[CRITIQUE] : La Ligne

Par Fuckcinephiles
Réalisatrice : Ursula Meier
Avec : Stéphanie Blanchoud, Valeria Bruni-Tedeschi, Elli Spagnolo, India Hair,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Suisse, Français, Belge.
Durée : 1h43min
Synopsis :
Après avoir agressé violemment sa mère, Margaret, 35 ans, doit se soumettre à une mesure stricte d’éloignement en attendant son jugement : elle n’a plus le droit, pour une durée de trois mois, de rentrer en contact avec sa mère, ni de s’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Mais cette distance qui la sépare de son foyer ne fait qu’exacerber son désir de se rapprocher des siens. Chaque jour la voit revenir sur cette frontière aussi invisible qu’infranchissable.


Critique :

Tragi-comédie subtile malgré un vrai arrière-plan dramatique solide (sur la violence féminine couplée au dysfonctionnement familial), qui ne se laisse jamais séduire par les contours faciles de la caricature grotesque,#LaLigne se fait une expérience aussi saisissante qu'étonnante pic.twitter.com/KcQC9JIuPx

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 15, 2023

Difficile de ne pas se laisser un chouïa polluer par la polémique récente entourant le dernier effort en date du pendant cinéaste de Valeria Bruni- Tedeschi, Les Amandiers, et des accusations portées au comédien Sofiane Bennacer, à la vision de son retour à l'écran devant la caméra de la réalisatrice suisse Ursula Meier, La Ligne
Cela serait pourtant passer à côté d'une troublante expérience de cinéma sur le dysfonctionnement familial, vissé sur des personnages s'enfonçant lentement mais sûrement dans l'accumulation croissante de leurs erreurs, errer dans les conséquences de leurs mauvaises décisions et de leurs excès de rage.
Soit Margaret, l'aînée d'une famille de trois sœurs, qui finit par gifler sa mère, Christina, avec des yeux injectés de sang et une violence qui suggère que ce n'est pas uniquement un simple geste isolé.

Copyright Bandita Films/Films de Pierre/Films du Fleuve


Une ouverture d'une violence folle, qui sert de mise en bouche à une tragi-comédie volontairement outrancière et cartoonesque dont la solennité contraste avec les épisodes humoristiques subtils qui se construisent et reposent uniquement sur le jeu de comédiens totalement voués à sa cause.
Le juge condamne alors Margaret, dont la réputation de fauteuse de troubles n'est plus à prouver au coeur de sa petite communauté suisse, à une ordonnance d'éloignement à cent mètres du domicile familial (et donc de sa mère) pendant trois mois, ordonnance qu'elle tente de transgresser pour offrir des explications hâtives déguisées en reproches.
La Ligne du dit titre est donc aussi métaphorique - l'ordonnance d'éloignement - et physique : Marion, sa sœur cadette, décide de mesurer elle-même la distance et de la marquer au sol pour ne pas que sa soeur la franchisse même si, paradoxalement, elle fait de cette zone infranchissable un espace neutre où elle-même intime sa soeur de l'aider pour quelques cours de chants histoire de préparer sa première communion, alors que sa mère souffre d'intenses sautes d'humeur, un épisode de plus dans une série de déceptions constantes que Margaret et ses deux sœurs lui ont causées - à commencer par la fait d'être né, tant elle lui ont " volé " sa jeunesse et sa potentielle carrière de pianiste.

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Comédie légère et subtile à la linéarité nébuleuse malgré un vrai arrière-plan dramatique solide sur la violence féminine couplée au dysfonctionnement familial, qui ne se laisse jamais séduire par les contours faciles de la caricature grotesque (même si l'on ne prend pas toujours au sérieux chaque collision entre une Margaret violente et désobéissante et sa mère, embaumé dans un glamour fané et sensiblement exaspérante), où l'importance de la musique se fait un catalyseur d'un arc de rédemption certes assez prévisible (trompé cela dit par un final dont le fond noir suggère une nouvelle explosion); La Ligne, porté par des comédiennes incroyables (Valeria Bruni-Tedeschi, India Hair, Elli Spagnolo et surtout une bestiale Stéphanie Blanchoud), déroule le sillon d'une violence tirant sa force dans le manque de communication et une frustration que l'on cultive dans les remords et le refus de se confronter à l'autre, jusqu'au point de non-retour...
Jonathan Chevrier