[CRITIQUE] : Radio Metronom

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Alexandru BelcAvec : Mara Bugarin, Şerban Lazarovici, Vlad Ivanov,...Distributeur : Pyramide DistributionBudget : 1M€.Genre : Drame.Nationalité : Roumain, Français.Durée : 1h42min Synopsis :Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Un soir, elle rejoint ses amis à une fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission musicale que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie. C’est alors que débarque la police secrète de Ceausescu, la Securitate...  Critique : 

Desarmant très vite ses contours de romance adolescente sous fond de désillusion à la Roméo et Juliette, pour mieux incarner un intense portrait d'une Roumanie frappée par la barbarie et la répression, #RadioMetronom est un drame déchirant et complexe sur l'oppression idéologique pic.twitter.com/KCD4MzWSHC

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 3, 2023
Difficile de ne pas saluer l'ambition éclatante du premier long-métrage de fiction d'Alexandru Belc, voix qui est appelée a - peut-être - devenir au moins aussi importante que peuvent l'être Cristian Mungiu, Bodgan George Apetri où encore Cristi Puiu au sein d'un cinéma roumain en pleine reconstruction, lui qui suit à la fois la logique de ce que l'on peut considérer comme la Nouvelle Vague roumaine, avec des considérations socio-politiques caractéristiques de cette mouvance aussi fascinante que particulière, tout en y apposant sa patte personnelle qui le démarque intimement de ses compatriotes.Récit initiatique catapulté au coeur du début des années 70 (plus précisément à l'automne 1972), à une heure l'ombre du règne totalitaire de Nicolae Ceausescu plane furieusement sur la Roumanie, Radio Metronom, qui doit son titre à la populaire émission de radio éponyme de l'époque (diffusée par la Radio Free Europe, un diffuseur américain clandestin dédié à contrer l'influence communiste dans les pays du bloc de l'Est et en Asie centrale, dont l'écoute était considérée comme une infraction), s'attache aux atermoiements d'une jeunesse baignée entre une oppression sourde et sournoise, et l'espoir d'un avenir meilleur de plus en plus piétiné par le pouvoir en place. 

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Plus directement, il se fixe aux aléas sentimentaux de la jeune Ana (magnifique Mara Bugarin), dont le coeur bat à la chamade pour son bien-aimé Sorin, qui est sur le point de quitter le pays avec sa famille.Mais alors qu'elle est censée le retrouver à une soiree entre amis, la Securitate - la police secrète de Ceausescu - vient sensiblement gâcher la fête et bousculer leur vie...Naviguant avec finesse entre les thèmes familiers du teen movie, où ces jeunes héros naviguent au milieu de leurs premiers amours et de leurs rebellions plus où moins prononcés face à la figure parentale (et, un peu plus métaphoriquement, face à l'ordre établi), tout en les faisant basculer dans les eaux plus délicates du drame existentiel mais pas moins universel, où une poignée d'ados vulnérables et innocents ne demandent qu'à rester les enfants qu'ils sont; Radio Metronom désarme très vite ses faux atours de romance sous fond de désillusion à la Roméo et Juliette sur deux jeunes amants maudits (où l'une ne demande qu'à entendre de la bouche de l'autre, qu'il l'aime autant qu'elle l'aime pour digérer un tant soit peu leur inéluctable séparation), pour mieux incarner un glacial et intense portrait d'une Roumanie frappée par la barbarie et la répression, où l'ouverture à l'Occident et les libéralisations même minimes avaient été bannies par le régime de Ceausescu - renversé dix-sept ans plus tard. 

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Embaumé autant par la photographie vintage de Tudor Vladimir Panduru que par les sonorités emballantes de l'époque (The Doors en tête), Radio Metronom se fait autant une pièce d'époque fascinante sur l'oppression idéologique qu'une oeuvre douloureusement actuelle dans sa réflexion sur la liberté d'expression - voire la notion de liberté, tout court -, un premier effort à la fois déchirant, complexe et réellement percutant qui vaut décemment son pesant de pop-corn en ce début d'année ciné déjà enthousiasmant riche...Jonathan Chevrier