Après "Le Grand Jeu" (2015) et "Alice et le Maire" (2019) Nicolas Pariser a imaginé un projet qui aurait été un pastiche des films de Alfred Hitchcock avec déjà l'acteur Vincent Lacoste mais au vu des prévisions extrêmement chères il a abandonné l'idée jusqu'à ce qu'il constate un point commun entre Hitchcock et Hergé l'auteur des albums "Tintin" : "Ce sont deux artistes catholiques qui pressentent la déflagration future en ne voyant simplement pas ce problème. En fait, pour Hergé c'est un peu inexact et surtout très accablant : il y a des juifs dans ses albums mais ce sont presque toujours des caricatures antisémites. Chez Hitchcok, à ma connaissance, il n'y a pas de juifs du tout. Après avoir identifié ce point aveugle, je me suis demandé ce que cela donnerait de mettre des personnages juifs au milieu d'un récit d'espionnage de type "hitchcocko-hergéen"... (...) Surtout, en relisant Le Sceptre d'Ottokar (1939), j'ai beaucoup pensé à Une Femme Disparaît (1938, Alfred Hitchcock). Ce sont deux oeuvres qui révèlent une véritable inquiétude quant à la marche, une angoisse liée aux événements européens. Je me suis alors demandé si Hergé connaissait Hitchcock. Renseignements pris, j'ai cru comprendre que oui, mais l'inverse n'était sans doute pas possible : à l'époque, Tintin était un phénomène belgo-belge." Nicolas Pariser signe le scénario de son film... En pleine représentation d'une pièce de théâtre, un comédien de la Comédie Française est assassiné par empoisonnement. Martin, membre de la troupe et témoin direct est d'abord soupçonné puis est ensuite pourchassé par une mystérieuse organisation. Pour s'en sortir il doit trouver le ou les véritables coupables, il se lance donc dans une enquête à haut risque aidé par Claire une dessinatrice de bande-dessinée...
Le jeune comédien témoin est donc incarné par Vincent Lacoste vu récemment dans "Coma" (2022) de Bertrand Bonello, "Fumer fait Tousser" (2022) de Quentin Dupieux et "Le Lycéen" (2022) de Christophe Honoré. La dessinatrice est interprétée par Sandrine Kiberlain vue dernièrement dans "Chronique d'une Liaison Passagère" (2022) de Emmanuel Mouret et "Novembre" (2022) de Cédric Jimenez. Ils sont entourés de plusieurs acteurs qui retrouvent le réalisateur-scénariste Nicolas Pariser après "Alice et le Maire" (2019) dont Léonie Simaga vue auparavant dans "Jeune Femme" (2017) de Léonor Seraille, Alexandre Steiger qui était aussi dans le court métrage "Agit Pop" (2013) de Pariser et vu dans l'excellent et singulier "Oranges Sanguines" (2021) de Jean-Christophe Meurisse, Pascal Rénéric vu récemment dans "La Vraie Famille" (2022) de Fabien Gorgeart, "Notre-Dame Brûle" (2022) de Jean-Jacques Annaud et "Les Femmes du Square" (2022) de Julien Rambaldi, Gwenaëlle Simon révélée dans "Conte d'Eté" (1996) de Eric Rohmer et qui était aussi dans le court "La République" (2009) de Pariser, puis Thomas Chabrol, fils de Claude Chabrol pour qui il tourna dans quasi tous les films de "Alice ou la Dernière Fugue" (1976) à "Bellamy" (2009) et qui était aussi dans "le Grand Jeu" (2015) de Pariser. Citons ensuite Rüdiger Vogler acteur fétiche de Wim Wenders sur huit films de "L'Angoisse du Gardien de But au Moment du Penalty" (1971) à "Lisbonne Story" (1994), Arieh Worhalter vu dans "À Coeur Battant" (2020) de Keren Ben Rafael, "Serre-Moi Fort" (2021) de mathieu Amalric et "Bowlng Saturne" (2022) de Patricia Mazuy, Jenna Thiam vue notamment dans "Anton Tchekhov - 1890" (2015) de René Féret, "Le Cahier Noir" (2018) de Valeria Sarmiento, et "Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait" (2020) de Emmanuel Mouret, Xavier De Guillebon vu dans "Grâce à Dieu" (2018) de François Ozon et "Les Apparences" (2020) de Marc Fitoussi, Baptiste Sornin acteur fétiche des frères Dardennes sur quasi tous leurs films de "Le Silence de Lorna" (2007) à "Tori et Lokita" (2022)... Le film débute avec un mélange de styles séduisant, avec un rythme pas forcément soutenu mais en mode "croisière" très agréable pour une aventure qui lorgne du côté de "La Mort aux Trousses" (1959) de Alfred Hitchcock sans sa maestria à la mise en scène en y ajoutant une bonne dose de Tintin et Rouletabille. On savoure à suivre cet escogriffe piégé dans une machination qui le dépasse et un peu paumé jusqu'à sa rencontre avec une autrice de BD qui semble un peu fofolle.
On aime cette histoire d'espionnage un peu décalé, en mode pastiche, pleine de fantaisie qui réunit tous les ingrédients en une sauce savoureuse bien qu'un peu trop théâtrale. Mais malheureusement il y a quelques maladresses ou incohérences. D'abord le cinéaste semble avoir voulu y mettre une portée politique comme il l'explique : "Eh bien je me dis que quand tout cela disparaît, c'est la guerre. Or, la guerre c'est un sujet qu'on ne peut pas traiter dans un seul pays donc il faut faire un film à l'échelle d'un continent. Plus concrètement, faire un film européen cela consistait pour moi à filmer des trains qui traversent des frontières, filmer dans plusieurs pays... Je me disais que si c'était réussi ça ne ressemblerait pas à un film français." Ben c'est râté, il existe des guerres civiles, sans tiers étrangers, et son film est sur le fond comme sur la forme très franco-français. Tandis que son message politique ne prend pas franchement (le Paix dans le monde comme message c'est un peu juste), on reste surtout perplexe par l'importance de la judaïcité dans l'histoire ?! Trop présente, voir martelée sans que ce soit pertinent ou utile pour l'intrigue. Moins grave, on remarque d'autres détails, comme le fait qu'il est impossible de marcher aussi peu de temps après avoir reçu un cartouche, ou l'enquêtrice/Simaga qui surjoue un peu la fliquette pro et concentrée qui crée un décalage avec la dimension fun et légère de l'ensemble. Par contre, le réalisateur réussit sur sa volonté de lorgner vers la bande-dessinée "plus grand, avec plus de monde, qu'il se passe plus de choses en même temps...", comparé à ses précédents films entre autre. En conclusion, Nicolas Pariser signe une comédie policière bien écrite et amusante, qui pêche par de passages à vide (les juifs !) mais qui reste un divertissement très sympa, un très bon moment.
Note :
13/20