à l’abandon souligne d’autant plus l’escalade de violence.

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C’est dans l’hostilité que Les Survivants tire son épingle du jeu. Guillaume Renusson arrive à installer un climat de violence latente. Il fait des montagnes enneigées de puissantes alliées pour placer son atmosphère angoissante. Ces grandes étendues blanches ne laissent aucun coin pour se cacher. Le danger s’écoute (le drone, la motoneige) mais rien ne peut être utilisé pour les éviter. L’horreur se niche dans cette inéluctabilité. L’impact de la violence ne peut être dévié, le drame ne peut être éludé. Cette manière frontale de manier les enjeux du film permet à son réalisateur de se préserver du “syndrome du ventre mou”, le risque de ce genre de récit. La tension ne se relâche jamais et permet à la narration de bien calibrer le moindre de ses effets.
D’un thriller violent et froid, Guillaume Renusson réussit le pari à infuser de l’humanité dans Les Survivants. Un premier long-métrage saisissant par sa maîtrise de l’espace et de l’émotion, au cœur d’un sujet actuel. Une sortie de début d’année à ne pas manquer.
Laura Enjolvy
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